Fyctia

Ethan est parti de l'appartement à la suite de Nelly, quelques minutes seulement après son départ. Où peut-elle bien être à cette heure de la nuit ? S'inquiète le jeune homme qui pense décidément qu'il ne fait rien comme il aurait fallu. En se concentrant, il essaie de ressentir la jeune femme. Le lien qu'il a tissé avec elle, bien que quelque peu malmené ces derniers temps, est réel. Du moins, c'est ce dont le garçon veut se persuader. Il se met à marcher sans savoir vers où se rendre, misant sur son instinct. De loin, il distingue très vite une ombre. Une silhouette qu'il connaît bien pour l'avoir observé à de nombreuses reprises pendant les heures à tuer au boulot : c'est celle de Nelly. En se rapprochant, il voit que la jeune femme est assise sur un ponton en bois usé par les intempéries. Ses jambes se balancent dans le vide distraitement, ses bras sont croisés en dessous de sa poitrine comme pour fermer son gilet et se protéger de la brise fraîche à cette heure. Les yeux, qu'Ethan apprécie tant, scrutent vraisemblablement l'océan tumultueux qui leur font face. Arrivé à quelques mètres d'elle, Ethan se surprend à vouloir la laisser ainsi. Elle paraît pensive mais apaisée. Aucune émotion ne peut se lire sur son visage si gracieux. Alors que s'il s'avance, cela pourrait tout venir chambouler, encore une fois. Pourtant, le garçon fait courageusement quelques pas. Et là fut submergé par des émotions qui lui sont étrangères, des émotions vives, puissantes qui lui font plier le genou. Jamais pareils sentiments ne l'ont atteints ainsi. C'est fulgurant, c'en est presque douloureux. Peut-être la nature humaine de Nelly ? S'explique-t-il. Après quelques minutes pour reprendre le contrôle de lui-même, il s'installe près d'elle, bien décidé à s'expliquer avec la jeune femme. Il imite sa posture avant de prendre la parole :

- Tu sais, la soirée est moins bien sans ta voix. Choisit-il un sujet neutre pour relancer le dialogue.

- Tu rigoles ou quoi ? Je chante super mal ! En rit presque la brunette au carré plongeant.

- Non, je ne trouve pas. Je pense même que tu as une voix unique.

- Aiguë et désagréable plutôt ! Le corrige-t-elle avec une grande honnêteté avec elle-même.

- Aiguë oui mais loin d’être horrible à entendre. Après tout, elle te ressemble. Lui confie Ethan, en fixant ses chaussures.

- Très drôle !

- Je suis sincère, Nelly.

- En quoi elle me ressemble alors ? Ose demander Nelly farouchement.

- Eh bien… Euh… Bafouille-t-il, un peu gêné. S'il n'avait pas la peau aussi hâlé, la brunette aux cheveux courts aurait pu constater sa gêne.

- Ah, tu vois !

- Non, c'est juste que ta question me prend sur le fait.

- Oui, oui c'est ça… S'en amuse Nelly.

- Je dirai, se reprend Ethan, que ta voix est surprenante parce qu'elle te donne un air enfantin alors que tu te comportes la plupart du temps en adulte.

- La plupart du temps ?

- C'est pas ce que je voulais dire… Tu as compris l'idée, c'est l'essentiel. Abrège la conversation, Ethan.

Un blanc entre les deux jeunes gens survient. Mais bien loin d'être gênant, il leur permet de souffler un peu. Ils restent là, sans rien dire de plus, un bon moment. Nelly ne ressent plus d'amertumes ni même de tristesse. La discussion qu'elle vient d'avoir avec son coloc a calmé ses inquiétudes. Ethan et Eranhel ne font bien qu'une seule et même personne, l'un n'est pas si différent de l'autre. Après tout quel choix avait-il ? s'il avait débarqué en lui disant la vérité elle l'aurait pris pour un fou. Et même s'il ne peut pas lui avouer encore, elle a des sentiments alors elle lui pardonne ses cachotteries. Nelly se surprend à remercier sa sœur en pensée. Si Nora n'avait pas provoqué le rapprochement avec Ethan/Eranhel, jamais Nelly n'aurait pu se sentir si proche de lui à nouveau.

- Bon viens, je te ramène à la soirée. Comme cela, je serais acclamé en héros ! Se redresse la garçon, vif et conquérant.

- Alors si c'est pour ta côte de popularité, pas de problème ! Le suit la jeune femme.

Tout deux, en rigolant, reprennent la route vers le karaoké en quittant le vieux ponton en bois, craquant sous leurs pas.

De retour à l'appartement, Ethan et Nelly déposent leurs vestes et remarquent que la fête bat toujours son plein. Et pour cause, Nora a sorti l'artillerie lourde : en plus des baffes ajoutées spécialement pour l'occasion, elle a sorti les projocteurs qui illuminent désormais la pièce d'un jeu de couleurs comme celui que l'on trouve en boîte de nuit. L'ensemble des employés chantent et s'amusent sur « Sous les sunlight des tropiques », Nelly aurait reconnu le titre entre mille. Les deux retardataires décident de se joindre à la petite troupe et de sceller définitivement leur réconciliation sur le dance-floor. Nelly attrape la main de Ethan et se fait tournoyer sur elle-même. Pris dans l'élan, il pose une main sur sa taille, en attendant son autorisation du regard. Un sourire sincère de la jeune femme lui accorde ce droit. Il ne connaît pas comment danse les humains. Il lui fait comprendre que c’est elle qui devra mené. Une danse collée-serrée s'entame alors entre eux.

En voyant la scène, Nora quitte ses collègues un instant, le temps de se servir un autre verre prétend-t-elle. En vérité, la blondinette en profite pour observer les deux tourtereaux sur la piste. Il y a encore quelques minutes, jamais elle n'aurait cru cela possible. Au tour suivant, c'est justement à la blondinette de pousser la chansonnette sur du « Call me maybe » de Carly Rae Jepsen. C'est parfait ! Pouffe de rire Nelly tellement le titre colle bien à la personnalité de sa sœur. Cette dernière ne peut s'empêcher de sautiller dans toute la pièce en chantant. L'alcool sûrement, aidé par l'euphorie d'avoir remporté une sacré victoire de cupidon en herbe. Théo esquisse un léger sourire qui s'évapore aussi vite qu'il est apparu. Les humains sont étonnants pense-t-il. Posé sur la sofa en sirotant sa bière, il réfléchit au rapprochement entre Nelly et Ethan. Contrairement à Nora, il ne saute pas au plafond bien au contraire. Cela n'est pas prévu dans le plan semble-t-il se répéter sans cesse, avec la crainte que cela complique les choses à l'avenir.