Fyctia

Marjo sortie de la douche, elles disposent les chips, les salades, le saumon fumé et la charcuterie achetés le matin même sur la table et ouvrent une première bouteille de champagne. Le manque de sujets de conversation se faisant cruellement sentir, Marjo attrape le magazine de psycho test acheté un peu plus tôt par Jenna et elles se posent des questions tout en buvant leur champagne.

— Alors… ma petite Jenna, s’amuse Marjo. Si j’en crois les résultats du dernier test, tu es trop cérébrale et tu veux tout contrôler, raison pour laquelle tu ne te laisses pas assez aller au niveau sentimental et sexuel…

Jenna blêmit tandis que Diana s’esclaffe :

— Euh… en ce qui concerne le sexe, je te prie de croire que ce n’est pas le cas quand Kristian est là. Vu que j’habite juste à côté de son appart, je suis bien placée pour le savoir.

— Mmmm, répond Marjo en se tournant vers Jenna. En tout cas, je suis assez d’accord avec le reste, c’est vrai que tu as tendance à tout garder pour toi et à ne pas laisser paraître tes sentiments. En vrai, on ne sait jamais trop ce que tu penses réellement. Et je trouve que ça ne s’arrange pas avec le temps… Tu as pris la sale manie de faire parler les gens d’eux ce qui te permet de lâcher de moins en moins de trucs persos sur ta vie.

— Comme je le dis toujours : si je n’ai rien d’intéressant à dire, je me tais, réplique Jenna piquée au vif.

Marjo et le test ont frappé juste mais elle n’a pas envie de débattre avec ses amies de son besoin de contrôler ses émotions et de sa crainte de voir ses sentiments les plus intimes tournés en dérision.

— Moi, je suis d’accord avec Marjo, intervient Diana. Tu nous confies de moins en moins de choses.

— J’ignorais que j’étais invitée à mon procès, réagit Jenna. Désolée les filles, mais c’est quand même mon droit de ne pas avoir envie de parler de certaines choses.

Marjo soupire :

— Personne ne dit le contraire… c’est juste que c’est parfois compliqué de deviner ce qui se passe dans ta petite tête.

— C’est comme en ce moment, rebondit Diana. Perso, je vois bien que tu es déprimée depuis quelques temps, alors pourquoi tu ne nous dis pas ce qui ne va pas ?

Toujours pareil, je crève d’envie d’être avec Kristian mais je sais qu’il ne quittera pas l’autre et je culpabilise à cause de Phil. Et vu que je connais votre opinion, inutile de lancer le débat.

— Je n’ai pas envie d’en parler, se ferme immédiatement Jenna. Quelqu’un reprend du champagne ?

— Mais… tente Diana.

Marjo la coupe dans son élan :

— Laisse tomber, elle ne lâchera rien. Il n’y a guère que Kris qui arrive à lui tirer les asticots du nez et encore… Même lui, il a du mal, il m’a dit la dernière fois qu’il avait parfois le sentiment d’être face à un mur quand il tente d’aborder certains sujets.

Jenna se crispe :

— Je suis ravie de l’apprendre. Par contre, à l’avenir, ce serait sympa que tu évites de parler de moi avec Kristian, surtout si l’autre est là. Bref, sujet clos. Champagne ?

Après avoir échangé un regard, Marjo et Diana tendent leurs flûtes et la soirée reprend sur un ton plus léger. Abandonnant les tests psychos, les filles font bombance tout en parlant de sujets anodins. Lorsqu’elles entament la troisième bouteille de champagne, elles sont nettement plus détendues et l’ambiance redevient propice aux confidences.

— On se fait un petit jeu ? propose Diana.

Tout le monde est partant et elles commencent sur des questions simples. Au bout de trois tours, Diana se tourne vers Jenna qui vient de perdre :

— Vérité : qu’est-ce qui te tracasse depuis un certain temps ?

Putain, elle ne peut pas me foutre la paix ?! C’est dingue d’être aussi curieuse !

— C’est très délicat de revenir sur le sujet. Mais comme je te l’ai dit et redit, je ne veux pas en parler. Donc, joker !

— Ah ça…c’était certain, soupire Marjo. Le mur, comme dit Kristian.

Agacée, Jenna prend une inspiration afin de se calmer et leur offre son habituel sourire.

— C’est juste un coup de mou, ça passera, leur assure-t-elle. Bon, c’est à moi de jouer… Une ville qui commence par un B : Bruxelles !

Les tours s’enchaînent sans autre incident et elles rivalisent « d’imagine ». La quatrième bouteille de champagne ouverte, elles décident de faire un classement de l’importance que les hommes qu’elles ont connus ont eu dans leur vie. Si ceux de Diana et de Jenna sont prévisibles, celui de Marjo fait débat :

— En un Nick, en deux Manu et en trois Julio.

— Hein ?! réagissent les deux autres. C’est Nick que tu mets en premier ?

— Oui. Nick a été mon premier amour, même si je me suis vite lassée parce qu’il était étouffant… Manu c’est parce que c’est le meilleur coup que j’ai eu et Julio parce que c’est lui qui m’a appris ce qu’est l’amour physique — le sexe — précise-t-elle inutilement.

— Et où tu places les autres ? demande Diana. Là j’avoue, je suis curieuse.

La suite du classement de Marjo les stupéfie :

— Tu places Gus et Chouchou avant Greg ? s’étonne Jenna.

— Pffff non mais Greg, je n’en ai jamais rien eu à foutre, ce n’était qu’un caprice…

— Eh bien ce n’était peut-être qu’un caprice mais tu t’es sacrément bien vengée du fait qu’on se soit embrassés, remarque Jenna avec amertume. À l’époque, tu m’as dit que c’était pour ça que tu avais emballé Kristian lors de sa dernière soirée.

Marjo avoue :

— Je sais… mais en fait je place Kristian avant Greg… Moi aussi je craquais pour lui mais tu te l’es appropriée. Dès le moment où il t’a vue, il ne m’a plus du tout calculée et ça m’a gonflée. C’était tout le temps « Kristian et Jenna » !

— Décidemment, on va de révélations en révélations ce soir… persifle Jenna. Sauf que pour moi, Kris n’a jamais été un caprice.

— Oui, ça on le sait toutes. Genre l’amour au premier regard… soupire Marjo. Je te rassure, pour Kristian ça m’est passé. De toute manière, je n’ai jamais eu aucune chance et si j’avais envie de l’accrocher à mon tableau de chasse, c’est juste parce qu’il est beau gosse.

— Ah ça… pour être beau, il est beau… s’amuse Diana.