Fyctia

Après un dîner rapidement expédié — les derniers rebondissements kristianesque lui ayant coupé l’appétit — Jenna s’installe dans son lit pour une soirée en solitaire. Elle est épuisée par la nuit quasi blanche de la veille mais elle est trop agitée par ses pensées dépressives pour trouver le sommeil. Marjo lui téléphone vers vingt heures et Jenna, qui a encore plus besoin de s’épancher que de dormir, lui répond aussitôt. D’une voix hachée par le choc et l’émotion, Jenna confie à Marjo les propos de Kristian. Comme on pouvait s’y attendre, Marjo se montre beaucoup moins indulgente avec Kristian que Diana :

— Quel connard égoïste ! Il ne tient absolument pas compte de tes sentiments. à ta place, je lui aurais mis une mandale et je l’aurais collé dehors. Puisqu’il aime tant sa Sainte-Nunuche, qu’il retourne la voir et te foute la paix !

Jenna soupire lourdement n’ayant même pas le cœur de relever le « Sainte-Nunuche » :

— Après, ce n’est pas de sa faute s’il ne m’aime pas, les sentiments, ça ne se commande pas.

— Certes, accorde Marjo. Mais tout son petit jeu depuis plus de sept ans, le fait qu’il te coure après dès que tu t’éloignes de lui parce que selon lui : « entre vous c’est une évidence » … Tout ça pour te balancer que c’est la faute des circonstances si vous n’êtes pas en couple ! Sérieux, là, il abuse ! Et puis son mytho à la con pour expliquer pourquoi il t’a emmenée chez ses parents ! Plus con, tu meurs. Franchement qu’il s’achète une paire de couilles et choisisse une bonne fois pour toutes au lieu de continuer sa double vie ! Parce que là, il fait du mal à tout le monde. OK, Kimberly ne sait rien, mais si elle venait à l’apprendre, ça ferait mal.

— Tu parles, elle ferme les yeux parce qu’elle ne veut surtout pas remettre en question son roman d’amour…

— Et toi ? Qu’est-ce que tu comptes faire maintenant ? Tu vas quitter Kristian ?

— Non. D’une part, je suis incapable de lui résister et d’autre part, foutu pour foutu, je veux le vivre jusqu’au bout. Au moins comme ça, je n’aurai pas tout perdu et j’en aurai profité aussi longtemps que possible. Mieux valent les remords que les regrets.

— Tu l’as vraiment dans la peau… remarque Marjo dans un gros soupir. Perso, je l’enverrai chier mais je comprends… De toute façon, depuis le début, ça a été lui et il n’a rien fait pour arranger les choses, au contraire.

Ce constat étant fait, elles bavardent encore un long moment et Jenna se couche finalement à vingt-trois heures pour un repos bien mérité.