Fyctia

Debout, sous la douche, j’enlève les nombreuses traces de suie et l’odeur de la fumée qui se sont incrustées dans ma peau. Ce milieu de soirée a été un véritable enfer. Je n’aurais jamais imaginé sauver un tel nombre de vies en si peu de temps. Il faut savoir qu’habituellement, nous déjouons la mort avec des armes à feu et du sang. Là, c'était une autre dimension, les hurlements des étudiants sont gravés dans ma mémoire. Et je ne suis pas le seul marqué par cette expérience hors norme, Will est dans le même état que moi. Après ce long sauvetage, nous venons tout juste de rentrer. Nous ne nous sommes pas arrêtés une seule seconde, il était primordial de retrouver Rose, cela m’a semblé durer d'interminables minutes. Pendant un instant, j'ai cru que nous étions arrivés trop tard. Puis soudain, j'ai aperçu sa frêle carrure, allongée en bas de l’escalier, au niveau du quatrième étage. J’ai senti mon sang quitter mon visage De nombreux étudiants passaient à ses côtés sans s'arrêter, leur vie était plus importante que celle d’une inconnue. Je me suis précipité à ses côtés, quand j’ai remarqué son torse se soulever doucement. Je me suis senti léger. À ce moment-là, un soupir de soulagement est sorti de moi. Sans hésiter une seule seconde, je l’ai prise dans mes bras et avons dévalé les escaliers comme si le diable était à nos trousses.

Maintenant qu’elle est en sécurité dans une chambre au rez-de-chaussée. Je me permets de laisser la fatigue me rattraper, même si ce n'est pas encore fini pour moi ce soir. Je sais que Joe s’est précipité à son chevet dès notre arrivée dans le club. Je ne pense pas qu’elle soit réellement blessée, mais quand nous l’avons quand même trouvée inconsciente dans un immeuble aux proies des flammes. Et j’avoue que j’ai eu peur. Très peur, ce qui est rare pour un homme comme moi, qui jouons souvent avec la limite de nos frêles vies.

Mes mains attrapent le gel douche, je mets une généreuse quantité dans ma paume et me frotte aussi fort que possible afin de supprimer tous les stigmates de cette nuitée. Lorsque je suis lavé, j’agrippe une serviette, me sèche brièvement avant de prendre un jean propre, que j’enfile sans ajouter de sous-vêtement. Je tire un t-shirt blanc, que je mets sur ma peau encore humide. Je jette un coup d'œil à mon reflet, j’ai une légère coupure sur l’arcade sourcilière, mais rien de méchant, je me suis pris un angle de mur en montant à la recherche de Rose. Je suis prêt, il est temps de rejoindre mon père dans son bureau. C’est le moment de faire le point de la situation à chaud. Mes pieds me guident au travers des couloirs jusqu’au rez-de-chaussée où se trouve son espace de commandement comme il s’amuse à le nommer. Je ne prends pas le temps de frapper à sa porte, entre comme si j’étais chez moi. J'aime cet endroit, mon paternel en a fait un lieu unique, un mélange d'ancien avec du récent, les murs sont d'une couleur beige, les cadres accrochés au mur représentent une grande partie de notre famille atypique des Angel's. Des photos de ma sœur et moi se trouvent sur son bureau, ainsi que la seule et unique image de notre mère. Les meubles sont en bois imposants afin de montrer qu'il est le chef de ce MC, j'ai de vagues souvenirs que dans les autres clubs, les offices des Prez sont à peu près pareil. C'est une marque de fabrique en soi.

Je suis sortie de ma contemplation par le raclement de gorge de mon père, mes yeux se posent sur Mike l’agent de sécurité de Rose.

— Ange, comment vas-tu ? me questionne mon paternel en m’observant de haut en bas.

— Bien merci !

— Je voulais vous remercier d’avoir risqué votre vie pour Mademoiselle O’Murray, commence Mike d’une voix grave.

— Je n’ai pas sauvé qu’elle, il était nécessaire de mettre en sécurité le plus de personnes possible, annoncé-je sans conviction.

Ses yeux s'ancrent dans les miens et il continue de me parler sans se démonter.

— Je sais très bien, que si vous êtes entrée dans ce bâtiment, c’était pour elle en premier. Et je vous en suis reconnaissant.

Je n’ajoute rien à sa remarque, car il est vrai qu’en temps normal, nous n’aurions jamais pénétré dans cet immeuble, surtout si nous n’avions personne de notre connaissance proche dedans. Je ne serais jamais allé chercher des étudiants piégés dans cette fournaise, mais hier soir, nous avons fait une exception à notre règle de vie. Rose est maintenant une membre honorifique du Club, comme n’importe quelle autre fille, mais elle n’aura pas le statut privilégié de Brebis, elle est l’amie de Kristen, donc intouchable pour nous. Mon père me coupe dans mes pensées.

— J’attends le rapport des pompiers, mais apparemment, c'est sûrement un accident domestique qui a mis le feu à l’appartement du troisième étage.

— Et si ce n’est pas le cas ? l’interrogé-je.

— Il faudra fouiller dans ce bordel alors, continue-t-il gravement.

Mike nous coupe dans notre conversation avec une question importante.

— Vous savez combien il y a de victimes ?

— Une vingtaine de morts et plus d’une cinquantaine de blessés. Le pire a été évité de justesse, ajoute le Prez en soupirant de soulagement. Une enquête de police va être ouverte, mais je veux aussi que mes hommes cherchent des éléments sur cette thèse d’accident. Si ce n’est pas le cas, les répercussions seront terribles, continue-t-il en me regardant dans les yeux.

J'acquiesce sans rien dire. Il a raison de se méfier des apparences, nous avons toujours vécu avec des ennemis redoutables, les coups bas sont réguliers entre nous, toutes les actions sont permises. Alors dans un souci de travail consciencieux, il est nécessaire d'enquêter nous-même. Si c'est un accident, nous en resterons là, mais si nous apprenons par nos recherches et nos indices qu'il s'agit d'un règlement de compte … La vengeance sera terrible, et les conséquences nombreuses.

Je ne prends pas le temps de saluer les deux hommes et sors du bureau, ce n’est pas le moment de perdre mon temps ici. Le principal maintenant, c'est de comprendre ce qu’il s’est passé hier soir, mais avant cela, il me faut un café corsé.