Fyctia
Chant III D'une prêtresse 1
Parmi les femmes de Naxos, on en distinguait deux types. Il y avait les mères, les femmes, les grands-mères, les domestiques, celles qui s'occupaient de leur maison ou de celles de leurs maîtres, des enfants, de rapiécer les linges, de vider les poissons, de les fumer, de les vendre, de compter l'argent à la fin de la journée. Et puis, il y avait les prêtresses. Elles étaient nombreuses sur l'île car comme dit précédemment, les naxiens vénéraient leur déesse protectrice Amphitrite. C'était un immense honneur pour les familles si leurs filles désiraient devenir une tritonne, les prêtresses du culte.
Anatola faisait partie d'eux. Elle était la dernière de cinq enfants. Quatre garçons. Trois étaient devenus pêcheurs, le quatrième berger car il avait horreur de la mer. C'était la petite fille de ses parents, deux vieux marins qui étaient déjà ridés à sa naissance, et de ses frères. Elle était adorée d'eux tous. Et pourtant, Anatola n'en avait tiré aucune vanité. Elle restait toujours dans les jupes de sa mère, la vieille marchande de poisson à la voix éraillée. Une petite chose pas particulièrement belle mais qui gratifiait les clients d'un sourire lumineux.
La chaleur d'Anatola était connu de tout Naxos si bien que même les îles alentour entendirent parler d'une petite marchande de poisson d'une gentillesse et d'une douceur comparable à celles d'une nymphe. D'abord, ceux furent les pêcheurs d'Ithaque qui, prétextant de s'être perdus entre les deux îles, en profitèrent pour chercher l'étalage de la vendeuse de poisson. Et puis, ceux furent les Mycéniens, les Spartes, mêmes des Athéniens, qui vinrent la voir. Des riches marchands qui leur proposaient leur main, ou celles de leurs fils, des plus pauvres qui promettaient de la rendre heureuse, un prince une fois qui la couvrit de cadeau. Mais, Anatola les refusa tous. Personne ne l'en blâma. Tant que la jeune fille était à marier, les gens affluaient à Naxos et le commerce de poissons se portait de mieux en mieux. On en vint à se demander si le roi, récemment veuf, ne l'épouserait pour la remercier de rendre son île prospère.
Chez elle non plus, on ne la pressa à prendre un mari. Son père, sa mère et ses frères avaient peur qu'un jour leur petite fille s'enfuit avec un de ces voyageurs, partie installer au large, au-delà même de l'horizon qu'ils percevaient sur leurs bateaux. Et puis, Anatola leur avait déjà fait part de ce qu'elle désirait au plus profond. Elle voulait remercier la déesse Amphtrite qui rend leurs eaux poissonneuses et leur permet de vivre tous ensemble. Elle voulait devenir prêtresse, une tritonne. En plus, ce nom lui plaisait. Un triton, c'était un dieu marin. Un être puissant, fils de Poséidon, le dieu marin mari de Amphtrite. Quoi de plus normale que les femmes servantes de la déesse portent ce nom ?
Anatola se voyait bien porter la toge bleue des prêtresses, remonter ses boucles brunes sur le haut de son crâne, descendre jusqu'à la plage avec la jarre qu'on offre aux prêtresses quand elles prennent les ordres. Il y avait, au centre du temple, une vasque si grande que cinq hommes pourraient s'y baigner. Tous les matins, juste au moment où Hélios commence sa procession autour de Naxos et que les rayons de son soleil touchent les pâturages de l'île, les prêtresses s'engagent, l'une derrière l'autre, jusqu'à la mer où elles rejetaient de leurs jarres l'eau de la vasque pour les remplir avec de l'eau de la mer. Anatola se réveillait tôt pour les voir en rêvant d'être à leur place.
Quand elle eut quatorze ans, enfin elle put assouvir son rêve de devenir prêtresse. Elle n'avait pas été autorisée à l'être avant. Ses parents n'étaient pas certains de vouloir que leur unique fille soit prostrée dans l'humilité, loin d'eux. Car s'il y avait seulement une journée de marche pour rejoindre les prêtresses, une fois qu'elles entraient dans le temple, elles n'étaient pas autorisées à voir des gens de l'extérieur en dehors des fêtes pour leur déesse.
Les prêtresses, quant à elle, étaient ravies d'accueillir entre leurs rangs le rayon de soleil de Naxos, bien que cela voulait dire qu'Anatola sera à l'avenir cachée des regards des étrangers et donc, qu'ils afflueront de moins en moins. Elle était tout de même le porte-bonheur de l'île et il n'y avait pas de meilleure remerciement que de s'investir pour la déesse. Comme elle était de beauté fade, elle ne paraissait pas affriolante dans sa tenue bleue qui signifiait aussi son vœu de chasteté. Ainsi préservée des mains des hommes, sa bonté ressortissait d'autant plus qu'on savait qu'elle ne voulait s'attirer aucune sympathie, aucune marchandise. Elle était la prêtresse qui souriait.
Vite rôdée aux travaux du temple, on demanda un jour à la jeune Anatola d'aller puiser de l'eau au fleuve. Il n'y avait qu'un courant qui approvisionner toute l'île en haut et qui prenait sa source au sommet de la plus haute colline. On se servait selon sa classe : le roi d'abord à sa source, puis les prêtresses, les notables, l'armée et enfin, à l'embranchement où le fleuve se jeter sur la mer.
Anatola hissa sur ses épaules l'immense jarre et se jeta dans la montagne. Le trajet était abrupte. Seules les prêtresses l'empruntaient pour que leur paix ne fut pas troublée. Cependant, cela induisait également qu'aucun vrai chemin n'avait été formé. En plus de glisser sur les pierres, Anatola avait aussi le visage cinglé par les fougères. Elle atteignit tout de même le fleuve, dont le torrent battait dans ses oreilles depuis un moment déjà, à l'endroit qu'on lui avait indiqué. Elle profita de mettre sa jarre à l'eau pour plonger la cuillère incurvée en bois dans l'eau glacée et boire. Alors qu'elle la porta à ses lèvres, un toussotement la fit tressauter.
9 commentaires
Jessica Goudy
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Il y a un an
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Il y a 10 mois
nofaceuser
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Il y a un an
Dixy
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Naelly2023
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Naelly2023
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