silver Aristas Neireides Chant XV Du roi Ulysse 2

Chant XV Du roi Ulysse 2

La voix de Néoméris était fluette. Elle n'osait pas se tourner complètement vers Eurylipe, gardant les mains sur ses cuisses. Elle tremblait car la haine du roi s'insinuait dans ses veines comme du poison qui se loge jusque dans sa gorge rendant chaque parole douloureuse :


— C'est faux.


— Qu'oses-tu dire ? Tu remets en doute la parole de la nourrice et des gardes royaux ? Ils sont trois à raconter cette histoire et je l'ai vécue ! J'ai senti tes mains, telles des serres, m'agripper pour m'entraîner dans les abysses de la mer ! Sale sorcière...


— Il suffit.


Ulysse s'était levé. Il était plus petit que les deux princes mais sa prestance suffisait à les rapetisser. Son regard s'était voilé. Il s'était placé entre le roi et la sorcière. Sa voix claqua dans l'air comme un fouet sur une peau brûlée :


— Tu as des croyances mais chaque mot que tu prononces insultes deux dieux : son père et celle qui l'a sauvée. Si tu penses que Naxos est maudit, c'est à cause de votre comportement et non sa présence !


Eurylipe baissa la tête. Il fronça du nez comme l'enfant qu'il était qui se faisait disputer. Vexé, il retira brusquement son bras de l'emprise de Télémaque. Il l'avait agrippé parce qu'il avait craint que le roi ne se jette sur la jeune femme. Voyant qu'il était parvenu à le contenir, Ulysse se tourna vers Néoméris. Son sourire retrouvé :


— Maintenant qu'étais-tu venu me dire ? Il faut que ce soit important pour que tu aies osé braver l'interdiction et venir jusqu'ici.


— Il faut faire affréter un bateau et partir pour Sparte. Si nous partons maintenant, nous pourrions arriver demain matin et les prendre par surprise !


— Avec un seul bateau ? S'amusa Ulysse.


Méléagre, terré dans un coin de la pièce, ne put s'empêcher de ricaner. Néoméris lui lança un regard noir qui le réduisit au silence avant de se reposer sur le grand roi. Ulysse l'observait du coin de l'œil :


— J'ai connu plusieurs enfants qui descendent des dieux et, hommes comme femmes, vous êtes tous aussi pressé et impétueux, incapable de vous maîtriser quand cela touche à ceux que vous aimez., son sourire en coin fixé à ses lèvres. Derrière la sorcière, Pénélope souriait aussi.


Néoméris sait qu'il parle du meilleur des grecs. Achille devenu fou après la mort de son bien-aimé Patrocle. Elle n'était pas certaine d'atteindre son point de folie si sa mère venait à disparaître. Mais, elle savait que son cœur sera vide pour la fin de sa vie :


— Télémaque, Eurylipe, leur demanda Ulysse, qu'en pensez-vous ?


— Elle a raison. Répondit spontanément le prince d'Ithaque. Cependant, nous devons attendre deux jours que nos hommes décuvent le vin de ces semaines d'oisiveté et puis, il nous faut des vivres.


— Tu as raison. Approuva Ulysse. Mais, je propose plutôt une semaine. Chaque jour ne sera pas de trop et nous devons envoyer de nouveaux messagers qui iront plus loin que les premiers.


— Vous avez envoyé des messagers ? S'étonna Néoméris.


— Bien entendu, nous ne sommes pas restés à festoyer. Et toi alors, roi de Naxos ? C'est des tiens dont il s'agit.


Eurylipe refusa de répondre, humilié par la sorcière de son île. Ulysse ne lui en tint pas rigueur. Il était incroyablement jeune. Trop pour être récemment orphelin, chef de guerre et roi à la fois. Un mouvement dans le recoin lui fit tourner la tête. Méléagre était le seul qui ne parvenait pas à le regarder dans les yeux. Il fixait ses pieds, les joues légèrement rougies :


— Tu es le général de Naxos. Celui qui a été élevé comme le fils de Pélée.


— Oui, mon roi.


— Qu'en penses-tu toi ?


— Je suis d'accord avec le prince Télémaque. J'aimerais également vous dire que je suis prêt à vous donner mon épée pour vous servir.


— Il en va de soi. Nous avons besoin du meilleur de nos guerriers dans cette guerre. Il faudra aussi que vous les accompagniez.


Il s'était tourné vers Néoméris. Elle avait perdu ses couleurs à l'entente de cette ordre. Pénélope se redressa. Avec la difficulté de l'âge, elle s'appuya sur le dossier de son siège :


— Ce n'est pas la place d'une femme. Rétorqua-t-elle.


— Ce n'est pas juste une femme mais une demie-mortelle donc une demie-immortelle. Je pense, au contraire des Naxiens, que cette jeune femme est un puits de chance.


— Comment... Commença Eurylipe réduit au silence par le roi.


— Sans elle, vous seriez morts deux fois. Je sais tout. Elle n'est pas la seule à qui les dieux parlent. Et vous n'entendez pas la mer qui s'agace chaque nuit ?


— Bien entendu, c'est de sa faute...


— Tends l'oreille.


Télémaque, Méléagre et Eurylipe obéirent. Avec l'arrivée de Néoméris, leur fête avait pris fin. Ils purent se délecter des bruits naturels de la nuit. Du vent dans les branchages, du craquement du bois, des animaux qui s'égosillaient. Et puis des vagues qui léchaient délicatement les rives. Méléagre comprit le premier :


— La tempête est finie...


— Ce n'est pas vraiment la tempête. Rectifia Ulysse. Tu as offensé la déesse des mers en réduisant sa protégée à ton navire. Crois-moi bien : ne défis jamais Poséidon ou Amphitrite où ils te garderont dans leurs eaux. Prends avec toi Néoméris, chérie-la et je te promets qu'il ne t'arrivera plus de malheur.


Une promesse d'un roi à l'autre. Réticent, Eurylipe jaugea la jeune femme des pieds à la tête. Elle était misérable dans ses haillons de pauvresse. Et pourtant, elle apparut étrangement. Sa peau brilla, ses vêtements se rapiécèrent, ses cheveux se lavèrent et son regard s'intensifia. C'était une apparition divine. Le jeune roi baissa la tête qu'il hocha timidement.

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