Fyctia
Chant IV D'une enfant haïe 1
Anatola n'osa pas rejoindre le port et ses parents. Elle resta plusieurs jours à errer sur le flanc de la montagne. Qu'espérait-elle ? Aucun dieu ne réapparaîtrait, dévoré de remords, pour la prendre et la mettre en lieu sûr. Et puis, un jour, elle découvrit sur la côte à l'opposé du port, loin du palais du roi Aristote, une petit cabane abandonnée. Elle devait servir aux pêcheurs perdus en mer ou aux bergers pris de surprise par les tempêtes. Mais, elle n'avait pas servi depuis des lustres puisque la porte manqua de tomber dans la main d'Anatola lorsqu'elle l'ouvrit. A l'intérieur, c'était vétuste. Une banquette formait un lit, un trou dans le sol indiquait l'emplacement du foyer. Il y avait une vieille nappe qui sentait le sel et grattait et qui lui servirait de couverture. Et puis, des pièges à poissons cassés et des cordes emmêlées. Alors, Anatola vit tous les trésors que lui offraient cet endroit dont personne n'aurait voulu.
Elle se jeta sur le bas de la porte, serra les mains, et remercia Amphitrite de l'avoir délivrée des montagnes meurtrières pour retrouver le chemin de la mer. Durant les prochains, elle s'attela à deux activités, la première de prière comme le temple lui avait appris, la seconde de réparer les pièges et démêler les cordes. En fille et sœur pêcheur, Anatola parvint au bout de sa quête, usant des brindilles et des roseaux pour consolider les pièges. Dès le premiers qu'elle jeta à la mer, les poissons fluèrent comme si elle était à l'endroit où il fallait quand il le fallait. Elle ressortit sa prise et s'occupa à tuer, vider, salé, suspendre les poissons.
Elle garda ceux au fumage pour elle et plus tard et puis elle mit les autres dans un caisson qu'elle n'avait pas encore vu et qui l'attendait sagement dans un coin de la plage. Usant des cordes pour se faire un attelage. Grosse devant, grosse derrière, elle mit plusieurs heures à rejoindre le port et lorsqu'elle y parvint, le marché était presque fini. Cependant, malgré les regards désapprobateurs, elle trouva un petit coin où poser son butin. Au début, personne ne l'approcha. Les prêtresses avaient pris soin de cacher son départ et ses raisons. Aussi, on ne comprit pas pourquoi la marchande de poisson souriante était devenue une prêtresse en disgrâce et ronde. Elle tenta de trouver sa mère. Mais, la vieille marchande de poisson fit semblant de ne pas la voir et quand le soir son mari revint d'une journée de pêche, il la dévisagea mais l'ignorer lui aussi.
Cependant, alors que les rayons du soleil annonçaient le coucher, il n'y avait plus que Anatola sur la place à vendre son poisson. Alors, les retardataires durent se contenter d'elle et de ses poissons luisant sous le soleil couchant. En plus, ne cherchant pas à s'enrichir, Anatola brada ses prix et tout son poisson disparut en quelques tours. Elle retourna dans la nuit chez elle. Alors qu'elle était sur le chemin, ses pieds nus battant le sentier de terre. Elle était harassée par le sommeil et dormait presque en marchant. Une brise emportée par la mer chatouilla de ses notes salées ses narines la gardant éveiller.
Anatola continua ainsi sa vie allant de sa bicoque au marché vendre son poisson. Elle finit par acheter des draps, un canasson pour tirer son attelage et lui tenir compagnie, et un petit mobilier en pierre blanche qu'elle plaça à côté de la porte de sa cabane. Elle improvisa une mosaïque avec les coquillages enfouis dans le sable et mit une fiole d'eau salée qu'elle changeait tous les matins. Sous ce petit autel improvisé, elle ne cessait de prier Amphitrite qui lui donnait toujours les eaux les plus poissonneuses. Lentement, elle se mit à penser que la montagne était mauvaise alors que la mer était bénéfique.
Personne ne sut exactement comment elle accoucha. Un matin, un berger qui s'était aventuré non loin et trois pêcheurs qui revenaient de plus jours en mer entendirent les cris stridents depuis la plage. Ils accourent vers la femme qui hurle dans sa cabane. C'était les quatre frères d'Anatola. L'un vivant reclus dans la montagne, les trois autres perdus dans l'océan, ils n'avaient pas entendu parler de la disgrâce de leur sœur. Ce fut le berger qui s'accroupit pour aider sa sœur car il avait déjà accouché ses brebis. Mais, alors que la tête brune de l'enfant apparut, un tintement le fit lever la tête. Il se retrouva propulser à l'arrière et une femme prit sa place. Elle était grande, bien plus qu'un homme, et portait la tenue des sages-femmes. Il interrogea ses frères du regard, tout aussi estomaqué qu'eux de voir Ilithyie, la déesse de l'accouchement, aidée leur soeur.
Et puis, un cri perfora leurs tympans. Anatola avait eu une fille. Un petit être tout rose qui, une fois qu'elle eut cessé de pleurer, offrit un sourire lumineux à ses oncles. Le même que celui de sa mère. Malgré la honte de sa naissance, ils se fendirent aussi d'un sourire. L'enfant fut nommée Néoméris, en l'hommage à la néréide car Anatola ne cesse d'être pieuse. Elle voyait sa fille comme sa raison de vivre, celle qui avait guidé ses frères à elle et grâce à qui ses vieux parents avaient traversé l'île pour les voir. Néoméris, l'enfant bénie par les olympiens grâce à qui Naxos avait été protégée du courroux du dieu forgeron.
Anatola allait souvent dans l'eau avec son enfant. Elle la tenait fermement contre sa poitrine. Les vagues lui léchaient les jambes. Elle chantonnait des comptines en regardant la ligne bleue qui se perdait dans la ciel dépourvu de nuages.
— Anatola, mon enfant.
La jeune femme sursauta. Elle regarda à côté d'elle, dans les airs, dans son dos. Mais, elle ne vit personne. Alors, son regard se posa sur l'eau. La surface était bleu, blanche d'écume par endroit. Entre les débris et les algues, le visage lisse et majestueux d'Amphitrite apparut :
— Tu es en vie, ta fille aussi. J'ai demandé à Ilithyie d'assister. Tu as une fille, enfant d'un dieu grâce à moi. Tu dois me rendre mes dons.
— Comment, ô déesse ? Je vous ai sacrifié une brebis de mon frère, je vous prie et vous honore tous les jours. Comment puis-je faire ?
— Tu dois protéger ton enfant. Répéta Amphitrite, ses paroles étaient floues comme un vague souvenir. Sinon, il lui arrivera malheur. Sans moi, Ilithyie ne serait jamais venue. Elle était retenue par des dieux, qui ne voulaient que ta fille naisse.
Anatola fut traversée par un frisson glacée. Le visage de la déesse s'évanouit laissant la jeune mère seule avec ses questions. Quels dieux en voulaient pas à Néoméris, un simple bébé ? Il y pouvait y avoir Aphrodite, déesse de l'amour qui était aussi l'épouse légitime du dieu Héphaïstos, Héra, la déesse des déesses mère du dieu des forgerons, et même le père lui-même.
1 commentaire
Jessica Goudy
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Il y a 10 mois