Fyctia

Une grimace fugace se forme sur les lèvres de Kristian à la mention de sa déclaration et il se penche pour saisir la bouteille de whisky, évitant le regard de Jenna.

— Je ne m’en souviens plus, je devais être bourré, déclare-t-il d’un ton faussement détendu.

Il ment… il fait toujours ça quand il raconte des bobards, il baisse la tête et ne me regarde pas dans les yeux.

— Dans ce cas, heureusement pour moi que je ne t’ai pas pris au sérieux, persifle Jenna. Si j’avais quitté Phil pour toi, je m’en serais bien mordu les doigts. En fait, tu m’as toujours prise pour une conne.

— C’est faux ! proteste Kristian. Tu exagères, là.

— Mais oui… tu me fais tout un plan comme quoi tu as toujours eu des sentiments pour moi, blablabla... quand tu reviens même si selon toi tu ne t’en souviens pas … Tout ça pour sortir avec ma nouvelle meilleure amie un mois plus tard. Et après tu t’étonnes que je ne te croie jamais.

De nouveau, une brève grimace déforme le visage de Kristian et il s’allume une cigarette après lui en avoir proposé une.

— Quand j’étais avec Hélène, je ne te calculais pas du tout, déclare Kristian contredisant tous les souvenirs de Jenna.

Mais oui, c’est pour ça que tu te trompais de fille, que tu passais ton temps à venir me voir en boîte et que tu t’es interposé entre Chouchou et moi. Enfin, c’est typique de toi : même histoire, différentes versions et aucune n’est vraie. Elle ouvre la bouche pour lui asséner ses quatre vérités mais Kristian reprend :

— Par contre, elle me faisait des crises de jalousie à n’en pas finir à cause de toi. Elle n’arrêtait pas de me demander si j’allais ressortir avec toi, si j’avais envie de coucher avec toi… Elle me pétait les couilles.

— Pour moi non plus, ça n’a pas été une partie de plaisir, avoue Jenna sans filtre. Hélène n’arrêtait pas de me faire bisquer, genre « il embrasse bien, tu ne trouves pas ? » … elle me racontait tout ce que vous faisiez et n’arrêtait pas de me répéter que tu étais fou d’elle.

— Pourtant, tu étais hyper amie avec elle, relève Kristian en leur resservant un verre.

Bien éméchée, Jenna lance :

— Tu sais pourquoi j’aime tant Hélène ?

— Non, reconnaît Kristian en entrechoquant leurs verres.

— Parce qu’Hélène est celle que j’aurais voulu être… plus jolie, plus assurée… et elle a eu tout ce que j’ai toujours voulu avoir.

— Jen… tu es beaucoup plus jolie qu’elle, tu n’as rien à lui envier, lui assure Kristian.

Un ricanement cynique échappe à Jenna qui a définitivement trop bu.

— Bien sûr que si… Tu veux savoir ce qui me tue le plus ? C’est qu’elle tu l’as aimée alors que moi non.

Les mots, presque un aveu, sont sortis sans qu’elle réfléchisse et Kristian s’immobilise.

— Jen… j’ai des sentiments très forts pour toi, je ne peux pas le nier, bredouille-t-il en la fixant.

Jenna retient son souffle tandis qu’il poursuit en baissant le visage :

— Mais je ne pense pas que ce soit de l’amour que je ressens pour toi.

L’aveu fait à Jenna l’effet d’un coup de poignard en plein cœur. Ravalant difficilement ses larmes, elle déclare avec amertume :

— C’est bien ce que je disais, Hélène a réussi tout ce que j’ai échoué.

La voyant sur le point de craquer, Kristian se lève et la rejoint sur le canapé. Il passe son bras autour de ses épaules et répond :

— Non, c’est faux. Ça n’a rien à voir avec toi… Si je t’avais connue dans d’autres circonstances, c’est-à-dire sans être déjà avec Kimberly, je pense que je serais tombé fou amoureux de toi… Dès la première année, j’ai craqué sur toi et sans Kimberly, on aurait été vraiment ensemble, on le serait même sans doute encore.

— En clair, je pâtis d’un mauvais timing… ironise Jenna en retenant ses sanglots à grand-peine. Tu sais Kristian, je suis une grande fille, alors ce n’est pas la peine de me raconter des histoires pour adoucir le coup. D’autant plus que ça me fait encore plus mal d’entendre ça…

— Je ne mens pas, c’est vraiment ce que je pense, Jen. Si je n’étais pas amoureux de Kimberly, je suis sûr que ça aurait été toi.

Jenna ne parvient plus à retenir ses larmes qui roulent sur son visage.

— Tu te rends compte à quel point c’est cruel de me dire ça ? gémit-elle. Sois honnête pour une fois dans ta vie et reconnais que si tu es avec moi, c’est uniquement pour le sexe.

— C’est faux ! réagit immédiatement Kristian. Ce n’est pas le cas ! En fait, je n’ai aucune excuse pour venir te voir parce que sexuellement, c’est le pied avec Kimberly.

— Bah voyons, ravie de le savoir ! réagit Jenna sans pouvoir contrôler ses pleurs.

Les épaules secouées par les sanglots, elle enfouit son visage entre ses mains.

— Jen… je… commence Kristian en la serrant contre lui.

Jenna prend une inspiration et se dégage de son étreinte.

— Non, c’est bon, ça va aller, je vais me reprendre, assure-t-elle. J’ai juste besoin d’aller faire un tour aux toilettes.

— Reste… je n’aime pas te voir comme ça, tente de la retenir Kristian.

Bouleversée, Jenna s’enferme dans sa salle de bain et fond en larmes. Au bout de quelques minutes, elle se reprend et retourne dans la pièce principale.

— Ça va ? s’inquiète Kristian en voyant ses yeux rouges.

— Oui, désolée pour ça, je pense que j’ai trop bu, affirme Jenna sur un ton froid. De toute manière, ce n’est pas comme si ce que tu as dit était une surprise. Par contre, il y a un truc que je ne capte pas… puisque tu es si amoureux de ta merveilleuse Kimberly avec qui c’est le pied au pieu, qu’est-ce que tu fous ici ?

Une fois de plus, Kristian baisse le visage, évitant son regard.

— Je…

— Non parce que ça fait quand même trois ans et demi qu’on a cette relation, donc c’est un peu normal que je te demande pourquoi tu es là au lieu d’être avec ta chère Kimberly ! enfonce Jenna, laissant la colère prendre le pas sur le chagrin. Et pour une fois, évite de mentir, ça me changera.

— Je… je ne sais pas, bredouille Kristian. En fait, je ne me suis jamais posé la question… pour moi, être avec toi, c’est une évidence.

Le souffle de Jenna se bloque et les larmes menacent de nouveau.

— Une évidence, répète-t-elle d’une voix blanche. Non mais tu te rends compte de ce que tu dis ?!

Mal à l’aise, Kristian termine son verre d’un trait et se ressert dans la foulée.

— Rempote moi aussi. Au point où j’en suis, je ne suis plus à un verre près. Une évidence… ricane-t-elle. J’aurais tout entendu.

— Jen… je suis sincère, se justifie Kristian. Je ne me suis jamais demandé pourquoi je venais te voir ou ce que j’éprouve réellement pour toi, je… tu me plais, tu m’as toujours plu.

— Mais il y a Kimberly, crache cyniquement Jenna. Donc pourquoi s’interroger à mon sujet ?