silver Aristas Neireides Chant IV D'une enfant haïe 2

Chant IV D'une enfant haïe 2

L'air manqua alors à la mère. Dans quel pétrin s'était-elle mis ? Un nourrisson, c'était compliqué, seule, c'était pire, avec les dieux sur le dos, tout bonnement impossible. Elle s'empressa de rejoindre la rive et alors, plutôt que de s'enfermer dans sa cabane, où elle savait qu'elles ne seraient pas en sécurité, elle remonta jusqu'au temple.


On ne pouvait pas empêcher quelqu'un d'entrer dans le temple d'Amphitrite. Les naxiens avaient tous le droit à part égale de saluer et donner leurs offrandes à la déesse. Mais, avec sa robe trempée au bas et son nourrisson qui souriait, Anatola n'était pas la bienvenue. Elle garda tout de même la tête haute et annonça qu'elle devait consulter la grande prêtresse. Cette dernière l'accueillit avec moins de réticence et écouta son récit. Dans le doute, elle se refusa à ignorer les paroles de la déesse et demanda à la jeune mère de tremper son enfant dans l'eau de la mer pendant qu'elle et les prêtresses sacrifieront une génisse pour calmer la colère de la déesse de la mer.


Anatola obéit. Elle ne savait plus réfléchir lorsqu'on lui parlait des dieux. Et puis, elle avait rencontré trois d'entre eux. Même si deux s'étaient révélées bénéfiques, rencontrer un tel être ne lui prodiguait pas le bonheur imaginé. En y repensant, c'était même à cause de sa rencontre avec l'un d'eux que sa vie était devenue un enfer.


Elle tenait Néoméris par le bas du corps et la nuque et immergea sa tête dans l'eau. La nuit avait remplacé le jour. Anatola eut l'impression de plonger sa fille dans les enfers. Elle la retira immédiatement. Le sourire qu'arborait toujours l'enfant se transforma en larmes. Anatola essuya son visage en le couvrant de baiser. Le sel colla à ses lèvres. Les gouttes imprégnèrent la tunique de la mère. Et puis, les chants litaniques des prêtresses percèrent la nuit sans étoile. Alors, Anatola remit l'enfant à l'eau ignorant ses membres qui battaient.


Soudain, un vent chaud la repoussa en arrière. Anatola tomba à l'eau. Elle se retint sur les coudes et réalisa alors qu'elle ne tenait plus Néoméris. Elle se mit à quatre pattes sondant la mer de ses mains. Son regard dériva au loin. La mer lui avait pris sa fille.


Un gazouillement résonna dans son dos. Elle se retourna et la vit. Néoméris était tenue à bout de bras par Héphaïstos. Il arborait la même forme que lors de leur rencontre : grand, brun, cheveux longs. Son regard sondait l'enfant, la secouant presque pour trouver peut-être une forme d'infirmité. Néoméris n'a pas grandi en ressemblant à son père. Elle n'était que la fille d'Anatola par son apparence. Alors, par jalousie sûrement, il plaqua son immense main sur le visage du nourrisson. Une fois de plus, Néoméris perdit son sourire. Elle hurla de douleur.


Une étincelle apparut d'abord. Puis, une autre. Et soudain, la tête de l'enfant s'embrasa. Héphaïstos la tenait à distance, bien qu'il ne craignait pas le feu, observant sa fille se consumer sous ses yeux. Anatola se redressa et prit ses jambes à son cou. La distance était courte. Jamais elle n'avait couru si vite. Elle sentit la mer qui la propulsait jusque sa fille. Elle l'arracha des bras du dieu. On se demande bien comme une mortelle peu injuriée un dieu, mais c'est avant tout une mère dont l'enfant était en feu. D'ailleurs, les flammes lui léchèrent aussi les bras. La douleur était insoutenable. Jeter Néoméris dans la mer aurait été une bonne façon d'éteindre les flammes. Mais, il n'était pas question qu'elle la lâche. Alors, Anatalo se jeta avec sa fille. Au moment où elle pensa remonter pour qu'elles prennent leur souffle, elle vit que même la mer ne suffisait pas à éteindre les flammes autour de l'enfant.


Un courant puissant prit l'enfant à sa mère. Anatola tenta de nager jusqu'à la petite Néoméris. Une bulle se forma autour d'elles. Anatola la frappait de toute part pour sortir et récupérer le nourrisson :


— Cesses donc.


La voix était caverneuse et puissante comme jamais Anatola n'en avait entendu. D'entre les flots, apparut un homme immense perché sur un char tiré par des cavaliers de l'eau. Il tenait un trident d'une main et les rennes de l'autre. A ses côtés, une femme magnifique lançait un regard noir à la jeune mère :


— Tu as été trop lente. Mais ta fille sera sauve.


Anatola regarda sa fille. Le nourrisson ne pleurait plus. Les flammes aussi se rétrécissaient jusqu'à disparaître. Poséidon, roi des océans, usait de ses pouvoirs de dieu pour la soigner. Il ne parvint toutefois pas à guérir l'endroit où la paume du dieu de feu avait touchée l'enfant. Cette marque était le sceau du mauvais sort de Néoméris, enfant détestée par son propre père.




— Tu ne réponds rien ? Mon récit t'aurait-il barbé ?


— Pas vraiment. J'ai écouté.


Le vin rendait Méléagre comateux mais c'était surtout cette histoire qui le rendait chose. Il ne comprenait pas par quelle invention elle n'était jamais parvenue à ses oreilles. Il semblerait que Néoméris était devenue un personnage à part entière de Naxos, une entité presque aussi célèbre que le roi. Et lui, il n'avait jamais été mis au courant :


— Qu'en penses-tu ?


Méléagre releva les yeux et les planta dans ceux de Nycème. Il aurait bien voulu dire la vérité. Que cette histoire était des racontars de bonne femme. Il y en avait des hellènes qui se disaient enfant d'un dieu mais qui n'étaient que des mortels. Cependant, toute cette légende causait aussi le tort que la sorcière vivait au quotidien :


— Qu'a-t-elle fait de mal ?


— Peu de temps après que Héphaïstos l'eut maudite, ces trois oncles pêcheurs moururent en mer. Sa grand-mère est morte d'une maladie. Son grand-père de sénilité.


— Le berger ?


Nycème haussa les épaules :


— Il disparut un jour dans la montagne.


— Oh !


Nycème éclata d'un rire tonitruant. Il écarta les mains en se laissant choir sur son trône :


— Je te connais comme un frère. Je sais bien que tu es suspicieux.


— J'ai rencontré beaucoup de gens maudits au cours de mes quêtes, avoua Méléagre, ils étaient toujours ceux qui nous étaient le plus favorables.


Nycème hocha la tête en observant le fond de son gobelet. Alors qu'il saisit la vasque pour se remplir un nouveau verre, la nourrice apparut au bout de la salle :


— Mon roi, les prêtresses sont prêtes.


Nycème se leva invitant son ami à en faire autant. Ils étaient gorgés de vin qui leur tournaient la tête. En témoignaient leurs bouches pâteuses et leurs démarches titubantes. Mais, le roi ne voulait pas prendre le risque d'attendre avant de purifier son fils. Anatola avait une seconde d'hésitation et Néoméris était maudite à vie.


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3 commentaires

Ava D.SKY

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Il y a 10 mois

Je mets ton histoire dans ma PAL et je reviendrai pour commenter 😉 en attendant je t'envoie des likes de soutien 🫶 n'hésite pas à me donner un petit coup de pouce avec mon histoire 💞

Jessica Goudy

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Il y a 10 mois

Soutien 🥰✒️👏

silver

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Il y a 10 mois

Merci pour tes likes et tes commentaires si nombreux 😊
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