silver Aristas Neireides Chant IX D'une déesse 1

Chant IX D'une déesse 1

Quelque chose est arrivé. Quelque chose va arriver.


Ces deux phrases s'entrechoquaient dans la tête d'Anatola. Elle longeait le banc de sable devant sa cabane depuis si longtemps que le sable avait adouci la plante de ses pieds. Les mains derrière le dos, elle n'était pas certaine de ce qu'elle devait faire. Il n'y avait personne qui se souciait de Néoméris sur cet île. Si ce n'était Hésiode mais son frère avait disparu dans la montagne comme l'ermite qu'il était. Il n'était alors plus possible de le retrouver avant qu'il ne le désire. De toute façon, il n'aurait pas été utile. Personne ne battrait le pavé pour Néoméris.


Dans son désespoir, elle s'épuisa à faire des aller-retours sur sa plage. A la fin de la journée, ses cheveux amollis par la sueur collaient son front. Sa tunique était noyée de sueur. La tête lui tournait un peu. Elle avait trop pris le soleil. La chaleur l'engourdissait. La mort dans l'âme, elle rentra dans sa cabane. Si sa fille ne revenait pas dans la nuit, elle irait chercher de l'aide dès le levé du soleil. Et si personne ne l'aiderait, elle se tournera vers les dieux. Sa fille était l'une des leurs, à moitié.


Des feuilles crissèrent dans la nuit. Ce n'était guère étonnant avec la brise qui faisait tournoyer les feuillages. Mais, ce son tenait du glissement et puis, des brindilles craquèrent. Anatola ouvrit les yeux. Elle attendit dans le noir. Seul un filet de lune blanche pénétrait la cabane. Son ventre se tordit. Les premières nuits dans sa cabane, elle avait peur dès que la lune se levait. La nuit appartenait aux brigands, aux assassins. Elle était une jeune femme, enceinte, esseulée, isolée. Pourtant, rien ne lui était arrivé. Avec le temps, la peur s'était envolée. Dès la naissance de Néoméris car elle devait être forte pour deux à partir de ce moment. Ce soir, elle ressentit de nouveau cette peur terrifiante, incapable même de respirer. Elle tâta le sol à la recherche de quelque chose et ne trouva qu'une louche. Sans même se demander ce qu'elle faisait au pied de son lit, elle la glissa sous sa couverture et attendit encore. Le loquet de la porte se leva dans un grincement. La porte suivit avec le même bruit sinistre. Néoméris pénétra dans la chambre. Anatola se redressa faisant tomber la louche. La jeune femme sursauta. Elle dévisagea sa mère, à moitié redressée sur sa paillasse, puis porta la main à son cœur en soupirant. Elle referma la porte, prenant soin de remettre le loquet et une poêle plus lourde en fonte devant. Néoméris se glissa sur sa paillasse, évitant le regard inquisiteur de sa mère. Anatola attendit qu'elle posa la tête sur son coussin pour la sermonner :


— Où étais-tu ? Le poisson est gâté et j'étais morte d'inquiétude.


Néoméris sourit dans le clair de lune. Pour parler du poisson alors qu'elle avait disparu une journée et la moitié de la lune, c'était que l'inquiétude était bien passée chez Anatola. La jeune femme passa la main sous sa tête :


— J'étais au palais et j'ai parlé au roi.


Anatola ouvrit une bouche ronde sans émettre le moindre son. Néoméris se délecta de son effet avant que la chute efface tout espoir de réhabilitation chez sa mère :


— Ce matin, quand je pêchais, j'ai vu des bateaux à la voile noire. Je suis allée avertir le roi.


— Il t'a écouté.


— Non mais le général Méléagre oui. Et le prince a demandé à trois messagers d'aller observer les environs.


— Le général et le prince... Marmonna Anatola impressionnée.


Comme une enfant à qui on raconte une histoire avant de dormir, elle posa la tête sur sa paillasse et ferma à moitié les yeux :


— Et ensuite ? Murmura-t-elle. Que s'est-il passé ?


— Les deux premiers messagers sont revenus. Ils disent n'avoir rien vu.


Anatola garda le silence. Le ton de Néoméris tentait de masquer sa crainte mais toutes deux ressentaient la même chose. Si le troisième messager revenait sans avoir vu les navires, elle sera chassée :


— Demain, ordonna Anatola brisant le silence bercé par leurs souffles, tu iras au temple. Il te faut le soutien des dieux.


Néoméris fit mine de dormir. Du moins, elle était dans un état transitoire. Le corps lourd du sommeil, l'esprit éveillé, les yeux fermés. Elle laissait le mouvement des vagues la guider vers le sommeil. Alors qu'elle parvint à se laisser aller, un chant lui parvint. C'était quelque chose de léger comme le tintement des clochettes et la brise marine dans une voix. Emportée dans sa somnolence, elle quitta sa couchette et sortit. Le loquet et la porte ne grincèrent pas.


Dehors, elle était seule. Le souffle des vagues était plus puissant avec la noirceur de la nuit. Le ciel sombre était sans étoile. Les yeux mi-clos, Néoméris porta la tête vers la lune comme si elle porterait sa gorge aux rayons du soleil. Lorsque ses paupières s'ouvrirent enfin, la nuit était passée de noir à bleu comme si elle regardait derrière un verre teinté. Cependant, ce ne fut pas ce qui attira son attention.


Une femme se tenait devant elle. Elle était immensément grande. Ses cheveux noirs, filasses, tombaient en cascade sur ses chevilles, comme elle était couverte par de longues algues. Son visage blafard était serti de deux yeux noirs et luisant comme du charbon. Sur ses lèvres, fines et serpentines, sa langue rouge passait. Elle portait une toge épaisse, composée de plusieurs niveaux, qui trempait dans l'eau. Ce qui ne l'inquiétait pas puisqu'elle était humide jusqu'à la racine de ses cheveux. Son regard jaugea la jeune femme face à elle du bas en haut :


— Néoméris, tu m'as appelée.


— Je... je ne pense pas. Réfléchit-elle en cherchant ses mots pour ne pas blesser la créature face à elle. Vous... vous êtes...


— Tu m'as appelée. Je suis Amphitrite et tu voulais me parler.


Quelque chose passa mal dans la gorge de Néoméris. Elle ne mangeait ni ne buvait rien mais elle pouvait sentir quelque chose qui s'étranglait et elle se retint de régurgiter. Involontairement, elle hocha la tête bien qu'elle pensa qu'elle n'avait pas appelé la déesse. Elle se demanda bien ce qu'elle pouvait lui dire maintenant qu'elle s'était déplacée pour la voir. Soudain, elle comprit :


— Ô Amphitrite, déesse des mers, ce matin, j'ai vu des navires étrangers qui voguaient vers nos côtes. J'ai essayé d'en avertir le roi. Il a envoyé deux messagers mais, ils sont revenus bredouille. Nous attendons le troisième. Mais si celui-ci n'a pas vu non plus, le roi croira que je me suis moquée de lui et il... il me chassera peut-être au mieux. Pourtant, je vous assure que je n'ai pas menti !


— Tu n'as pas menti. Assura la déesse. Les navires troyens ont traversé leurs mers pour venir envahir les Grecs.

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1 commentaire

Jessica Goudy

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Il y a 10 mois

Like de soutien pour toi 💕 Si tu veux me lire aussi, j'ai presque terminé ma story, n'hésite pas 🙏😘
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