Fyctia

Quelques minutes auparavant,

A peine mon ventre rempli que Joe m’adresse un signe de la main. Je le regarde sans comprendre.

— Viens Rose, je vais te déposer dans une autre chambre pour que tu puisses te doucher. Tu sens encore le feu et cela te permettra de te changer aussi, déclare-t-il toujours avec bienveillance.

— Merci à vous pour ce que vous entreprenez pour moi. Je ne serais jamais assez reconnaissante.

Je bascule mes jambes sur le bord du lit et commence à me lever doucement de ce dernier afin de le suivre.

— Nous sommes tous comme ça, si tu as le moindre problème, va voir Ange ou notre Prez, ils régleront le souci rapidement.

— D’accord… mais je ne les connais pas encore ni l’un ni l’autre, ajouté-je d’une voix faible.

Je sens mon angoisse remonter en flèche de devoir rencontrer encore des nouvelles personnes. Ainsi que de devoir me déplacer dans ces lieux inconnus, même si pour le moment, je suis accompagnée de Joe.

— Crise d’angoisse ? me questionne-t-il.

Pendant qu’il regarde mes mains et mon visage, je commence à appliquer mes exercices de respirations, avant de lui répondre.

— Oui depuis toujours, c’est un peu difficile pour moi d’être ici.

— As-tu essayé le sport pour te canaliser ? me demande-t-il doucement.

— Non, dans mon milieu socio-culturel ce n’est pas très bien vu.

— Ici, tu pourras essayer ce que tu veux. Sport, self défense, alcool ou bien la bête à deux bosses … énumère-t-il tout en commençant à sortir de la chambre.

Pour ma part, je suis choquée par ses réflexions comme si les boissons seraient une solution à mes soucis de santé, puis le sexe encore pire. Je suis vierge, je n’ai jamais connu d’homme capable de me faire ressentir la moindre émotion. Alors, passer à l'étape supérieure est pour l’instant inimaginable. Nous déambulons dans les couloirs, j’essaie de me souvenir du chemin parcouru tout en l’écoutant parler.

— Mon contrat avec l’armée s’est terminé à cause d’une blessure. Je souhaitais devenir médecin dans les forces spéciales, mais une attaque au Moyen-Orient a eu presque raison de ma vocation, cependant le gouvernement m’a payé mes études.

Surprise qu’il aborde avec moi sa vie de manière si ouverte, je me demande si ce discours n’est pas là dans le but de me rassurer. Je sens aussi Joe s'exprimer avec de la nostalgie dans la voix. Puis un sourire naît sur ses lèvres quand il continue sa narration.

— Un soir de beuverie, je suis entré dans ce bar, le Angel’s, pour fêter mon diplôme de médecine. J’ai bu plusieurs autres verres avec un inconnu, il m’a proposé cette place dans leur monde, en mille neuf cent quatre-vingt-dix, c’était le Prez des Angel’s. Quelques années plus tard, lors d’une soirée au club, que j’ai rencontré ma régulière Christy, il y a six ans maintenant, déclare Joe en m’offrant de nombreuses confidences.

Je ne comprends pas tous les termes utilisés dans son histoire, mais j’essaie d’emmagasiner le plus d’informations possible sur ce groupe d’hommes, dans le but de ne pas être perdu lors de nos futurs échanges.

— Grâce à elle, je suis devenu un homme meilleur, conclut-il.

Les renseignements qu’il me transmet me permettent d’acquérir un peu plus de connaissances sur leur mode de vie. De plus, quand il parle de sa compagne, je rêve qu’un homme puisse un jour parler de moi avec le même éclat dans le regard.

— Je vais demander à nos régulières si l’une d’entre elles fait la même taille que toi, mais avant je vais te montrer où prendre une douche.

Sa dernière phrase me perturbe… Compte-t-il rester dans la salle de bains ? Me regarder me laver ? Quel est vraiment le fond de sa pensée ?

— Je te rassure, je ne viendrai pas avec toi, rit-il à gorge déployée.

— Merci, Joe, déclaré-je d’une voix basse.

— De rien, gamine.

Me voilà donc rassurée sur ce point, je serai seule dans cette pièce. Je suis pudique, malgré le fait que depuis ma plus tendre enfance, je suis scrutée par tout le monde. J’ai déjà peu confiance en moi, alors face aux autres, c'est encore pire. Donc, je me sens reconnaissante vis-à-vis d’eux, car ils me cèdent un minimum d’intimité.

Nos pas nous guident dans une autre chambre quelques portes plus loin. Le trajet n’a duré que deux minutes tout au plus. Joe m’ouvre le passage, quand je passe le seuil, je me rends compte qu’elle n’a rien à voir avec celle où je loge actuellement. Ici se trouve un lit double avec des draps de meilleure qualité. Du coin de l’œil, j’aperçois même une porte ouverte donnant sur une salle de douche. Il se dirige vers le fond de l’alcôve avant de déclarer avec un petit rire.

— Laisse-moi vérifier l’état de la salle d’eau. Je ne voudrais pas que tu tombes sur des éléments indésirables, m’informe-t-il.

Je ne comprends pas de quels éléments il parle, mais je crois que je lui fais assez confiance pour juger si c’est acceptable ou non. Joe sort rapidement en me donnant son feu vert. Je le remercie du bout des lèvres avant de m’avancer dans la salle de bains. Sans perdre une seule minute, je ferme la porte de la pièce, j’allume l’eau. Puis je retire mon t-shirt, s’ensuit le jogging qu’ils m’ont enfilé et mes sous-vêtements. Je me glisse sous les jets, savoure la sensation du liquide transparent qui déferle sur mon corps. Cela m’aide à détendre mes muscles froissés par l’accident. J’essaie de me vider la tête.