Fyctia

De plus en plus énervée, Jenna se sert un autre verre.

— Moi aussi, réclame Pascal en tendant son verre. Ce qu’il y a, c’est que Diana prend mal que, toi et moi, on soit proches. Je pense qu’elle est un peu jalouse qu’on s’entende bien.

— Je t’avoue que je tombe des nues, coasse-t-elle.

— Raaa tout ça c’est des bêtises de gamine, s’amuse Pascal. Diana t’en veut parce qu’elle dit que tu tentes toujours de tirer la couverture à toi pour rester le centre d’intérêt des mecs. J’ai commis l’erreur de lui dire que je t’apprécie beaucoup et depuis elle se fait des films et fait tout pour te démolir. Après, c’est vrai que je t’aime bien mais ça s’arrête là.

— Ouais bah ça serait bien que tu le dises à ta copine, peste Jenna.

Si Pascal dit vrai, je commence à comprendre pourquoi Diana ne voulait surtout pas que je parle d’elle avec lui…

— Je lui ai dit, proteste Pascal. Mais elle te remet systématiquement sur le tapis. Elle n’arrête pas de faire des insinuations à ton sujet… comme quoi tu n’es pas aussi innocente et parfaite que tout le monde le croit. Elle m’a fait plusieurs allusions sur un truc dont perso je me doute depuis un moment, mais que je n’ai pas du tout envie de savoir.

Le cœur de Jenna loupe un battement et elle fixe Pascal.

— Phil et toi, vous êtes autant mes amis l’un que l’autre, précise-t-il. Je ne veux pas me retrouver le cul entre deux chaises donc j’élude dès qu’elle va sur ce terrain.

Putain, Marjo a raison, quel que soit celui qui dit la vérité, « worst idea ever » de les aider à se rabibocher.

Ben interrompt leur discussion privée avec sa gouaille habituelle et sa drague lourdingue auprès de Jenna, suscitant un ricanement de la part de Pascal. Jenna met de nombreuses minutes à se débarrasser de lui et rejoint Gwen qui s’enfile des shots de vodka. Il faut que je sache…

— Alors quoi de neuf ? lui demande-t-elle.

— Erwan m’a appelée ! Il va venir nous aider pour notre déménagement dans la maison qu’on a trouvée à louer avec Yann et… il est toujours célibataire ! Et nos dernières conversations étaient assez encourageantes.

Jenna vide mécaniquement son verre puis :

— C’est super ! Je suis contente pour toi ! Par contre… Gwen, j’ai une question à te poser et j’aimerais que tu me répondes sincèrement.

— Oh là, ça a l’air sérieux… s’amuse Gwen qui est bien bourrée.

— Est-ce que tu as répété à Yann ou à Pascal ce que je t’ai confié ? l’interroge Jenna d’un ton sec.

— Hein ?! Sûrement pas ! Pourquoi, tu as dit quelque chose au sujet d’Erwan à Phil ? s’inquiète-t-elle.

— Non. Je me demandais juste si tu avais lâché un truc, même par inadvertance. Tu sais comment je suis… un peu parano et puis ce sont des choses qui arrivent. On picole trop, on se laisse emporter et on lâche une parole malheureuse.

— Jen, rassure-moi tu n’as pas fait de boulette ?! s’angoisse Gwen.

— Non, je te promets.

— Sûr ? doute Gwen visiblement très anxieuse. Tu me le jures ?

Si Gwen joue la comédie, elle mérite un Oscar… punaise, je ne sais plus du tout qui je dois croire !

— Sur la tête de Kristian. Et toi ?

— Je te promets sur la tête d’Erwan que je n’ai jamais parlé de ta relation avec Kristian à qui que ce soit, déclare sérieusement Gwen.

Avant que Jenna ait eu le temps de répondre, Yannick les rejoint.

— Bichette, je suis bourré, c’est trop de la balle ! annonce-t-il en enlaçant Gwen, mettant fin à l’aparté avec cette bonne nouvelle.

La soirée se termine sans autre rebondissement et Phil —qui est aussi saoul que son ami Breton— s’endort immédiatement, ce que Jenna ne déplore pas.

***

Le lendemain, Jenna et Phil passent la journée chez les parents de celui-ci. Clémentine et Guy sont également de la partie, tout comme Lily, la fille de Guy. La gamine paraît parfaitement à l’aise avec la situation, contrairement aux parents de Clémentine qui tentent maladroitement de se comporter comme des grands-parents même s’il est visible qu’ils grincent des dents à la pensée que leur fille soit la « belle-mère » d’une enfant de huit ans. Phil ne trouve pas grand-chose à dire à Guy tandis que Jenna joue plusieurs parties d’un jeu de société avec Lily qui est ravie de l’aubaine.

Phil et Jenna repartent en fin d’après-midi. Le soir, Jenna lit pendant que Phil regarde la télé. La blessure faite par Kristian est encore à vif et Jenna a besoin de se changer les idées. Après une gâterie vite expédiée, c’est l’extinction des feux.

***

Jenna rentre chez elle dès le lundi matin. Arrivée dans son studio, elle hésite à rendre visite à Diana. Sa conversation avec Pascal le samedi soir l’a troublée et elle se pose beaucoup de questions au sujet de Diana. Par ailleurs, Diana et Pascal devaient se voir la veille pour leur rupture — même si Jenna est de moins en moins convaincue par la réalité de celle-ci — et elle craint de mal tomber. Finalement, après dix bonnes minutes d’hésitation, Jenna se décide à aller frapper à la porte voisine. Après tout, c’est Diana, se rappelle-t-elle. Si elle a menti, c’est sans doute pour une bonne raison. Ou pas.

Jenna patiente un peu plus d’une minute puis fronce les sourcils devant l’absence de réponse. Est-ce que Diana me fait la gueule ? s’inquiète-t-elle. Pitié, non… je suis déjà assez triste comme ça à cause de Kris.

De retour chez elle, Jenna inspire puis téléphone à Diana, le cœur serré d’appréhension. Au bout de trois sonneries, Diana répond :

— Ouais ?

Le cœur de Jenna se serre un peu plus.

— Euh… c’est Jen, je viens d’essayer de passer chez toi, mais tu ne réponds pas. Tout va bien ?

— Oui, soupire Diana. En fait, je suis encore chez mes parents, je rentre ce soir.

— Ah ? Je croyais que tu devais voir Pascal hier.

— Non, j’avais un truc de prévu l’après-midi avec une copine, du coup je l’ai appelé pour lui dire que ce n’était pas la peine qu’il vienne.

— OK…

— On se voit demain après-midi, continue Diana. Bon, je suis désolée mais ma mère m’appelle. À ce soir, salut.

Interdite, Jenna repose son téléphone sur la table basse. Il y a vraiment un truc qui ne va pas avec Diana… Putain, ça fait chier… comme si j’avais besoin de ça en ce moment ! Déjà que j’ai du mal à me remettre de Kristian. Non, je ne dois pas penser à Kris sinon je vais pleurer.

Les larmes aux yeux, Jenna inspire. Même si plusieurs jours se sont écoulés, elle ressent toujours autant la brûlure du chagrin et elle fait de gros efforts sur elle-même pour ne pas s’écrouler.