Fyctia

Les jours suivants se partagent entre visites touristiques, parties de pétanque et repas gastronomiques. Laissant les deux frères bavarder, Séverine et Jenna passent le plus clair de leur temps ensemble avec la petite Caroline.

— Franchement, c’est plus reposant de vous avoir à la maison que les parents, souffle Séverine.

— Ah oui ? rebondit Jenna.

— Oui, quand mes parents et ceux de Lio sont venus pour Pâques on a dû prendre sur nous… Entre ma mère et celle de Lio qui savent mieux que moi comment je dois élever ma fille mais qui ne sont pas d’accord entre elles sur ce qu’il faut faire, le père de Lio qui critique tout sans arrêt et mon père qui passe ses journées à faire des blagues graveleuses… Et je ne te parle même pas du nombre de fois où on a dû entendre les parents de Lio se lamenter à cause de Clémentine… Le père de Lio ne supporte vraiment pas Guy et il enrage.

— Je sais… soupire Jenna.

— Ah oui, c’est vrai que toi tu supportes ça toutes les semaines… En ce qui me concerne je crois que ça été les trois jours les plus longs de ma vie quand ils sont venus !

— Quelle idée aussi de les inviter en même temps, rit Jenna.

— On s’est dit qu’en les groupant, on réduirait la corvée… mais c’était… Bref, si j’ai un seul conseil à te donner, fais en sorte que Phil et toi vous vous installiez le plus loin possible de ses parents. Et des tiens s’ils sont aussi envahissants.

— Non, les miens ne sont pas du genre à s’incruster chez moi à la moindre occasion, sourit Jenna.

— Tu as bien de la chance… tu sais, je crois que si on n’était pas partis ici avec Lio, on aurait fini par divorcer, confie Séverine. On s’aime mais après chaque visite des parents, on se disputait. Et comme ils étaient chez nous tous les week-ends, on n’avait jamais de temps juste à trois en famille.

— J’imagine, compatit Jenna. Et sinon, vous avez des idées de prénom pour votre futur garçon ?

Séverine hésite puis :

— Oh comme Phil sera le parrain, on peut bien vous le dire. On a décidé de l’appeler Charles.

Charles et Caroline ?! Sérieux, ils ont décidé de récréer toute la famille Ingalls ou quoi ?

— C’est joli, ment Jenna.

— C’était le prénom de mon grand-père, explique Séverine. Si ça avait encore été une fille, on l’aurait appelée Laura.

Jenna retient de justesse un rire tandis que Lionel leur propose d’aller boire un verre.

La suite du séjour est tout aussi réussie et ils se quittent sur la promesse de se refaire cela bientôt.

Après plus de huit heures de route, Phil et Jenna posent enfin leurs sacs dans l’appartement de Phil. Cela va sans dire que, pour une fois, ils se couchent directement. Une pause bienvenue aux yeux de Jenna… en effet, le séjour chez son frère a visiblement émoustillé la libido de Phil — à moins que ce ne soit les nombreux petits digestifs pris avec son frère chaque soir après le dîner. Aussi Jenna s’autorise un sourire soulagé lorsque Phil éteint la lumière et lui tourne le dos dans l’intention évidente de dormir tout de suite.

***

Jenna travaillant au centre, elle retrouve son studio avec un plaisir sans mélange dès le lundi. Moins de cinq minutes après son retour, Diana gratte à la porte. Jenna retient de justesse une exclamation dépitée. Cela fait plus d’une semaine qu’elle n’a pas eu un seul petit moment rien qu’à elle et elle se languit de cet instant. Résignée, elle ouvre la porte à Diana. Celle-ci affiche une mine de six pieds de long. Oh pitié… mais qu’est-ce qu’elle a encore ?!

— Je suis dégoûtée, lance Diana. Pascal avait promis de se libérer pour passer le week-end avec moi mais au final, il était soi-disant d’astreinte et du coup, on ne se voit pas avant demain.

Réprimant un soupir, Jenna tente de lui remonter le moral. Pascal, Pascal, Pascal… songe-t-elle en allant au travail, presque soulagée d’avoir cette excuse pour faire une pause dans le drama Diana. Enfin, au moins ce soir, il y aura Vanessa, ça nous changera un peu.

Après son travail, Jenna retrouve ses copines chez Diana. Elles dînent toutes les trois puis s’installent dans une ambiance tamisée. Vanessa a un nouveau copain et elles en parlent un bon moment avant de passer à la situation critique dans laquelle se trouve Diana avec Pascal. Blasée, Jenna ne parle pas beaucoup. Elle en a plus qu’assez des « je vais le quitter » puis des « j’ai peur qu’il me quitte » dont Diana l’abreuve depuis des mois. Putain, qu’elle se décide une bonne fois pour toutes et qu’elle arrête de nous gonfler non-stop avec ça ! songe-t-elle peu charitablement pendant que Vanessa tente d’aider Diana à faire le tri dans ses sentiments. Tu perds ton temps ma cocotte… quoi que Di décide ce soir, elle aura changé d’avis demain. Vers une heure du matin, Jenna jette l’éponge et annonce qu’elle va se coucher, prétextant commencer tôt le lendemain.

— Ah ? s’étonne Diana. Je croyais que tu ne bossais pas avant la fin d’après-midi.

— C’est ce qui était prévu mais LSD m’a demandé de le remplacer pour l’écoute linguistique de dix heures, ment Jenna.

— OK. On mange ensemble demain midi ? Et on pourrait aller faire un tour dans les magasins après ? suggère Diana.

Jenna n’en a guère envie mais elle ne sait pas comment refuser sans risquer de déclencher la troisième guerre mondiale avec Diana. Feignant l’enthousiasme, elle confirme.

***

Soucieuse des détails de son mensonge, Jenna quitte son appartement le lendemain à neuf heures trente. Il fait un temps magnifique et elle sourit tout en montant dans le bus, ravie de prendre l’air. Une fois dans le centre-ville, Jenna file faire du shopping et savoure sa solitude. Après s’être acheté un pantalon large noir et un top assorti, elle file à la médiathèque dont elle ressort le sac bourré de romans policiers anglais. Super matinée ! se félicite-t-elle en attendant son bus.

Elle prend la précaution de passer chez elle afin d’y déposer ses achats et ses bouquins avant de rejoindre Diana pour le déjeuner. Après celui-ci, Diana se tourne vers elle :

— On va en ville ? J’aimerais bien trouver une jolie robe pour la visite de Pascal tout à l’heure et j’ai besoin de ton avis éclairé.

— C’est parti, soupire Jenna qui préférerait se poser chez elle et textoter Kristian qui lui manque atrocement.

— Surtout cache ta joie, s’agace Diana.

— Ce n’est pas ça, mais ça presque deux semaines que je n’ai pas eu Kris et je brûle d’envie de l’appeler.

— Pfff Kristian… si tu lui manquais, il t’aurait déjà envoyé un texto, professe Diana.

— Certes, admet Jenna que cette réalité déprime.

— Allez, on y va, ça te changera les idées.

Et surtout, tu as besoin que je t’aide à choisir une tenue pour ton Pascalounet… songe cyniquement Jenna.