silver Aristas Neireides Chant VIII D'une sorcière 1

Chant VIII D'une sorcière 1

Prostrée dans un coin, Néoméris observait le plateau à ses pieds où du vin et des dattes attendaient d'être dégustés. C'était le minimum qu'un invité pouvait recevoir mais même ça, c'était trop pour elle qui était habituée à rien. Elle garda les poings fermés sur ses cuisses, se retenant comme un chiot qui sait que l'on va lui chiper sa gamelle. Une main vola jusqu'à l'assiette de dates, en prit deux. Aussi léger qu'un cabris, Méléagre se posta deux pas plus loin, le regard dirigé vers la cour. Nycème n'avait pas voulu faire entrer Néoméris dans son palais. Le général avait dû attendre son départ et celui du prince pour obtenir ces faveurs pour l'invitée au roi. Il dégusta ses dattes en faisant mine de regarder les domestiques qui balayaient la cour. Il ne comprenait pas pourquoi faire ça en pleine journée et se douta que l'ordre avait été donné par Nycème pour surveiller la sorcière en son absence. Malgré la colère que cela suscitera, Méléagre lui touchera deux mots car son comportement pourrait agacer les dieux, en particulier Héphaïstos et Naxos est bâti sur un volcan. Endormi, certes, mais un volcan :


— Pensez-vous que se puisse être une invasion ?


Méléagre se tourna à moitié vers Néoméris. Elle avait un parlé érudit. Il ne serait pas surpris d'apprendre qu'elle sait lire et écrire. Cette enseignement était donné aux prêtresses. Il aurait été stupide que la réprouvée ne l'apprenne pas à sa fille. Une raison de plus pour l'appeler sorcière. Il haussa les épaules :


— Peut-être, peut-être pas. Je préfère toujours me dire qu'il s'agit de visite de courtoisie, improvisée.


— Vous ne préférez une bonne invasion ?


— Une bonne invasion ? Répéta Méléagre en ricanant. Qu'imagines-tu ? Que par mon statut je me suis qu'une bête assoiffée de sang ? Et bien, je suis comme tout le monde : je préfère chanter et danser plutôt que de me battre.


Néoméris rougit. Elle qui avait été jugée par sa simple naissance venait de faire la même chose. Voyant son inconfort, et sachant que sa voix grave intimidait les jeunes femmes, Méléagre s'adoucit :


— Aimes-tu danser et chanter ? Je suis certain que pour les festivités de...


Il s'arrêta. Il allait l'imaginer dansant sur la place du port, jouant du tambourin et chantant les louanges d'Amphitrite et de la mer. Peut-être était-ce des choses qu'elle faisait mais pas en public. Néoméris secoua la tête de droite à gauche. Elle porta son regard sur la cour. Les nuanciers de couleur allant de l'ocre au rouge l'impressionnèrent. Il y avait aussi des touches de bronze avec les torches et les bancs. Elle imaginait le palais avec des peintures bien plus chatoyantes mais le palais était connu pour sa riche sobriété :


— Comment est-ce à l'intérieur ? On dit qu'il faut une demi-journée pour atteindre le trône du roi.


— On s'est moqué de toi. J'ai vu des palais bien plus beaux et bien plus grands. Celui de Naxos est sommes toutes... banals.


Choquée, elle dévisagea Méléagre. Il avait un regard espiègle et un sourire effronté. Le genre de visage que faisaient les mauvais garçons des rues. Ceux qui lui volaient son poisson parce qu'ils savaient que personne ne s'opposerait à eux. Mais, elle ne craignait pas Méléagre et se fendit d'un sourire. C'est dommage, songea Méléagre, sans cette cicatrice, elle pourrait être mignonne. Il s'assit sur le muret du cloître face à elle, sans jamais détacher son regard. Lorsque enfin Néoméris ne le supporta plus et baissa les yeux, il continua tranquillement leur conversation :


— Alors, comment est-ce de l'autre côté de l'île ?


— Vous n'y êtes jamais allé ? S'étonna Néoméris en redressant le visage.


— J'ai déjà songé à y envoyer mes jeunes recrues pour qu'ils passent quelques jours dans la montagne avec un coutelas pour survivre. Ils ont un entraînement du genre à Spartes et ceux sont les meilleurs guerriers du monde. Mais moi, non je n'y suis jamais allé.


— Heureusement que vous n'avez pas fait ça. C'est un endroit très habité et vous aurez troublé notre quiétude. C'est vrai ! Insista-t-il devant le visage goguenard du général. C'est là que vivent nos prêtresses, beaucoup de bergers et...


— Je suis le général de Naxos, tu n'as pas à me refaire le contexte géopolitique de l'île, je le connais pas cœur.


Néoméris plissa les yeux. Elle ignorait ce que voulait dire géopolitique mais elle n'osa pas le lui dire. Elle ouvrit la bouche pour répliquer lorsque le premier messager revint. Il était trempée de sueur, ses pieds couverts d'ampoules à force d'avoir couru, le souffle court. Il s'arrêta à hauteur de Méléagre, posa un genou à terre. Ses épaules se soulevaient encore, il inspirait entre chaque mot lorsqu'il parla :


— Je reviens vers vous. Personne n'a rien vu.


— D'où reviens-tu ?


— Du port, mon seigneur. On vous dit de faire attention. La rumeur s'est déjà répandue que la sorcière vous a envoûté.


Méléagre porta ses yeux sur un groupe de jeunes domestiques qui faisaient mine de discuter tout en observant en coin leur discussion. Ce devait la faute de Laetitia. Une nuit dans son lit et elle avait pensé qu'elle passerait de cuisinière à femme du général de Naxos. Il lui faudra lui parler plus tard. D'un geste de la main, il congédia le messager :


— Va boire un verre de vin et reprends ton service. La ballade est finie.


Il se tourna avec un regard noir sur Néoméris.

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1 commentaire

Jessica Goudy

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Il y a 10 mois

Soutien 🥰✒️ Si tu veux me lire aussi, n'hésite pas, j'ai sorti un nouveau chapitre 🙏😘
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