Aurore_K Amour, ossements et boules de neige Chapitre 10

Chapitre 10

Alexandre


Swan se remit au travail, grattant délicatement la terre autour des orteils du second squelette. Je demandai à Flore de récupérer les morceaux de tricot qu’elle trouva en dessous. Elle les ajouta à notre collection de prélèvements.

Nous passâmes l’après-midi à exhumer le second squelette et nous terminâmes à la lumière des phares de la voiture. Avant de partir, nous fîmes place nette, chargeant toutes les caisses en plastique dans le coffre, récupérant les piquets et la rubalise. Nous ne laissâmes derrière nous que de la terre retournée.

Je gardai les ossements avec moi. Tenir fermement les caisses m’empêchait de grelotter. J’avais froid, mais ce n’était pas la seule raison à mes tremblements. Je se sentais nerveux. Dans dix minutes, j’allais me retrouver seul avec Swan et je ne savais plus quelle attitude adopter. J’avais essayé de me montrer un peu plus gentil après être parti du mauvais pied ce matin, mais c’était au tour de Swan de me repousser. J’avais hâte que cette mission se termine. Retour à Bordeaux, retour au labo, loin, très loin de Swan Arduin.

Flore me tira de ses pensées. Je réalisai que nous étions presque arrivés.

— Vous repartez demain avec tout ce que nous avons trouvé ? m’interrogea-t-elle.

— Oui, nous allons tout mettre dans ma voiture et je déposerai tout au labo à mon retour.

Dans la cour du manoir, elle se gara à côté de mon véhicule et nous y transférâmes toutes les caisses contenant les prélèvements, les ossements et le matériel. Je ne gardai que mon ordinateur et les fiches stratigraphiques et topographiques que nous avions remplies. Je remerciai Flore pour son aide précieuse.

— Je vous promets de vous donner des nouvelles au plus vite.

— Faites attention sur la route, me recommanda-t-elle.

— Tu restes boire un coup pour fêter la fin de ces fouilles express ? lui demanda Swan.

— Non, j’ai des devoirs à surveiller à la maison. Franz va rentrer tard et je ne veux pas laisser les garçons trop longtemps seuls à la maison. On fêtera les résultats.

Elle embrassa son beau-frère, me serra la main et remonta en voiture.


Swan et moi la regardâmes manœuvrer pour quitter la propriété puis nous courûmes nous mettre au chaud.

— Purée, j’ai l’impression que mon corps dégage du froid au lieu de la chaleur ! s’exclama Swan en se débarrassant de son manteau et de ses bottes. Tu veux un café pour te réchauffer ?

— Avec plaisir.

Je le suivis dans la cuisine. Rapidement, deux tasses furent remplies. Je m’accrochai à la mienne comme si ma vie en dépendait. Contrairement à la veille, je restai dans la pièce. Je percevais un malaise, Swan évitait de regarder dans ma direction et j’en faisais autant. Quand nos regards se croisaient, nous les détournions aussitôt. Je me dépêchai de boire mon café et me brûlai la langue. Swan aussi. Nous échangeâmes une grimace, puis un sourire, complices dans notre bêtise. Swan craqua le premier, trouvant un moyen de s’esquiver :

— Je vais allumer le feu dans la cheminée.

— Si ça ne te dérange pas, je vais aller prendre une douche. J’en ai pour cinq minutes.

J’abandonnai ma tasse à demi pleine. Swan gagna le salon et moi, ma chambre. J’attrapai mes affaires de toilettes et de quoi me changer, et filai dans la salle de bains. À vrai dire, je n’étais pas sûr de vouloir en sortir. Je pouvais y rester jusqu’à ce que Swan aille se coucher. Je l’entendrais passer devant la porte et serais libre de vagabonder dans la maison. Parce que je ne tiendrais pas sans manger. Mon estomac était plus faible que ma volonté.

La douche eut le mérite de m’aider à me réchauffer. J’essayai de me coiffer et m’étalai de la crème hydratante sur le visage. Je ne pouvais rien contre les cheveux gris, mais contre les rides, si. Je rassemblai ensuite mon courage et retournai dans sa chambre. J’avais enfilé un pantalon de jogging molletonné gris en guise de pyjama, un T-shirt et un gros gilet en laine. J’étais loin, très loin d’être sexy. Ce serait peut-être suffisant pour qu’il ne se passe rien.

Ce serait aussi très facile à enlever.

Je ne savais plus ce que je voulais. Est-ce que céder me débarrasserait de mes vieux fantasmes ? Je pouvais aussi très bien me heurter à un refus, et ainsi la situation serait très claire. Il valait sans doute mieux rester sage, garder mes distances et repartir demain matin pour ne jamais revenir. Je n’aurais qu’à sortir vendredi en boîte, draguer le premier mec qui me plairait et oublier Swan dans une étreinte aussi jouissive qu’éphémère. Ça avait toujours bien marché.

Je rassemblai mes affaires, préparai mes vêtements pour le lendemain et m’assurai de ne rien avoir laissé tomber sous le lit. Je mis mon portable à recharger et le récupérai l’instant suivant. Ce que Flore avait dit du mauvais temps m’inquiétait. Je consultai le site de météo France qui me confirma un risque de chute de neige ou, selon les endroits, de pluie verglaçante.

— Et merde ! grommelai-je.

Je devrais peut-être différer mon départ de quelques heures, afin que les routes soient praticables. Je ne prendrais pas le risque d’avoir un accident. Rien qu’à y penser, ma nuque me fit mal. Une voiture m’était rentrée dedans avant l’été et mes cervicales s’en souvenaient encore. Minerve, arrêt, migraines… Je n’étais pas prêt à remettre ça.

Le parquet du couloir grinça. Je retins ma respiration. J’entendis Swan refermer la porte de sa chambre. J’expirai.

— Allez Alex, sois un adulte raisonnable qui ne flippe pas de passer quelques heures avec son béguin de jeunesse. Adulte. Responsable.

Je soufflai.

— Tu vas ouvrir cette porte et descendre comme si de rien n’était. En bas t’attendent un bon feu de cheminée et un café à moitié froid. Et arrête de te parler à voix haute, tu vas passer pour un dingue.

Ça faisait décidément trop longtemps que j’étais célibataire.

Je tournai la poignée et fis un pas dans le couloir. Et tombai nez à nez avec Swan. Je ne l’avais pas entendu se déplacer.

— Ouh, sexy ! se moqua ce dernier en désignant sa tenue.

— Je ne savais pas que je devais te plaire, rétorquai-je par réflexe.

— Oh, c’est bon, arrête de te braquer dès que je te dis quelque chose. Détends-toi !

— Je suis détendu.

— On ne dirait pas. En fait, on dirait que tu as tout le temps un manche à balai dans le cul. Depuis vingt ans, ça doit faire mal.

— Va te faire foutre, aboyai-je, vexé.

— Pas par toi, en tout cas.

Swan me dépassa et disparut dans l’escalier.

— Connard, marmonnai-je, debout au milieu du couloir.

Mais pour qui se prenait cet imbécile ? Un balais dans le cul, vraiment ? Il ne me connaissait pas, comment pouvait-il se permettre de me juger ? Grrr, ce qu’il pouvait m’énerver ! Qu’avais-je bien pu lui trouver à l’époque ? Si le désir tenait à l’alchimie des phéromones, les miennes avaient perdu la tête.

— Si tu n’es pas trop coincé, tu veux bien t’occuper du feu pendant que je prépare le dîner ? lança Swan depuis le bas de l’escalier.

— Tu traites tous tes hôtes comme ça ? Je te préviens, tu vas faire faillite.

— Seulement les pénibles !


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7 commentaires

Nora Rosen

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Il y a 19 jours

Je suis perplexe, mais eux aussi, ils n'ont pas l'air de savoir comment se comporter... En lisant les romans de ce Noël, je me dis que souvent que 25 ans, c'est le nouveau 15, mais finalement... 39 aussi 😂

Aurore_K

-

Il y a 19 jours

Non, l'équilibre est précaire entre eux, le moindre truc les hérisse. J'avais discuté avec quelqu'un qui avait 20 ans de plus que moi qui me disait que sur le plan sentimental, malgré les années, on ne réagissait pas toujours avec la maturité de son âge. A 40 piges, ils peuvent encore réagir comme des ados.
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