Fyctia
Chapitre 1 - Arone
Je hais la pluie…
Le regard perdu de l’autre côté de la fenêtre de ma cabane, je regarde les gouttes tomber par terre. Je n’ai pas réussi à m'abriter à temps, résultat, me voilà dégoulinante, souillant le sol déjà crasseux. Je ramassais un peu de bois en prévision de la saison froide qui se prépare, et je n’ai pas fait attention à la couleur du ciel. Les nuits sont de plus en plus longues et les nuages se fondent dans l’obscurité pour se dissimuler à ma vue. Je pourrais me vanter de cette capacité à voir dans le noir aussi bien qu’en plein jour si les habitants ne me regardaient pas déjà comme un animal étrange. Dans ce royaume où la population a une peau couleur chocolat, la pâleur de la mienne détonne fortement dans le paysage. Ce premier détail les a poussés à me rejeter depuis que j’ai été confiée à une vieille femme, Magda, maintenant décédée. Elle vivait à l’extérieur du village, dans une vieille cabane en bois à peine étanche qui est devenue la mienne maintenant, pour mon plus grand désarroi. Elle ne s’est pas impliquée dans mon éducation, m'a inculqué uniquement ce qui pouvait l’aider à entretenir sa maison et n’a jamais hésité à monnayer mes services pour se faire quelques sous afin d’obtenir de la nourriture.
J’étais un objet à ses yeux, un vulgaire objet laissé par Brydrur, le seigneur de la Terre lui-même selon les dires de la vieille femme. Ces paroles ont-elles un fond de vérité ? Je n’en saurai jamais rien, mais je suppose que je pourrais lui laisser le bénéfice du doute. En revanche, pourquoi le dirigeant de notre royaume se serait-il préoccupé de moi ?
Je continue de fixer l’extérieur et observe le sol trempé, parsemé de flaques éparses qui grossissent à vue d'œil. Vu les températures, il se pourrait qu’il neige bientôt… Autant dire que mettre le nez dehors va devenir un véritable calvaire. Je devrais peut-être faire des stocks d’eau et de nourriture pour ne pas avoir à sortir ces prochains temps. Enfin, ce serait possible si j’avais un moyen de conserver tout ça. Il faudra bien que j’y retourne, il me faut du bois à brûler, et de quoi manger.
Un grondement attire mon attention vers le ciel, et j’ai du mal à croire ce que je vois. Une créature ailée survole la zone. C’est bien la première fois que j’en vois une aussi imposante. De là où je me trouve, il est difficile de distinguer sa taille ou même sa couleur. Ce dont je suis certaine en revanche, c’est qu’il s’agit d’un dragon. À cette pensée, mon cœur se met à battre plus vite et je ne parviens pas à déterminer la raison de son affolement. Je me précipite dehors, ne portant aucune attention à la pluie qui ruisselle sur mon visage. Mes yeux cherchent frénétiquement la silhouette volant dans le ciel sans pouvoir l’apercevoir de nouveau. Hors de contrôle, mon corps se retrouve en lévitation dans les airs, comme s’il souhaitait rejoindre la majestueuse créature qui vient de parcourir les cieux.
Je dois me calmer et revenir sur la terre ferme, si un des villageois me voit, je ne donne pas cher de ma peau. Certaines rumeurs circulent déjà sur le fait que je détiens des pouvoirs. J’utilise certaines fois cette aptitude à me déplacer dans les airs, même si ma célérité n’est pas très importante, afin de cueillir des fruits qui me sont inaccessibles en temps normal. Je reste prudente lorsque je prends de la hauteur, car je dois également rester invisible aux yeux des autres. C’est mon plaisir solitaire, et je ne saurais pas expliquer d’où me vient une telle capacité. Certaines fois, je m’imagine pouvoir voler parmi les créatures ailées, ou aux côtés d’un dragon tel celui aperçu un peu plus tôt. Avec de l’entraînement, je suis certaine que je parviendrais à améliorer mes performances et à me maintenir plus longtemps et surtout en mouvement dans les airs. Pourtant, aucune aile ne me pousse dans le dos lorsque je prends de la hauteur. Je ne possède pas la grâce des dragons, ni même leur maîtrise des courants ou encore leur résistance aux intempéries.
Je me demande d’où viennent ces créatures ? Pourquoi un des leurs est-il venu au-dessus de ma maison ce soir ? Aurais-je un jour le privilège d'en approcher un de près…
Toujours en lévitation au milieu des bois, je suis trempée par le déluge qui n’a toujours pas faibli, et grelottante.
Perturbée par un bruit de craquement un peu plus loin, je perds ma concentration, et chute au travers des branches. La boue glacée se colle à mes vêtements déjà imbibés d’eau. Que peut-il m'arriver de pire en cet instant ? Je me redresse, observe mon état et soupire d’exaspération en découvrant qu’en plus de mes habits, mes cheveux sont dans un triste état. Il va falloir que je me rende jusqu’à la cascade la plus proche pour nettoyer tout ça. Avec le froid qui arrive, cette perspective ne me ravit pas, déjà qu’en temps normal je tolère l’eau seulement dans le but de me nettoyer, savoir que je vais devoir le faire sous une eau glaciale me dépite.
Des grognements me parviennent de plus loin dans la forêt. La luminosité déclinante du crépuscule rend l’atmosphère lugubre, renforcée par le sifflement du vent dans les arbres. Cette ambiance déclenche un frisson qui remonte le long de ma colonne. L’appréhension me gagne et je me précipite à l’intérieur de ma cabane.
L’humidité présente dans la seule pièce de la maison vient accentuer mon sentiment de malaise. J’essaie de faire jaillir quelques flammes de mes mains pendant que je me dirige vers l’âtre, mais la bourbe qui les recouvre fait échouer mes tentatives. Je m’essuie dans un chiffon pour tenter d’en retirer un maximum, mais le tremblement de froid de mes membres m’empêche de me concentrer. Je retire mes vêtements sales, et m’enroule dans une couverture avant de me recroqueviller sur le matelas dans un coin de la pièce.
Des coups frappés à la porte de ma cabane me tirent d’un état de somnolence dans lequel je n’avais pas conscience d'être tombée.
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Jeanne Arrow
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Leticia Joguin Rouxelle
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naïa
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Charlie L
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