silver Aristas Neireides Chant XXIV : Des océans fous 2

Chant XXIV : Des océans fous 2


Méléagre le repoussa si fort qu'il bascula sur Polydamas. Le général remonta le pont. Chacun de ses pas étaient glissant. Le vent était si fort qu'il n'entendait pas les cris de ses hommes derrière lui. L'eau lui masquait la vue. Des gerçures apparurent sur ses lèvres. Et Néoméris était toujours aussi insaisissable.


Méléagre tendit une main devant lui. Alors, le navire eut un dernier soubresaut. Le ciel devint bleu. La mer se calma. Et Néoméris tomba en arrière. Le général la rattrapa juste avant que sa tête n'heurta le bois. Elle avait les yeux ouverts mais vides, les lèvres abîmés elle aussi, et était aussi trempée que si elle avait nagé. Mais, elle parvint à esquisser un sourire. Méléagre aurait aimé lui parler mais la jeune femme toussait sans parvenir à retrouver son souffle. Il fit s'asseoir et au liquide qui sortait s'ajouta un étrange mélange doré qui colora le bois.


— Nous sommes en Crète !


Tous les regards se tournèrent vers l'île qui se dressaient devant eux. Son sable blanc formait un quai parfait. Ses collines étaient vertes de champs et de pâturages, des villes à la pierre blanche se dressait autour d'un château qui se tenait fièrement au bord d'une falaise. Ses tours et sa muraille annoncèrent à quiconque s'approchait que le roi ne manquerait pas de les accueillir.


Mais, ce qui avait permis d'identifier l'île fut une montagne qui se découpait dans le ciel. Presque aussi immense que le mont Atlas, sombre comme du charbon, le géant Talos était figé à l'arrière de l'île. Celui, qui avait été son gardien, se reposait maintenant, la tête baissée, les ailes recourbées. Il dormait si profondément qu'on ne voyait plus sa poitrine se redressait au rythme de son souffle.


Méléagre dévisagea Néoméris partagé entre l'effroi et l'admiration. Il aurait fallu plusieurs jours de voyage pour atteindre la Crète. Mais, elle, enfant d'un dieu, était parvenue avec sa simple volonté, à leur faire faire le voyage en quelques minutes. Avaient-ils déjà entendu parler d'un demi-mortel capable d'une telle puissance ? Même Heraclès semblait misérable à ses côtés.


Les Naxiens n'eurent pas à se demander s'ils étaient les bienvenus sur l'île. Les cornes sonnèrent à leur vue et une délégation se précipita sur le pont principal du port. Parmi les étendards crétois, ils virent celui d'Ithaque. Et, fièrement campé sous son drapeau, le prince Télémaque leur fit de grands gestes. En s'approchant, on pouvait voir qu'un cataplasme recouvrait son épaule gauche et qu'une estafilade barrait sa joue mais, il arborait toujours ce regard rieur et intelligent qui rassura chaque homme parmi les Naxiens.


Les maisons les plus proches du port avaient été réquisitionnées pour accueillir les marins. Des prêtes et des médecins allèrent les voir pour les guérir. Des esclaves tinrent des plateaux de fruits et des coupes de vins sur lesquels ils se jetèrent, sans songer que Circé leur avait fait le même accueil et que cela ne leur avait pas profité. Pour l'heure, ils avaient oublié et se délectèrent d'une terre ferme où ils ne risquaient pas de recevoir une flèche.


Néoméris s'était relevée. Elle s'approcha du bastingage. Elle, elle n'avait pas oublié comment les Naxiens avaient refusé qu'elle descende du vaisseau chez la reine-sorcière. Elle s'effaça alors pour les laisser passer. Mais, une main se glissa au creux de ses reins. Elle hoqueta de surprise. En se tournant, son visage rencontra celui de Méléagre. Le général esquissa un geste de sa main vers le port. Elle lui répondit par un furtif mouvement de tête. Après ce qu'elle avait fait, elle n'était pas prête à recevoir de nouveau les insultes de ses marins.


Le pont vibra alors que Télémaque y monta en sautant presque. Il observa tour à tour le général et la demi-mortelle :


— Que faites-vous ? Nestor, roi de Crète, vous attend !


Néoméris se détacha de Méléagre et le poussa vers Télémaque :


— Que fait-elle ? Répéta le prince d'Ithaque pour le général. Nous devons y aller. A son âge, je ne suis pas certain que vous verrez le roi si vous ne vous précipitez pas !


— Votre majesté ! S'indigna un conseiller d'Ithaque depuis le ponton.


Télémaque y alla de son rire chaleureux de petit enfant qui tira un sourire à Néoméris. Il le vit et se pencha dans une courbette vers elle en tendant la main :


— On vous attend. Insista-t-il.


— C'est que... Murmura Néoméris.


Ses yeux dériva vers le ponton. Les Naxiens, qui tenaient debout, s'étaient attroupés autour du bateau. Ils s'interrogeaient du regard en voyant que leur général et leur protectrice ne descendaient pas. Le souvenir de Circé revit doucement surface. Un mouvement léger fit comprendre qu'ils pouvaient remonter tout de suite dans le navire, peu importait s'ils humiliaient leur hôte du moment qu'ils ne finissaient pas en macaque :


— Tu n'es plus un porte-malheur. Tu leur as sauvé la vie. Deux fois.


Méléagre chuchotait dans l'oreille de Néoméris. Il se doutait que prononcer ces mots tout haut devant le prince d'Ithaque serait une humiliation de plus pour elle. Elle fit un pas dans sa direction. Il glissa de nouveau un bras autour de sa taille, lui promettant cette fois de ne pas la lâcher.


Télémaque ne cacha pas son soulagement lorsqu'il la vit descendre sur le port. Il ne pouvait pas prononcer ces mots devant Méléagre. Mais, le général d'une armée ridiculement petite importait moins pour un roi que l'enfant d'un dieu. Si Néoméris était restée cachée sur le bateau, le roi de Crète les aurait renvoyés. Peut-être même leur aurait-il déclaré la guerre.

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