Fyctia
Macabre découverte
« Comment peut-on confier notre sécurité et notre protection à des hommes tel que Monsieur Krétos qui confondent interview et partie de jambe en l’air ? »
— Wahou, tu y es allée un peu fort non ? demande Sylvia en avalant son jus d’orange.
— Tout ce qui est écrit est vrai. Je n’ai pas eu à chercher bien loin pour trouver des filles prêtes à raconter la manière déplorable dont il les a traitées.
Le regard de Sylvia se fait rêveur et je la vois récupérer discrètement son portable.
— Je ne comprends pas pourquoi l’application ne m’a jamais suggéré son profil, se désole-t-elle.
Je fais mine d’être absorbée par le contenu de mon bol de céréale et j’essaie d’imaginer la tête de Kretinos en découvrant mon article. Il ne peut pas m’attaquer en diffamation, puisque j’ai les captures écrans des SMS qu’il échange avec ses conquêtes et le témoignage de Még la nymphette. Pour le reste ? J’ai demandé à Méline. Studieuse comme elle est, elle avait fait des recherches sur le soldat qui sème la mort et brise les cœurs. En me plongeant dans ses exploits militaires, je dois reconnaître que c’est un brillant élément, sa gestion quasi parfaite de l’affaire du Nécromancien pourrait bien lui valoir une médaille. Néanmoins, son orgueil démesuré et sa manière d’agir ont joué contre lui. Au lieu d’avoir un article élogieux, le décrivant comme un héros, il a eu droit à un portrait de Sérial Baiseur qui de temps à autre pense avec autre chose que son sexe. Je n’ai pas sous-entendu que sa victoire contre le fan de Zombie était un hasard mais je l’ai fait passer pour quelque chose de banal au vu de son lien de filiation avec Arès. J’ai axé mon article sur sa manière déplorable de traiter les femmes et sur son dédain à mon égard.
— C’est ce soir que tu vois Polinus ?
Je relève la tête et acquiesce. Je n’ai pas eu de nouvelle de mon ami mais je compte bien me rendre chez lui pour savoir de quoi il retourne. Sylvia se sauve à son travail, tandis que je scrute de manière compulsive les réactions en ligne sur mon article. Comme prévu, de nombreuses femmes commentent, la plupart ont déjà eu des relations avec des Arèsiens et apportent de l’eau à mon moulin. Quelques hommes tentent de prendre la défense du soldat, arguant qu’ils sont tellement sous pression au front, qu’ils risquent leur vie dans des batailles qui ne sont pas les leurs que quand ils retrouvent le monde normal ils ne savent plus vraiment se comporter de manière civilisée. D’autres Arèsiens, sont plus virulent et m’accuse d’être une mal-baisée, coincée. Bref, mon portrait suscite tellement de réactions, positives et négatives que mon patron m’appelle pour me féliciter. Un prestigieux journal TV l’a invité pour qu’il prenne la parole concernant le pouvoir de la presse et son rôle dans le combat pour l’égalité homme/ femme. Bref, un homme va en interviewer un autre pour parler des difficultés rencontrées par les femmes… logique.
Je passe la journée à répondre aux messages que je reçois mais la tête n’y est pas. Je pense sans cesse à ce soir, à Albert. J’ai eu beau lui envoyer des SMS pour être sûre que tout allait bien, il ne répond pas. Le soir venu, j’enfile une tenue confortable, récupère mon bloc note et prends un taxi. Le trajet est long, Polinus habite en dehors de la ville, sur les collines surplombants le centre. Le chauffeur s’arrête devant une imposante maison et je lui règle la course. Je le regarde s’éloigner dans la nuit avant qu’une brise ne me fasse frissonner. J’appuie sur la sonnette, attends quelques minutes avant d’appuyer de nouveau. Seule devant la porte, j’en viens à me demander si je ne me suis pas trompée de jour. Je m’apprête à faire demi-tour et à rappeler le taxi lorsqu’un grincement me fait sursauter. Je pose ma main sur la poignée de la porte et m’aperçois qu’elle n’est pas fermée, le vent a dû la pousser légèrement. Je prends une inspiration et pénètre dans la demeure, une épaisse moquette étouffe le bruit de mes pas.
— Albert ? C’est moi, Sophia ! Vous êtes là ?
Le silence me répond. Je tâtonne à la recherche d’un interrupteur mais le courant semble coupé. La porte ouverte, pas de lumière, tout cela ne me dit rien qui vaille. J’active la lampe torche de mon téléphone et compose le numéro de la police.
— Police secours, je vous écoute, énonce une voix féminine.
— Bonsoir, je pense que la maison d’Albert Polinus est en train d’être cambriolée. La porte a été forcée et le courant semble coupé.
— Pouvez-vous décliner votre identité s’il vous plaît.
— Sophia Tatiki.
—…
— Allo ? Vous êtes toujours là ?
—Tatiki ? Comme la journaliste ?
— Oui, pourquoi.
— Pour rien.
J’entends un bruit à l’étage, je m’inquiète pour mon ami et me précipite vers l’escalier que je distingue juste en face :
— Envoyez une patrouille, il se passe quelque chose.
— Sinon quoi ? Vous écrirez un article sur l’incapacité d’une Arésienne à réagir face à une urgence ?
Je raccroche rageusement et grimpe les marche en essayant de faire beaucoup de bruit pour faire fuir un éventuel cambrioleur et je hurle :
— LA POLICE EST EN ROUTE !
Guidée par la lueur de mon portable, j’arrive à l’étage d’où me parviennent des sons étouffés. Polinus. A tous les coups, il est ligoté. Vu le bruit que j’ai fait, et n’ayant croisé personne cherchant à fuir, j’en déduis que je suis seule, les bruits devaient provenir de mon ami cherchant à se libérer. Je me dirige vers ce qui ressemble à une bibliothèque. Je balaie rapidement les rayonnages remplis de livres qui couvrent les murs tout en me demandant comment il est possible d’avoir lu tout ça en une seule vie. Une délicieuse odeur d’Ambroisie flotte dans la pièce et vient me chatouiller les narines alors que je ne remarque aucun verre, ni bouteille. Se pourrait-il qu’Albert soit rentré tout simplement éméché et qu’il ait oublié de fermer la porte ? Je chasse rapidement cette idée de ma tête, Polinus ne me semble pas être ce genre d’homme. Pourtant tu ne le connais pas si bien que ça, murmure ma conscience. Toujours à l’aide de la torche de mon téléphone, j’éclaire la table qui devait servir de bureau à mon ami. Elle est sens dessus dessous, je baisse ma lumière vers le sol, un ordinateur portable en deux morceaux, des papiers éparpillés et, dissimulé derrière la table, une masse sombre allongée sur le sol. J’avance prudemment, l’odeur d’Ambroisie se fait de plus en plus forte et sucrée. Je commence même à me sentir légèrement euphorique, aucun doute à avoir, il s’agit de la boisson à l’état pure. Lorsque je suis à proximité, mon pied écrase un morceau de porcelaine. En y regardant de plus près il s’agit d’argile, les débris d’une amphore gisent sur le sol à proximité du crâne défoncé de Polinus, le sang s’écoulant de sa plaie se mêlent à la boisson divine.
13 commentaires
Livia Tournois
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Il y a 5 ans
hannahloyanna
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Il y a 5 ans
Elo François
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Il y a 5 ans
Sam Laurent
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Cirkannah
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Camille Jobert
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Il y a 5 ans
Estelle06000
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Il y a 5 ans