Fyctia
Chant X De la fin du monde 2
Sa peau de cuivre brillait à la lueur de l'incident. Ses traits étaient acérés par la lumière. Il avait presque des airs de faune avec son sourire carnassier. Son regard se porta sur le prince dans le dos de Néoméris. Elle songea alors à ses vêtements riches et le lien doré qui cintrait la tête du garçon. Il était reconnaissable. Et d'ailleurs, le Troyen le reconnut. Ses yeux se plissèrent comme ceux d'un charognard face à sa proie. Il fit un pas en avant. Néoméris bomba le torse avec un regard noir :
— Ignominie, tu crois pouvoir le protéger avec ton corps frêle ?
Son accent roulé était étonnant avec . Il tenait dans sa main une épée qu'il brandit au-dessus d'eux. Néoméris recula mais, son pied dérapa. Elle tomba sur le derrière. Sur l'effet de surprise, elle lâcha le prince qui retomba lourdement sur le sol. Il papillonna des paupières. Sous sa tête, une marre rouge se répandait. Son regard encore ensommeillé rencontra celui du Troyen dont le sourire s'agrandit.
Soudain, son visage se figea dans une grimace désespérée. Une épée ensanglantée jaillit de son torse éclaboussant Néoméris. Les coins des lèvres du Troyen tombèrent de chaque côté de sa bouche en même temps que son corps. Ses boucles brunes chatouillèrent les pieds de Néoméris. Elle dévisageait avec horreur le cadavre puis redressa les yeux vers leur sauveur. Méléagre était couvert de boue et de cendres. Son regard était sombre, comme les enfers. Il posa un genou à terre et tendit la main vers la jeune femme. Elle la saisit malgré la peur. Maintenant qu'elle était protégée, l'adrénaline avait quitté son corps. Elle se rendait compte de ce qu'il se passait. Les larmes roulèrent sur ses joues alors que Méléagre la mit sur ses pieds. Il essuya de son doigt les larmes. Puis, il se tourna vers Eurylipe :
— Vous devez rejoindre la côte Est. Des navires y sont affrétés. Il doit encore en avoir...
— Je dois aller au temple. Ma mère y est.
Méléagre haussa un sourcil. Le temple était de l'autre côté. La zone avait été quadrillée et envahie. Il secoua la tête mais, Néoméris s'était déjà élancée :
— Eurylipe, indiqua le général au prince, vas-y. Je te rejoins.
— Non. Rétorqua le garçon. Je me ferai traqué et tué. Escorte-moi. C'est ton rôle.
Méléagre le dévisagea. Il avait raison. Tant qu'un héritier de Naxos était en vie, il était son général. Il avait juré de donner sa vie pour la couronne de l'île. Mais, il ne pouvait pas décemment laisser une femme plonger au devant l'ennemi. Il se pencha, prit l'épée que le Troyen tenait toujours et la tendit au prince :
— Suivez-moi.
Eurylipe n'eut d'autre choix car déjà Méléagre se jeta à la poursuite de Néoméris. Cette sale sorcière. Non contente de l'avoir maudit, elle avait jeté un sort à l'île, à son père qu'elle avait tué et maintenant, elle allait s'assurer que son désastre prenait bien forme. Sans avoir à s'inquiéter de sa sécurité car son chien de garde qu'elle avait envoûté la suivait docilement. Cependant, le prince n'avait d'autre choix que de les suivre. Malgré la douleur qui persécutait chaque muscule de son corps, il traversa l'île. Il monta sur les rochers, s'éloigna des forêts de feu, laissa à l'agonie ses villageois qui le suppliaient de les aider. Il gardait les yeux rivés sur le dos de Méléagre qui, pas une fois, ne se tourna pour vérifier qu'il le suivait.
Ils atterrirent sur la plage des réfugiées. Elle tenait son nom de l'histoire d'Anatola. La cabane cependant n'était qu'un tas de cendre et on ne saurait plus dire ce qui la différenciait d'une autre plage. Difficile de croire que quelques heures auparavant, une déesse prodiguait ses conseils à Néoméris. Cette dernière n'était pas si loin. Avec le sable et l'eau, elle avait ralenti. La côte n'était plus accessible à pied. Une forêt de pins la bordait, maintenant embrasée. Elle avançait en tenant sa robe entre ses mains. Méléagre partit à sa recherche, suivi d'Eurylipe. Le sel de la mer s'incrusta dans leurs blessures, les faisant grimacer.
Néoméris se figea. Devant elle, un navire étranger avait été accosté et trois hommes le gardaient. Les soldats troyens tournèrent la tête vers elle dans un seul mouvement. Ils ne masquèrent pas le dégoût sur leurs visages lorsque leurs yeux se posèrent sur sa brûlure. Cependant, ils ne trouveraient pas une naxienne dans un meilleur état et puis, une femme restait une femme. Ils avancèrent vers elle tandis qu'elle reculait. C'était si étrange. Ils n'avaient pas l'air méchant. On aurait même dit des enfants qui tentaient d'attirer un chaton. Sauf que les enfants faisaient ça pour torturer le pauvre animal et le laisser à l'agonie. Au moment où elle buta sur une pierre, une vague se gonfla. Sa tête piqua vers les trois hommes, les entraînant dans un fracas de métal à cause de leurs armures.
Deux mains la saisirent et la poussèrent à se mettre sur ses jambes. Méléagre lui adressa un sourire en coin. Il la confia au prince tout en leur indiquant de ne pas faire de bruit. Puis, il s'approcha lui à pas lents ce qui n'empêchaient pas de faire crisser le sable sous ses pieds. Il sauta dans le bateau et en ressortit avec un large sourire :
— Il est vide ! Tu nous as trouvé un navire. Votre majesté...
— Il n'est pas question qu'elle monte avec moi. Rétorqua Eurylipe. Les sorcières portent malchance.
— Celle-ci vous a sonné votre salut...
— Elle est venue ce matin-même nous annoncé sa sinistre prophétie.
— Elle nous a averti du danger qui nous surplombait et si nous avions été plus malins, nous l'aurions prise au sérieux. Maintenant, montez si vous désirez vivre. Quant à toi...
Il se tourna vers Néoméris qui frémit devant son regard noir mais il se radoucit en s'adressant à elle :
— Tu veux toujours aller au temple ?
— Ma mère y est.
Méléagre fit un pas sur le côté. Le temple se dessinait derrière le navire. La pierre grise prenait des allures noires. L'édifice était presque inquiétant. Mais, il était toujours debout. Néoméris prit une longue inspiration et fit un pas en avant.
0 commentaire