Fyctia

Note de l'autrice : Avant de reprendre les aventures de Jenna et des autres, je vous souhaite à tous une excellente année 2025, qu'elle vous apporte de la joie et que vos rêves se réalisent.

Après avoir jeté un petit coup d’œil en arrière afin de s’assurer que Phil et Yann sont restés à leurs places, Jenna glisse :

— Il faut que je te parle d’un truc.

— Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiète Gwen.

— Tu devrais te méfier de Phil, la prévient Jenna. Quand il est venu chez moi après votre déménagement, il m’a parlé d’Erwan.

— Merde ! Qu’est-ce qu’il a dit ?

— Qu’il avait l’impression qu’il se passait quelque chose entre vous et il m’a demandé si tu t’étais confiée à moi.

— Et tu as dit quoi ?

— Que tu n’avais jamais parlé d’Erwan autrement que comme d’un pote, la rassure Jenna.

— Ouf… merci !

— Par contre, il voulait glisser un mot à Yannick à ce sujet, lui conseiller de se méfier. Je pense que j’ai réussi à le faire changer d’avis mais je n’en suis pas sûre à cent pour cent. Donc, à ta place, je ferais gaffe.

— Putain mais de quoi il se mêle ! s’énerve Gwen.

— J’ai fait tout ce que je pouvais pour le décourager d’aller dans cette voie, mais comme tu l’as sans doute remarqué, je n’ai pas beaucoup d’impact sur lui, ironise Jenna.

— Je sais bien. C’est déjà sympa d’avoir essayé et de m’avoir prévenue.

— De rien, on serre les coudes entre nous, assure Jenna.

— Sinon, Pascal était super mal la semaine dernière, affirme Gwen. Je sais que Diana est ta copine mais pour moi, elle s’est comportée comme une pétasse égocentrique en lui posant son ultimatum. Il sera mieux sans elle.

— Tu sais, ça n’a pas non plus été facile pour Diana… Elle tenait vraiment à lui.

— Mouais, elle voulait surtout pouvoir dire qu’elle avait un copain si tu veux mon avis.

Jenna secoue la tête :

— C’est dingue que tu la détestes à ce point-là ! Il s’est passé un truc entre vous que j’ignore ?

— Non, c’est juste que je n’aime pas ce genre de filles. Quel que soit le sujet de la conversation, Diana la ramène systématiquement à elle. Elle a toujours une anecdote où la même chose lui est arrivée mais de manière plus… intense. Et à chaque fois qu’elle parle de personnes avec lesquelles elle s’est disputée, elle se présente invariablement comme la victime. Alors qu’excuse-moi, mais personnellement j’ai déjà eu des problèmes avec des gens parce que je me suis comportée comme une connasse.

Jenna pouffe à ce franc aveu et Gwen poursuit :

— Diana, elle se donne systématiquement le beau rôle, c’est ça qui m’a fait tiquer en premier. Et c’est visible qu’elle se sent en rivalité avec toi, il faut voir la tronche qu’elle fait quand tu parles avec Pascal. Après, je comprends que tu la considères comme une amie, mais moi, je ne suis pas dupe de ses minauderies.

— C’est sévère, commence Jenna.

La file d’attente se débloque enfin et c’est le tour de Jenna d’accéder aux toilettes. Après s’être longuement soulagée, elle retrouve Gwen à l’extérieur.

— Il vaut mieux qu’on évite de parler de Diana, reprend Gwen. Tu as ton opinion, j’ai la mienne. J’espère juste que tu ne finiras pas par tomber de haut et que c’est moi qui me trompe sur elle.

Jenna grimace un sourire et elles retournent toutes les deux sur l’esplanade des concerts où Yann et Phil profitent d’un énième concert.

— C’est trop de la balle ce groupe ! s’exclame Yann.

— Vous en avez mis un temps ! râle Phil. Vous avez raté tout le début.

Oui bah ce n’est pas une grosse perte, songe Jenna. Punaise, c’est insupportable, je n’aime vraiment pas du tout, je crois que ce groupe est encore pire que le précédent. Groupe « indé » tu parles ! Groupe de merde qui ne marchera pas serait plus juste.

Le seul groupe qui trouve grâce à ses oreilles est la tête d’affiche, qui se produit vers vingt-deux heures, As de trèfle.

— Mouais, je trouve qu’ils font un peu du Louise Attaque depuis quelques temps, professe Yannick. S’ils continuent sur cette lancée, ils finiront par faire de la merde commerciale comme eux.

Cette fois, Jenna s’agace :

— Et donc ? Quel mal il y a à vouloir percer ? Ce n’est pas le but de tous les groupes qu’on est venus voir ce soir ? Non, parce que personnellement, j’imagine mal un quelconque artiste refuser le succès pour continuer à se produire dans des festivals de merde perdus au fin fond de la cambrousse.

— Pfff mais qu’est-ce qu’elle est bête, peste Phil.

— Non, mais c’est parce qu’elle ne comprend pas le principe des groupes indés, professe Yannick. C’est normal, elle passe son temps à écouter la merde qui passe à la radio. Il faut avoir un peu de recul et de réflexion pour sortir des diktats de la masse populaire.

C’en est trop pour Jenna qui riposte avec fougue :

— « Elle » est présente et « elle » t’entend. Désolée, Yannick mais tout le monde ne kiffe pas le biniou ! Alors, ouais, je suis peut-être une pauvre fille de la « masse populaire » mais perso, j’aime Goldman, Hélène Ségara, U2, Dépêche Mode, les Floyds, les Doors et même, j’ose le dire… Louise Attaque ! Que tu ne les apprécies pas, c’est ton droit mais ce n’est pas une raison pour mépriser mes goûts. Et j’ajouterai que ce n’est pas parce qu’un artiste est plébiscité par beaucoup de gens qu’il fait forcément de la merde ! Il n’y a que les personnes pédantes et prétentieuses qui raisonnent comme ça.

Gwen baisse rapidement le visage pour dissimuler son sourire tandis que Yannick fixe Jenna, bouche ouverte. Celle-ci poursuit d’un ton ferme :

— Et que ça te plaise ou pas, c’est comme ça. Parce qu’« elle » a quand même le droit d’avoir une opinion et que même si elle est différente de la tienne, elle est tout autant respectable ! Du reste, si je suis ton raisonnement jusqu’au bout… tous les pauvres Philistins ignorants dans mon genre devraient se convertir aux groupes indés, qui deviendraient ainsi… des diktats de la masse populaire, ricane-t-elle.

— Les Philisquoi ? rebondit Phil.

— Rien à voir avec toi. C’est dans la Bible — que j’ai lue, contrairement à toi de toute évidence—, le renseigne Jenna. Ancien testament, je crois. Tu penses bien que je ne pouvais pas résister à un aussi gros bouquin ! Et accessoirement, je deviens pédante quand je m’énerve. Désolée si la référence était hors de ta portée, Yann. C’est juste que tu m’as gonflée avec tes jugements à l’emporte-pièce.

Le visage rouge brique, Yannick bafouille tandis que Gwen se tourne pour rire à son aise.

— Je… oui… c’est vrai qu’après tout, tous les goûts sont dans la nature…

— Voilà, sourit Jenna. On ne peut pas catégoriser… il y a des choses qui marchent alors qu’on se demande pourquoi et inversement. Le tout c’est d’être un peu ouvert d’esprit et d’oublier ses œillères. Sinon, on boit un coup ou on s’encule ?

— Je… paye la prochaine tournée… bredouille Yannick. Gwen, tu viens chercher les verres avec moi ?