Fyctia

Le reproche est justifié et Kristian souffle :

— Ça compliquerait tout… et de toute façon, je ne peux pas laisser Kimberly, je ne peux pas lui faire ça. Avec toi, c’est simple… je veux dire, je sais que tu ne me poseras pas de problème.

Spoiler alert : Kristian ne devrait pas être aussi sûr de lui sur ce point…

— Ouais, je suis super pratique comme fille, je ne demande rien et je me contente des miettes, ricane Jenna.

— Arrête, tu sais que c’est faux… je te l’ai dit, tu es beaucoup que ça pour moi.

— Mais oui… Tant qu’on est dans les vérités, pourquoi tu m’as emmenée chez tes parents alors que tu ne leur as jamais présenté Hélène ?

— Mes parents c’est privé, je n’ai jamais ramené beaucoup de copines chez eux.

— Donc, je répète ma question : pourquoi moi ?

Évitant le regard de Jenna, Kristian déclare :

— Parce que je ne voulais pas que mes parents me gavent en me parlant de mes problèmes avec Kimberly.

— Super… donc en fait tu m’as utilisée. De plus en plus charmant… Je comprends pourquoi tu mens tout le temps, quand tu dis la vérité, tu fais encore plus mal. Enfin, au final, je ne suis pas surprise, ironise Jenna. Franchement, j’aurais préféré que tu utilises Chouchou plutôt que moi… parce que tant qu’on est dans la franchise, j’avoue que vu l’importance qu’ont tes parents à tes yeux, je me suis fait un petit film en trois D et en couleur. Ce que je peux être bête quand je m’y mets !

— Ne dis pas ça, proteste Kristian. C’est vrai que ça m’arrangeait de ne pas y aller tout seul, mais si je t’ai demandé à toi de m’accompagner, c’est parce que je voulais que mes parents te rencontrent.

— Mais oui, sors les rames… Quand je pense à ta mère qui n’arrêtait pas de chanter les louanges de Kimberly… J’étais super mal ! Franchement, je regrette de m’être infligée ça. D’autant que ce n’était pas très malin de ta part de m’emmener là-bas, à la place de Kimberly moi j’aurais eu des soupçons.

— Je pense qu’elle s’en doute, lâche Kristian. Mais elle sait que je l’aime alors elle ne dit rien.

— C’est sûr que de la tromper comme tu le fais est une magnifique preuve d’amour, lui lance Jenna. En fait, au final, je préfère encore ma position à la sienne. Au moins moi, je ne me berce pas d’illusions à ton sujet et je ne passe pas mon temps à avaler tes bobards et tes serments mensongers. En vrai tu as de la chance que les « circonstances » aient jouées contre moi, parce que perso, je ne fermerais pas les yeux si tu me trompais. Du coup, je n’envie pas Kimberly, entre la femme bafouée et la maîtresse appréciée, je préfère le second rôle.

Kristian déglutit et leur sert un énième verre.

— Je… j’en ai besoin là, se justifie-t-il.

— Je te rassure, moi aussi, confirme Jenna. Tu sais Kristian, je ne t’en veux pas. Ce n’est pas de ta faute si tu ne m’aimes pas, on ne peut pas forcer les sentiments.

— Mais j’ai des sentiments pour toi ! martèle Kristian. Je tiens à toi, beaucoup plus que tu ne le crois. Et je suis sincère quand je te dis que si les circonstances avaient été différentes, on serait ensemble. Et toi, je ne te tromperai pas…

— Ah là là… je n’ai vraiment pas de bol, ricane Jenna. Il faut croire que le destin — ou plutôt les « circonstances » — ont une grosse dent contre moi. Enfin, c’est la vie et elle est moche, je l’ai toujours su…

— Jen, soupire Kristian. Je n’ai jamais voulu te faire de mal. Je suis égoïste, je ne le nie pas mais tu m’as attiré dès que je t’ai rencontrée… Je ne sais pas, ça ne s’explique pas…

— Oui, je comprends, c’est une « évidence », lui renvoie Jenna avec cynisme. Tant qu’on est dans les confidences, moi aussi j’ai été attirée par toi dès le premier soir. À la minute où j’ai posé les yeux sur toi, j’étais foutue… En vrai, le seul reproche que je te fais c’est de t’être présenté comme célibataire alors que tu étais déjà avec elle. Quand je pense que tu m’as dit que tu n’étais jamais tombé amoureux… Et moi, comme une cruche, j’ai plongé à deux pieds dedans.

— Je ne pensais pas que ça aurait des conséquences, murmure Kristian. Je… toutes ces filles avec lesquelles je suis sorti à l’époque, je n’en avais rien à péter. Mais je n’ai jamais pu m’empêcher de revenir vers toi, je suis incapable de résister même si je sais que c’est mal… C’est pour ça que j’ai nié quand tu as découvert pour Kimberly, je ne voulais pas que tu t’éloignes de moi et je savais que c’est ce que tu ferais si j’avouais être en couple.

— La preuve que non, ricane Jenna. Il faut croire que ton grand sens moral a déteint sur moi. Bref, je pense que j’en ai assez entendu pour ce soir. Je te propose qu’on finisse nos verres et qu’on se couche.

Piteux, Kristian soupire.

— Comme tu veux.

— Tu déplies le clic-clac pendant que je passe à la salle de bain ? requiert Jenna, après avoir fini son verre cul sec.

Une fois à l’intérieur de la salle de bain, Jenna pose ses mains tremblantes sur le rebord du lavabo. En dépit des sarcasmes dont elle abreuve Kristian depuis des heures, elle a le cœur en miettes et ressent le besoin impérieux de se rouler en boule dans un coin pour pleurer. Après avoir ôté des verres de contact et s’être démaquillée, elle prend une profonde inspiration. Non. Finis de pleurer, j’aurai bien le temps pour ça quand Kristian sera parti. Pour l’instant, je profite de lui tant qu’il est là. Mieux vaut avoir des remords que des regrets. Sa résolution prise, Jenna passe une fine nuisette de dentelle et rejoint Kristian sous la couette.

Au bout de quelques instants, Kristian tend une main timide vers elle.

— Pardon Jenna, je ne voulais pas te faire de la peine…

— Chut… soupire Jenna en se tournant vers lui. Je n’ai plus envie de parler. Tout ce que je veux, c’est qu’on soit ensemble.

— Moi aussi, admet Kristian en se penchant pour l’embrasser.

Leur baiser est long et chargé d’émotions. Peine, rage, désir… Jenna met tous ses sentiments dans leur étreinte. Avec délicatesse, Kristian la débarrasse de sa nuisette.

— Je meurs d’envie de te faire l’amour, murmure-t-il.

— Moi non plus je ne peux pas résister… chuchote Jenna.

— On va prendre notre temps, promet Kristian.