Fyctia

Un léger silence inconfortable flotte entre elles puis Jenna demande :

— Et Thomas ?

Cette fois c’est au tour de Marjo de se crisper :

— Dans les derniers. Il a compté mais parce qu’il m’a fait énormément souffrir. La pire soirée, ça a été celle de mon départ… J’y croyais vraiment quand je l’ai rejoint chez lui. Sauf que, non seulement il ne m’a pas touchée, mais en plus il s’est montré hyper froid avec moi. Quand on s’est couchés, il m’a tourné le dos alors que j’avais mis ma plus belle nuisette. Cette nuit-là, il m’a vraiment blessée. C’était mon dernier soir, notre dernière chance et il s’est comporté comme si c’était une soirée comme les autres. Je… déglutit Marjo. Ça m’a fait mal… et je reconnais que j’ai toujours envié votre complicité. Tom et toi, vous avez toujours l’air de vous comprendre alors que moi, je n'y arrive pas. Même si j’essaie.

Une boule de compassion mêlée de culpabilité remonte dans la gorge de Jenna.

— Tu sais Marjo, si j’ai mis Thomas dans mes premiers, c’est parce que notre relation de tendresse amico flirteuse m’apporte un peu de douceur sans arrière-pensée. Ce n’est pas la passion comme avec Kristian, ni les attentes délirantes de Phil. Tom et moi, on ne ressent rien de plus que de l’amitié amicale l’un pour l’autre. On se ressemble sur beaucoup de points et on a une relation sans tension. Mais il n’y a rien de plus entre nous.

— Pourtant, quand il t’a ramenée dans son lit, il ne t’a pas tourné le dos… Au contraire.

— Parce que notre relation est simple et dépassionnée, se justifie Jenna. Tom sait que je n’éprouve rien pour lui, tout comme lui pour moi. Alors que toi, tu as des attentes et ça lui fait peur.

— Je sais, vous vous comprenez. Mais le truc c’est que ça tourne toujours pareil : un mec s’intéresse à moi, il te rencontre et d’un coup, je n’existe plus. Kristian, Greg, Tom… à chaque fois tu arrives et je passe à la trappe ! Je veux dire, même Chouchou a basculé à un moment, voilà quoi ! Je sais que tu ne le fais pas exprès, mais c’est frustrant, exprime Marjo. Ton côté secret, le fait que tu les écoutes… tout ça, ça les attire mais je n’arrive pas à faire comme toi. Je ne réussis pas à être aussi froide et détachée. Je ne peux pas cacher mes sentiments ou garder le contrôle de mes émotions comme tu le fais.

— Je suis désolée, souffle Jenna. Je suis comme je suis, je ne sais pas faire autrement.

— Euhhhh…. Perso, je reprendrais bien du champ s’il en reste, intervient Diana afin de briser la tension qui monte.

— Ouais, on boit un coup ou on s’encule ! lance Marjo.

— Je n’ai pas très soif, répond Jenna par automatisme.

Elles échangent un sourire et Marjo déclare :

— Allez, le passé est le passé. Comme le dit Kristian : carpe diem ! Sinon, Di avec Pascal ?

La soirée se termine dans une ambiance aussi avinée que bon enfant et elles se couchent vers quatre heures du matin. Jenna retrouve sa chauffeuse avec soulagement et rabat la couette sur sa tête tandis que Marjo et Diana se chuchotent des confidences.

***

Jenna se réveille vers onze heures le dimanche matin. Voyant que Diana et Marjo dorment encore profondément, elle se lève en silence et file sous la douche. Une fois prête, elle referme ses doigts sur les clefs de Marjo et déverrouille la porte. Un soupir soulagé lui échappe devant l’absence de réaction de ses deux copines et Jenna dévale allègrement les cinq étages de l’immeuble. Une fois à l’extérieur, Jenna inspire une bouffée d’air frais puis s’allume une cigarette avant de se mettre en route pour la boulangerie d’un pas sautillant.

Munie de viennoiseries pour le petit-déjeuner et de tartelettes pour le goûter, Jenna retourne chez Marjo. Lorsqu’elle pénètre dans l’appartement, ses deux copines sont réveillées.

— Coucou ! Je ramène les croissants ! lance Jenna. Et je nous ai pris des tartelettes aux fruits pour cet après-midi.

— Trop de la balle ! commente Diana, s’attirant un regard mauvais de la part de Jenna.

— C’est sympa, commente Marjo. Mais tu aurais dû nous attendre, on y serait allées toutes les trois.

— Bah je ne savais pas trop quand vous alliez émerger, et comme j’étais réveillée, je me suis dit que ça vous ferait une petite surprise, sourit Jenna.

Et surtout, j’avais envie d’avoir un petit moment tranquille toute seule…

Le reste de la journée se déroule tranquillement, les trois copines restent chez Marjo et bavardent autour de la théière et des douceurs achetées par Jenna. Au moment de partir, Marjo demande :

— Ça vous gêne si je ne vous accompagne pas jusqu’à la gare ? J’ai encore au moins trois heures de boulot sur excecel et j’avoue que j’aimerais bien me coucher tôt.

Jenna et Diana l’assurent de leur compréhension et elles se quittent en se promettant de se refaire un petit week-end à trois très prochainement.

Diana et Jenna se séparent dès leur retour à la résidence après avoir débattu du vide apparent de la vie sociale de Marjo qui, de toute évidence, passe son temps à travailler.

***

Jenna reprend le travail dès le lundi matin ainsi que sa routine coutumière. Pascal venant passer la soirée avec Diana, elle savoure sa solitude et se met au lit avec un bon livre.

Le mardi, lorsqu’elle sort du travail, Jenna s’avise que Kristian a tenté de l’appeler deux fois. Un petit sourire se forme sur ses lèvres et elle compose rapidement son numéro.

— Salut beau gosse ! lance-t-elle joyeusement. Comment va la vie ?

— Oh bah, ceci cela… dis voir la miss, je ne bosse pas demain, après-demain et vendredi. Ma voiture est au garage donc je ne peux pas trop monter, mais je me disais que tu pourrais peut-être descendre, histoire qu’on fasse la fête pour mon anniversaire entre autres occasions.

— Je suis désolée mais je ne peux pas, je vais chez Phil ce soir et je dois y rester jusqu’à jeudi soir.

— Ah… Merde… soupire Kristian. Je ne bosse pas vendredi mais ce n’est pas possible pour moi, je suis pris comme c’est la Saint-Valentin.