SOLANE Amour, Violettes & Quiproquos… Chapitre 6 : CORALIE

Chapitre 6 : CORALIE


CHAPITRE 6 : « La Violette enchantée »





CORALIE



Lundi, le 16 février




11 heures :



Voilà, à présent, Margot et Mehdi se trouvent quelque part dans le ciel, dans l’un de ces minuscules points volants qui me faisaient tant rêver quand j’étais môme : un bel avion déployant ses ailes en direction des Seychelles. Comme ils doivent être joyeux ! Les imaginer se délecter des décors féériques de ces îles tout en profitant pleinement de leur amour me met en joie, malgré mon état… J’ai eu beau avoir récupéré au mieux, hier, je suis encore épuisée par cette nuit folle, à danser et à boire, mais bon, c’était le mariage de « Ma Go » samedi, un jour unique, une Saint-Valentin du tonnerre !


Après une bonne douche bien chaude, j’entreprends de discipliner ma chevelure et aujourd’hui, je serai impitoyable. Me souvenant de mon chignon qui, d’après la coiffeuse, était supposé tenir « au moins deux jours et deux nuits sans bouger, quoi que vous fassiez ! » et qui a fini à demi-écroulé dès le début de la soirée du mariage, je branche le fer à lisser. Pendant qu’il chauffe, j’en profite pour m’examiner dans le miroir : j’en étais sûre, mon teint est brouillé par les mets gras avalés, en plus de l’alcool et des cigarettes à la menthe fumées en douce sur la terrasse où un vent glacé balayait mon visage… En plus de ça, les premières rides assorties d’immenses cernes commencent à se voir de plus en plus.


En fourrageant dans le meuble de la salle de bain à la recherche d’une crème hydratante et d’un anti-cernes, je pense avec horreur que ma mère a raison, au fond : l’heure tourne et le temps passe, inexorablement. Je ne peux pas m’empêcher de me demander, une fois de plus, ce qu’il se serait passé si tout s’était déroulé sans drame, il y a six ans : est-ce que je serais à l’heure actuelle mariée et mère d’un enfant ? Ou même pourquoi pas, à la tête d’une petite tribu plus nombreuse ? Ou est-ce que je serais une femme divorcée acariâtre, ou bien alors une divorcée joyeuse, avec ou sans petites mains s’agrippant à ma jupe trop longue et déjà un peu usée ? Un texto me tire de ma rêverie : c’est ma mère, qui me rappelle que « les savonnettes à la violette sont bien arrivées » et : « il faut que tu t’en occupes ».



Maman m’agace souvent, en même temps, elle se montre d’une aide précieuse, surtout quand il s’agit de la gestion de la boutique. C’est son domaine, elle a géré une bijouterie durant toute sa vie, alors elle sait faire. Un autre texto arrive : « Et puis change la vitrine ! » Elle a raison : les énormes roses qui la décorent ne sont déjà plus d’actualité, et hop, la Saint-Valentin est passée en un rien de temps, un coup de vent et on prépare déjà le printemps ! La boutique n’est ouverte à la clientèle que demain, alors je profite en général du lundi pour tout mettre en place, et aujourd’hui, j’ai pas mal de boulot.





15 heures :



Je commence à être satisfaite de moi : la vitrine de « La Violette enchantée » resplendit, j’ai remisé les grosses roses rouges dans la réserve, et ressorti les belles boîtes de bonbons parfumés à la violette, ainsi que les savonnettes et les flacons d’eau de toilette. J’ai ajouté d’anciennes cartes postales au doux carton vieilli, représentant le Toulouse d’autrefois. Les touristes aiment ça et les clients réguliers aussi. Ma boutique embaume la violette déclinée sous toutes ses formes, c’est le concept. Et ça fonctionne, malgré mes doutes, il y a quelques années, quand j’ai quitté un job administratif aussi gris qu’inodore et soporifique. Ici, je suis chez moi : c’est mon royaume, le lieu sur lequel je règne telle une petite fille qui jouerait à la marchande dans une salle de jeux aménagée tout exprès.


— Qu’est-ce que c’est laid ! marmonne ma mère, en regardant au-delà de la vitrine, les locaux situés sur le trottoir d’en face.


— C’est normal, maman, c’est en travaux, je lui réponds.


— Je me demande bien ce qu’ils vont mettre à la place de l’ancienne boutique…


J’avoue me poser la question également, non sans une bonne pointe d’anxiété. Il y a quelques mois encore, c’était un joli magasin situé juste en face du mien, et qui vendait des mignonnes petites peluches et toutes sortes de jeux en bois fabriqués de façon artisanale. Et puis, madame Mathilde a pris sa retraite, parce que même si on aime son métier, rester des années durant debout sur ses deux jambes à servir les clients, ça finit par user… sans compter qu’elle avait dépassé l’âge depuis un bon moment. Alors, on s’est dit au revoir autour d’un bon magret de canard agrémenté d’un petit vin blanc sec, et on s’est promis de rester en contact en sachant pertinemment qu’à moins de circonstances exceptionnelles, on ne le ferait pas. Parce que la vie passe ainsi, si vite qu’on n’a pas vraiment le temps de se retourner… tout juste celui de regarder droit devant soi pour avancer, quoi qu’il en coûte, placer un pied devant l’autre et ne surtout pas tomber. Quoique mes pieds, aujourd’hui, soient encore en piteux état… je me demande bien pour quelle raison stupide j’ai choisi cette paire d’escarpins noirs et rouges aux talons vertigineux. J’ai cru tomber plus d’une dizaine de fois, durant le mariage de Margot ! Mais qu’est-ce que je m’imaginais : qu’il fallait que je sois apprêtée comme si j’allais rencontrer « l’homme de ma vie » ? À part ce type beau à tomber mais qui a détalé comme un lapin, ils étaient tous ou trop vieux, ou trop jeunes, ou trop laids, ou trop mariés…


— Pourvu qu’ils n’installent pas un de ces magasins avec du matériel médical… ça ferait fuir la clientèle ! poursuit ma mère, en ouvrant la bouteille thermos contenant un bon chocolat chaud.


— Pourquoi veux-tu qu’il s’installe ce genre de boutique ici ?


— On ne jamais, on ne sait jamais…


Je préfère changer de sujet, pour que ma mère sorte un peu de son idée fixe qui vire à l’obsession. Je lui demande ce qu’elle pense d’une animation cet été, en pleine saison touristique, histoire de mettre la ville en valeur. Elle a l’air emballée :


— Oui, bien sûr… des contes sur l’histoire de la violette à Toulouse, c’est bien, ça plaira aux touristes !


Ma mère a gardé une âme de vraie commerçante, une de celles qui aime sincèrement les inconnus qui entrent dans une boutique, curieux d’y découvrir ce qu’on y vend, et aussi la ville et la région… Je pense que j’ai de la chance, en remuant doucement, dans mes bottes confortables, mes doigts de pied encore endoloris.


Je savoure mon chocolat chaud en papotant avec maman, entends le bip assourdi de mon portable resté au fond de mon sac, y jette un coup d’œil, aperçois le début d’un message étrange, à l’expéditeur inconnu : « Bonjour, je me permets de vous contacter au sujet d’… » C’est sûrement encore un de ces démarchages par texto que je déteste, ils encombrent inutilement ma messagerie. Je m’apprête à l’effacer quand un visage et des mains me font signe, derrière la vitrine…


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43

43 commentaires

MarineGautierAuteur

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Il y a 2 ans

Je visualise tellement le genre de boutique dont tu parles ! On se sent à Toulouse ! Hâte de lire la suite.

iris monroe

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Il y a 2 ans

Dans ce chapitre on en apprend plus sur la vie de coralie. Elle est très proche de sa mère et semble passionnée par son commerce dans la ville rose. Tu me fais voyager un peu dans cette ville. J imagine coralie refaire la vitrine,boire son chocolat chaud en compagnie de sa mère.

SOLANE

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Il y a 2 ans

Oh, grand merci !! C'était tout à fait l'effet recherché ! 😊🌺💜💜💜

Cécile G

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Il y a 2 ans

Un chapitre plus calme, empreint d'une certaine nostalgie. J'aime beaucoup la façon dont est décrite la boutique, l'univers sur lequel règne Coralie, on sent qu'elle aime son "royaume" et sa ville

SOLANE

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Il y a 2 ans

Merci, oui, cela permet de bien "planter le décor" (et il aura une grande importance, dans cette comédie !) 😉😊🌺💜

MélineDarsck

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Il y a 2 ans

C'est très agréable de la découvrir dans son monde, dans son quotidien et même si sa mère l'agace par moment, on comprend leur attachement réciproque. C'est beau.

SOLANE

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Il y a 2 ans

Tout à fait ! Et puis, on verra que sa mère ne l'embête que quand elle a un peu bu (donc, pas si souvent que ça, en fait... )💜😉😊

Acrobis

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Il y a 2 ans

Je me permets une question (comme je n'écris pas, je ne connais aucune règle d'écriture !! 😏). Pourquoi gardes tu des heures "spécifiques" pour scinder les chapitres? J'ai aimé celui-ci qui nous permet de voir autre chose de cette chère Kwoili 😊 Elle semble posée et épanouie professionnellement parlant, ça compte ! La fin nous appelle immédiatement à lire la suite pour assouvir notre curiosité 😋

SOLANE

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Il y a 2 ans

Oui, alors : je comprends ta question, et ma façon de procéder n'est pas si courante que cela. Effectivement, j'emploie ce procédé comme un marqueur temporel, qui donne du rythme et permet au lecteur de se repérer facilement (rien de pire, je trouve, que de ne plus savoir à quel moment se passe telle ou telle partie de l'histoire...). 😉😊

Coeur fondant

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Il y a 2 ans

La description de la boutique fait l'effet d'un bonbon : c'est tout doux ! on en ressent l'ambiance et le côté suranné dans le bon sens du terme. tout me va encore dans ce chapitre :-)
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