Fyctia
Chapitre 23
Jérémie a un visage ombrageux, il passe sa main dans son cou.
— Tu le connais depuis longtemps ce musicien ?
— Gabriel ? Quatre ans !
— Donc, durant ta thèse ?
— Exact, en rédaction, il m’a changé les idées. Je l'adore. Un peu moins quand il m'oblige à faire du sport dès le réveil. Je ne suis pas apte à le suivre. Il a trop d'énergie.
— Tu le laisses faire ?
— Le matin ? Jamais. Par contre, j’ai cédé pour le vendredi soir, histoire de me remettre en selle. Je ne faisais plus rien depuis trop longtemps.
— Forcément, trois ans de thèse…
— Au début, j’explique, j’avais mal, maintenant, j’attends avec impatience ce moment. On a une bonne complicité.
— Il est sportif et musicien, dit-il âpre, je vois le genre.
Je fronce les sourcils en signe d’incompréhension, sa mère interrompt le fil de mes pensées en me redonnant mon portable.
— Tout est en règle, annonce-t-elle satisfaite. Une affaire conclue.
Malgré la bonne nouvelle, Jérémie a l’air maussade.
— Nous ne nous sommes pas présentées, Liliane Cellier.
— Cerise Cloyère.
Elle me dévisage de bas en haut, elle me soumet à son rayon X interne. Ses lèvres fines sont pincées et trahissent la condescendance que je lui inspire. Pour sa défense, entre mon jean boueux, mes cheveux trempés et le vieux hoodie de Jérémie, je ne suis pas à mon avantage. Même moi, si je me croisais dans la rue, je me prendrais en pitié, quitte à m’indiquer le centre de sans-abri le plus proche. De toute manière, c’est ce que je suis ce soir.
— Je présume que vous travaillez dans l’événementiel contemporain ? Amie de Benjamin, n’est-ce pas ?
Je remue vivement la tête en signe de négation, cette femme m’impressionne, elle est dotée d’un talent à vous faire éprouver de la culpabilité, sans raison. J’ignore si c’est fortuit ou inné.
— Je suis archéologue, une ancienne connaissance de faculté de Jérémie.
— Une heure surprenante pour une visite de courtoisie.
— Elle a eu un dégât des eaux, explique-t-il, je l’ai invité le temps de ses travaux.
— Souhaitez-vous manger végétarien ? du poisson ? ou de la viande ?
Je la regarde indécise, Jérémie s’est reculé derrière elle et pose son index sur sa bouche, en signe de me taire. Curieuse, je décide de l’ignorer.
— J’ai une préférence pour la viande.
— Bien, avez-vous une robe de cocktail ?
— Heu non… je réponds consternée.
— Très bien, nous aurons du travail. Soyez là à neuf heures dimanche matin. Il est tard, permettez-moi de prendre congé.
Jérémie s’appuie sur la porte-fenêtre, bras croisés, alors que sa mère disparaît vers son monospace Mercedes. Je frissonne, me tortille et me mets à sautiller pour me réchauffer. Il me regarde avec intérêt et une once d’amusement.
— J’ai essayé de te sauver, Mikan, tant pis pour toi. La prochaine fois, écoute-moi.
— De quoi parles-tu ? je demande.
— Tu viens d’être piégée par ma mère. Tu as accepté une invitation et qu’elle joue à la poupée avec toi.
— C’est faux ! je proteste. J’irai lui dire qu’il y a erreur.
— Décliner ? Autant rencontrer un tigre dans la jungle, c’est moins dangereux.
Je joins mes mains et souffle dessus. Le froid mordant de la nuit s’insinue progressivement sous mon hoodie à mesure que la fatigue s’empare de moi. Je suis tellement gelée que je ne sens plus grand-chose, mes dents claquent. Jérémie s’avance lentement à ma hauteur, à mon effarement, sa main glisse dans le bas de mon dos et un bras autour de ma taille. Un frisson me parcourt tout le corps, cette fois, la température n’y est pour rien.
— Viens par-là, avant que tu ne sois la prochaine victime de la grippe, je veux l’éviter à ma future cavalière.
— Je ne suis pas ta future de quoi que ce soit, je bredouille.
— Désolé, Figue, tu y as consenti au moment où tu as exprimé ton choix de menu, selon le langage de Liliane Cellier.
Je me sens défaillir, lorsqu’il m’attire contre lui, je ne cherche même pas à résister. Mes mains se posent naturellement sur la chute de ses reins, et je refrène mon envie de les déposer plus bas. Si j’avais encore un doute, ce ne serait plus le cas, je ressens une tension électrique entre nous, une attirance indéniable, je veux goûter ses lèvres. Il incline sa tête et me sourit tendrement, il s’approche à quelques centimètres de ma bouche. Je suis sa proie avec laquelle il veut jouer.
— Tu sais, si tu voulais te rapprocher, tu n'avais qu'à demander. Inutile de faire semblant d'avoir froid, dit-il en souriant.
Je me sens coupable et désireuse à la fois, j’en veux davantage. Pour me calmer, je dépose ma tête sur son torse pour ne plus risquer de vouloir finir la course qu’il a entamée. J’entends les battements de son cœur qui s’accélèrent. Je m’abandonne dans son étreinte protectrice.
— Pour tout t’avouer, chuchote-t-il, je suis impatient, ça risque d’être intéressant entre ta maladresse légendaire et un repas mondain. J’ai envie d’ouvrir des paris sur le déroulement.
Soudain, je romps le charme. Je reviens à la raison et m’écarte.
— Je suis fatiguée, j’ai besoin d’une douche et d’un lit.
À mon réveil, je sursaute d’être face à une photographie de Jérémie et Thibault, son frère, devant un panneau « GR10 Banyuls-sur-Mer ». Ce dernier est plus grand et musclé, mais sinon, ils sont très ressemblants. Je note de ne jamais parler à Marjorie des GR, elle risque de vouloir m’y entraîner.
Il me faut un temps incalculable pour quitter le lit confortable et me traîner jusqu’à la porte de la salle d’eau. C’est une chambre parentale avec une salle de bain quasi-exclusive : deux pièces y ont accès. La mienne et celle de Jérémie. Je me glisse sous la douche à l’italienne pour me réveiller, enfile un peignoir, mes chaussons et attrape mon Vanity.
La deuxième porte s’ouvre sur Jérémie, juste habillé d’un boxer. Je déglutis à cette vue. Il se fige et s’empresse de refermer la porte. Il réapparaît vêtu d’un tee-shirt agrémenté d’un mignon dragon qui lit au milieu d’une montagne de livres : « Im not a bookworm, im a book dragon ».
— Je le veux ! je m’exclame.
Il sourit amusé et descend son regarde jusqu’à mes chaussons licornes, d’un air dubitatif.
— Quoi ? Je les aime, je ne gêne personne !
— Ça dépend, les licornes étaient-elles consentantes avant d’être sacrifiées à tes pieds ?
— J’ai suivi le conseil de Voldemort pour la vie éternelle, je réfute.
Il fronce les sourcils et esquisse un sourire.
— En-tout-cas, si tu n’aimes pas ton nez, je te déconseille son chirurgien pour la rhinoplastie.
— Il a quoi mon nez ? je réplique froissée.
Il s’approche d’un pas et passe son doigt dessus. Je tressaille à son contact.
— Il a tendance à se fourrer dans les affaires qui ne le regarde pas. Je n’ai pas oublié cette histoire de caméra.
Je me retourne pour me laver le visage et commence à chercher mon maquillage. Il hésite et se penche à mon oreille.
— On est vendredi, c’est le jour de ton « sport », pourrait-on essayer ensemble ?
— Gabriel est absent, c’est une bonne idée.
— Tu m’expliques en détail ? sourit-il.
— Je pense que c’est mieux de conserver une part de mystère.
— Ça me plaît… souffle-t-il.
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