silver Aristas Neireides Chant XX De Néoméris 2

Chant XX De Néoméris 2

Alors, un signe de Circé. Sa clémence. Ses marins ne pouvaient pas être comme les autres. Elle n'avait pas pu les transformer. Méléagre ne pouvait pas tomber dans un tel subterfuge. Elle se souvint de ces vêtements au pied du lit de la magicienne. Il avait succombé à ses charmes puis dans son sommeil il avait été plus facile de s'en prendre à lui. Mais, comment Polydamas avait-il pu faire confiance à une femme vivant seule ? Et Cleandros ? Il craignait tant les dieux qu'il devait tous les connaître et avait dû démasquer son hôte.


Alors qu'elle était perdue dans ses pensées, des couinements la tirèrent de sa réflexion. Elle retroussa la tête et se trouva nez à nez avec le singe doré. Si elle n'était toujours pas à l'aise avec les autres, celui-ci était d'une douceur qui la faisait baisser ses barrières. Elle lui sourit. Le singe posa sa petite main ridée sur sa joue cicatrisée et la caressa jusqu'à remonter à ses cheveux dont il coinça une mèche derrière son oreille. Puis, aussi vif qu'un éclair dans le ciel ombrageux, il tourna des talons et courut vers la forêt où il disparut. Il a tout entendu. Pensa Néoméris. Et il s'en va prévenir sa maîtresse.


Elle se redressa. Prête à affronter Circé. Sa main passa sur son visage. Elle se souvint du geste de la sorcière au même endroit. Elle avait dû s'enduire d'onguent pour éloigner les brûlures causées par le pouvoir de son père. Alors, une idée raisonna en Néoméris. Si elle était la protégée de la déesse des mers, elle était aussi la fille du dieu des volcans. Et cette île était construite sur l'un d'entre eux. Que Circé lève sa main sur elle et Héphaïstos répliquera. Il l'avait prouvé une fois : personne d'autre que lui ne pouvait causer du tort à sa fille.


Les pieds de Néoméris s'enfoncèrent dans la terre rendue molle par les trombes d'eau qui s'étaient abattues sur l'île d'Æeae. Maintenant qu'elle connaissait l'identité de son hôtesse, une nouvelle flamme brula en elle. Elle avait peur de l'affronter mais elle savait aussi que Circé s'en prenait aux hommes plus qu'aux femmes. La preuve en était : les marins avaient disparu mais elle, elle était toujours vivante pouvant parcourir l'île sans se soucier de sa survie :


— Ne sois pas aussi présomptueuse, demi-mortelle.


La voix qui avait parlé tonna comme le ciel en colère mais elle était aussi réhaussée par un soupçon d'espièglerie. Jamais Néoméris n'avait croisé ce dieu. Celui-ci resta caché dans les hauteurs, se gaussant de cette jeune femme qui ne savait où poser le regard. Seul un filament cuivre, qui traversa le ciel, indiqua le mouvement de la divinité. Et puis, il apparut. Ses cheveux bruns se bataillaient sur son crâne. Il avait des yeux noirs, rieurs. Son aura cuivrée irradia Néoméris qui fut obligée de plisser les yeux. Hermès prit la parole :


— Que tu es laide ! S'ingurgea-t-il avec un sourire. Tout autant que ton père au pied beau !


Néoméris resta pantoise. Elle ne pouvait tourner le dos à un dieu. Elle savait à quoi elle ressemblait mais l'entendre d'une bouche divine était pire encore :


— Je vais t'aider. Enchaîna Hermès.


— Pourquoi donc ?


Le sourire du dieu messager s'agrandit ainsi que ses pupilles. Il hocha la tête comme si cette réponse pouvait suffire à la question :


— Tu as raison de douter. Mais, je ne suis pas venu en qualité de dieu farceur ou de dieu des voleurs. Il y a vingt ans, j'ai apporté mon aide à Ulysse lorsqu'il a foulé ces terres. Circé est une drôle de créature et il n'y a rien qui me fait plus rire que de l'embêter.


Néoméris s'empêcha de répondre. Pour les dieux, tout ceci n'était qu'un jeu. Les mortels, quand bien même ils étaient leurs favoris, n'étaient que des osselets qu'ils se lançaient les uns contre les autres dans l'espoir de triompher. Hermès tendit la main. Sa peau était lisse. Aucune marque de blessure ou du temps. Une fleur blanche à la racine noire illumina sa paume. Néoméris l'observa. Elle ne la connaissait pas. Elle ne savait pas reconnaître les plantes. Mais, il émana de cette fleur une puissance qui n'existait pas chez les autres :


— C'est la Moly. La seule plante qui te permettra d'affronter Circé. Prends-là et tu pourras vaincre ses sorts.


— Cela m'en donnera aussi ?


— Certainement pas ! S'esclaffa le dieu. On est sorcière ou on ne l'est pas. Tu connais déjà ta place.


Un peu vexée, Néoméris saisit tout de même la fleur. Sa main posée dans la paume d'Hermès, elle se rendit compte de combien les mortels étaient insignifiant face aux dieux. Ce n'était pas juste ses petits doigts grisé par le froid, semblables à des vers d'eau, mais aussi la vie qui pulsait dans ses veines alors que lui n'était qu'un torrent vigoureux qui jamais ne se desséchera. Alors elle qu'elle referma sa main sur la moly, Hermès agrippa la sienne. Il lui lança un dernier regard et s'évanouit. Si la fleur n'était pas entre ses doigts, Néoméris aurait pu croire qu'elle avait inventé cette rencontre.

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