silver Aristas Neireides Chant III D'une prêtresse 2

Chant III D'une prêtresse 2

Elle se tourna et rencontre ce qu'elle pensa être un vieillard. Elle ne pouvait pas voir son visage car un grand drap s'étendait sur le corps courbé par la vieillesse ou la douleur. mais un doigt épais et noueux se pointa sur elle. En voyant le drapé qui cachait entièrement le corps, Anatola prit peur. Elle se demanda si elle n'avait provoqué un dieu en voulait boire à la source. Mais, une voix nasillarde s'échappa du drap :


— Pitié, jeune prêtresse, étanche ma soif. Mon navire s'est échoué sur les côtes de ton île et je n'ai rien bu ni mangé depuis des jours que j'erre ici.


Anatola fut surprise par le discours du filet de voix. Si un navire s'était échoué au large de Naxos, même les tritonnes auraient mis au courant. Et puis, s'il avait vraiment atterri sur la plage, pourquoi n'y était-il pas resté ? Il avait plus de chance de croiser de pêcheur qu'un berger, surtout pas ici où les arbres étaient trop nombreux pour laisser les bêtes au pâturage. Cependant, Anatola ne posa de question. Elle plongea la cuillère dans l'eau, mouillant sa manche et la porta à ce qu'elle pensa être les lèvres du malheureux. Il saisit de ses doigts ceux de la jeune fille et alors, une onde brûlante l'envahit. La bouche d'Anatola lui parut pâteuse comme ces jours où le soleil est bien trop fort et que même l'ombre des oliviers ne parvient pas à les rafraîchir. Mais, encore une fois, Anatola ne dit rien. Elle plongea la main dans la besace pour en sortir du pain et du fromage. Le voyageur se désaltéra et mangea avec bruits d'animaux sous le regard toujours surpris de la jeune fille. Quand, il eut fini alors le drap tomba.


Ce devait sûrement être un beau moment durant lequel la jeune fille serait subjuguée. Mais, Héphaïstos, dieu des volcans forgeron et hideux, ne pouvait pas apparaître en bel homme. A la place, ce fut un jeune homme qui fit face à Anatola. Il était grand, la peau dorée, les cheveux longs et noirs, le regard mouillé et bancal. Son pied gauche était retourné, incurvé vers l'intérieur. Incapable de se mettre sur la plante, il marchait en boitant. Anatola esquissa un pas en arrière en le voyant avancer :


— Non, non ! Ne t'enfuis pas, jeune prêtresse ! N'aie pas peur !


— Je... je n'ai pas peur. Assura Anatola d'une voix tremblante.


— Est-ce vrai ?


Il y avait quelque chose de l'ordre de l'espoir dans les yeux noirs du dieu. Anatola lui sourit, conciliante, et avoua :


— Non... J'ignore qui vous êtes et ce que vous me voulez.


— A toi, rien. J'étais juste venu voir les naxiens. Ton peuple, bien qu'il vénère une déesse de la mer, s'est installé sur une île que j'ai créé.


— Vous pensez que nous vous honorons pas assez ? Mais... qui êtes-vous au juste ?


— Je suis Héphaïstos. Répondit le dieu en se fendant d'un sourire. Le dieu des forges et des volcans.


Anatola écarquilla des yeux, incapable de mesurer ce qu'elle venait d'entendre. Elle avait face à elle un dieu du panthéon qui lui parlait comme s'il était un simple roi. Et un roi ne pouvait pas être simple alors un dieu ! Elle émit un glapissement étouffé qui fit rire le dieu. Mais, soudain, son regard se voila :


— Jeune prêtresse, je te donne la charge de m'honorer. Ordonna-t-il.


— Je... je suis dévouée à la déesse Amphitrite et je ne suis qu'une fille de marchande de poisson. Même si je le voulais, je n'aurais pas le pouvoir de vous honorer comme un dieu le mérite.


— Pourtant, je ne te laisse pas d'autre choix. J'étais venu voir ton roi mais j'ai trouvé bien plus amusant. Si tu ne le fais pas, je me vengerai sur ton peuple. Je te laisse une nuit pour trouver la solution.


Et il disparut. Anatola était mortifiée. Elle ne connaissait pas d'autres façons pour honorer un dieu que de lui sacrifier du bétail ou de lui ériger un temple. Mais, si elle procédait ainsi, elle devait voler les bergers, se cacher de tous et surtout injurier sa déesse. Soudain, le poids de sa jarre lui parut moins lourde que la menace du dieu. Elle rentra sans un mot et personne ne lui demanda de parler puisque le silence était la règle du temple. Anatola se positionna face à la jarre d'eau dont le sel se posa sur ses lèvres. Derrière, la mosaïque qui représentait la déesse Amphitrite aux cheveux d'algues, ses yeux azur, entourée des Néréides. On aurait dit que son regard


Elle retroussa sa toge sur ses pieds, remonta les cheveux qui s'étaient échappés de ses barrettes et s'agenouilla sur la première marche de l'estrade qui menait à la vasque et à l'autel. Des torches allumés illuminaient la pièce. Leur chaleur imprégna la toge d'Anatola de sueur. Elle resta toute la nuit, priant avec toute sa ferveur sa déesse. Elle était censée être sa protectrice, celle à qui elle avait donné sa vie. Si quelqu'un pouvait la défendre, c'était elle. Qu'elle trouve une solution pour protéger Naxos, qu'elle demande à son illustre mari Poséidon d'en appeler la clameur d'Héphaïstos. Mais, elle ne reçut aucun signe. Elle n'était même pas certaine d'avoir été entendue. Alors, à l'heure dite, elle se redresse. Ses yeux furent noyés de larmes.


Elle rejoignit le dieu qui se tenait au même endroit que la veille, sous la même forme. Anatola lui donna ce qu'elle avait pour protéger les siens. Il la posséda sans tendresse. Elle cria. Des bergers, qui laissaient paître leurs bêtes non loin, entendaient encore aujourd'hui ses pleurs dans leur sommeil. On dit aussi que si l'on reste la nuit au sommet de la montagne, ses cris se font entendre. D'abord comme un chuintement, un chuchotement et puis, des pleurs qui cassent les oreilles.


Le ventre d'Anatola s'arrondit. Plus encore qu'une enfant engrossée par un mortel, les dieux marquaient leur territoire en développant plus qu'il ne le valait le ventre des femmes. Si bien que dès la troisième semaine de sa grossesse, tout le temple connaissait le crime de la jeune prêtresse. Anatola tenta de se défendre, elle avoua qu'elle avait certes consommé mais que ce son sacrifice était pour le bien de la cité, qu'elle les avait protégés du courroux d'un dieu. Alors, on dit qu'elle était insolente, qu'elle osait se porter elle, la pêcheresse juvénile, en protectrice de l'île à la place de la déesse. Déçues, humiliées et en colère, les prêtresses la chassèrent.





— Et ensuite, demanda Méléagre en regardant le fond de son gobelet vide, que s'est-il passé ? Tu me parles d'une femme qui n'est pas la sorcière.


Nycème lui jeta un regard glacé. Il aimait raconter des histoires, il aimait qu'on l'écoute. Mais, c'était une qualité que les généraux ne possédaient pas, habitués à hurler leurs ordres pour être vite obéi. Méléagre était comme les siens : brutal et dépourvu de poésie. Cependant, le roi étira ses lèvres et continua.





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2 commentaires

Callio

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Il y a 10 mois

likes de soutien :)

Jessica Goudy

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Il y a 10 mois

Soutien 🥰✒️
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