Fyctia

Ethan, ou plutôt Eranhel, fixe alors la jeune fille sceptique. Les disciples d'Zohar étant à leurs recherches également, les deux jumelles doivent bien s'assurer de l'identité de ceux qu'elles accueillent. Bien qu'il n'apprécie pas qu'elle se méfie de lui, Eranhel est heureux néanmoins qu'elle soit capable d'être sur ses gardes. Le garçon explique alors, qu'à la différence de l'armée de l'oncle des filles, les Aréviens ne peuvent utiliser la magie directement. Ils ont besoin d'un cristal, comme celui qu'Eranhel lui montre, incrusté au centre de son bracelet en argent. Ce cristal fonctionne un peu comme un réservoir inépuisable de magie dans la mesure où il l'emmagasine. C'est grâce à cet artefact que Thaneor et lui ont une apparence humaine. Pour leur montrer, il ordonne à son cristal de lever l'enchantement en montrant son vrai visage. Ce dernier s'active en luisant. Tout devient flou autour de lui. Très vite, la brume légère dévoile ses traits elfiques : une silhouette plus svelte, des cheveux châtains plus lustrés, des oreilles pointues assez caractéristiques et un regard marron encore plus lumineux. Thaneor en fit de même : sa carrure s'affine, ses oreilles se modifient comme celles de son cadet, ses cheveux blond cuivré ondulés lui tombent maintenant dans la nuque et son regard vert est encore plus envoûtant.

Conscient que sa simple parole ne suffira plus pour convaincre les deux filles, Eranhel part chercher la seule chose qui ne peut pas mentir : le grimoire. Ce dernier s'ouvre aussitôt dans les mains de l'Aréviens. Or, il ne le peut que s'il reconnaît la magie et les bonnes intentions, deux conditions nécessaires à l'ouverture de son fermoir qui agit telle une armure d'après les dires de Thaneor. Le masque holographique s'accorde avec la version des deux princes. Plus de doutes, les deux frères sont du bon côté.

Nelly le sait depuis leur transformation, pas besoin du livre pour s'en assurer. En effet, lorsque la véritable apparence des frères fut révélée, Nelly fut sous le choc, portant une main à sa bouche pour retenir un cri. Les êtres surnaturels de mon rêve eut-t-elle pensé. Dès lors, elle a senti qu'elle et sa sœur devaient les suivre, sans crainte, jusqu'à l'assemblée dont elle a rêvé. Elle décide d'ailleurs d'en toucher deux mots aux princes. Son songe, ses impressions et ses dessins étonne l'aîné qui se montre néanmoins rassurant. Depuis toujours, ils savent que les héritières montreront des dons insoupçonnés. Nelly a dû pressentir leur venue, voilà tout.

Les garçons reprennent leurs apparences humaines avant de quitter l'appartement à la suite des filles. Une soirée au bar avec les employés du magasin est prévu le soir même. L'occasion parfaite de décompresser se disent les filles. Elles acceptent avec joie la proposition et décident d'embarquer les deux frères dans cette soirée qui s'annonce arrosée. Après quelques consommations, les jeunes gens veulent poursuivre la soirée ailleurs.

Nora les invite donc à l'appartement pour faire un karaoké. Les garçons, en particulier, se montrent sceptiques au départ mais, l'idée faisant son petit bout de chemin et devant l'art de persuasion des filles qui dédramatise la situation, tout le monde finit par s'accorder. Nelly allume son PC. Les deux sœurs choisissent à tour de rôle les titres joués sur Youtube en faisant attention à bien sélectionner les chansons avec lyrics. On ne sait jamais, certaines personnes peuvent ne pas connaître les paroles des chansons, surtout les deux Arévienss qui ne viennent pas de ce monde, pense aussitôt Nelly. Nora se charge de la première musique et tend le micro à la brunette au carré plongeant. Nelly commence à fredonner « Pour un flirt » de Michel Delpelch, sans grande assurance mais du mieux qu'elle le peut. Bien évidemment, la maligne blondinette a pensé à tout. Elle donne le deuxième micro à Ethan.

- Je ne connais pas cette chanson ! Tente-t-il de refuser, soudainement anxieux.

- Et alors ? Tu as juste à lire ! Réplique Nora, qui n'a pas l'habitude qu'on lui résiste.

Bon, plus qu'à essayer… Se convainc l'Arévien, peu motivé. Il se met face à l'écran, près de Nelly, et serre son micro. La jeune femme a compris les desseins de Nora aussitôt même si elle n'apprécie pas vraiment qu'on lui mette le pied à l'étrier de force. Surtout qu'Ethan pourrait le remarquer, ce n'est pas comme si le titre choisi n'était pas évocateur… Nelly tente de se concentrer sur les paroles même si ces dernières lui mettent des couleurs aux joues. Elle lance de petits regards à Ethan, qu'elle détourne aussitôt par crainte qu'il lise en elle. Dans ses yeux doux, Nelly a l'impression de lire de la sincérité, comme si chaque phrase lui était spécifiquement dédiée. Mais non, se reprend-elle comme pour corriger les divagations de son esprit. C'est sûrement l'énergie que met son coloc à interpréter la musique du mieux possible. En clair, elle se fait des films, c'est sûr.

Très loin des doutes de sa soeur Nora se dit que décidément elle un don pour jouer les entremetteuses. Son plan semble fonctionner à merveilles, la blondinette s'en réjouit secrètement. Du moins, le pense-t-elle jusqu'à la fin de la chanson. Ethan pose le micro sur la table basse du salon et prend la main de Nelly en s'excusant du choix du titre. Le garçon a été autant gêné que la jeune fille durant le morceau, les paroles sont bel et bien sans équivoque, même pour un Aréviens venant d'un continent lointain et magique. « Je sais ! » se contente de répondre la jeune femme, en tendant le micro à son partenaire, avant de quitter vivement les lieux pour aller le plus loin possible. Mince, j'y suis allé un peu fort là… pense Nora.

Nelly marche sans vraiment savoir où elle va. La seule chose qu'elle sait, c'est qu'elle ressent de la honte. De la honte d'avoir osé croire que les paroles d'Ethan n'ont fait plus qu'unes avec celles de Michel Delpelch. De la honte d'avoir cru que le cœur qu'a mis son Arévien de coloc dans son interprétation n'a existé que pour donner le change… Franchement, à cet instant, la jeune femme se trouve stupide. Elle a bien tout imaginé, elle s'est bien fait des films pendant tout le long de cette maudite musique. Après tout, lui qui sait si bien faire semblant, pourquoi en aurait-il été autrement cette fois-ci ? Blâme-t-elle Ethan dans sa tête, en se remémorant le fait qu'au fond, elle ne sait plus rien de lui. Qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce qui ne l'est pas ? A-t-il joué la comédie depuis son arrivée ? N'y a-t-il pas une once d'honnêteté dans leur relation ? Toutes ses interrogations obscurcissent l'esprit de la jeune femme, qui s'en sans rendre compte vraiment, a pris la route du port. Les lumières éclaircissant la jetée lui offre le peu de clairvoyance nécessaire à son recueillement, comme si elles s'étaient donné le mot pour ne pas brusquer la jeune femme aux yeux verts étrangement éteints.