Fyctia

Jenna raconte à Kristian la soirée ratée avec Chouchou — omettant cependant les moments où il a été mentionné— et il s’esclaffe :

— En même temps, il a raison : tu as un beau corps. Mais ce n’est pas ta seule qualité… tu fais aussi de très jolies surprises et tu es audacieuse !

— Tssss, je sens que je vais en entendre parler pendant longtemps de ça…

— Ah bah, là tu m’as vraiment fait plaisir ! Je ne m’attendais pas à ce que tu fasses un truc pareil pour moi.

Le bruit de la porte d’entrée les fait tous les deux sursauter et ils échangent un regard alors que la voix de Kimberly s’élève. Lorsqu’elle pénètre dans la pièce, elle fronce les sourcils.

— Vous avez écouté le même CD toute la journée ?!

— Possible, on discutait alors on n’a pas fait gaffe, répond Kristian.

— Et puis on aime bien U2, ajoute Jenna.

Le regard de Kimberly tombe sur les bouteilles d’alcool et le cendrier plein.

— OK, je vois… vous avez bu et fumé comme des malades toute la journée, personne n’a fait la vaisselle et vous n’avez même pas donné à manger à Princesse ! s’agace-t-elle en se penchant pour caresser le chat.

— Mais on a pensé à enregistrer Les feux de l’amour ! assure Kristian.

— Mmmm… en tout cas, vous en aviez des choses à vous raconter. Ça devait être passionnant pour que vous ne vous donniez même pas la peine de changer de CD, persifle Kimberly en gratifiant Jenna d’un regard mauvais.

— Ah bah la miss est bavarde, s’amuse Kristian.

— Comme si tu ne l’étais pas… sérieux tu parles encore plus que moi ! se défend Jenna. Une vraie pipelette.

Bras croisés, Kimberly les observe tandis qu’ils échangent un sourire taquin.

— Sinon, qu’est-ce qu’on mange ce soir ? demande-t-elle.

— Oh bah je me disais qu’on pouvait se faire un petit resto, répond Kristian d’un ton léger.

Le téléphone portable de Jenna sonne à cet instant.

— Ah, c’est Marjo, prévient-elle tout en décrochant.

— Coucou Jen, écoute je suis vraiment désoléééééééée mais j’ai un boulot de dingue à terminer pour demain et ce n’est vraiment pas possible pour moi de sortir ce soir, ça te dérange si on se rejoint chez moi ?

— Non pas du tout, je comprends, assure Jenna, soulagée de ne pas avoir à passer la soirée avec Kimberly. Écoute, je préviens les autres et je décolle.

— Cool, et dis bien aux KK que je m’excuse.

Jenna le lui confirme puis affecte une moue désolée après avoir décroché.

— Je suis désolée mais on va devoir remettre ça : Marjo a encore du taf et elle m’a demandé de la rejoindre chez elle, vu que j’ai ses clefs d’appart.

— Oh… c’est con, commente Kimberly. Bah du coup, on se fera un petit resto en amoureux.

Tout en parlant, elle passe un bras possessif autour de la taille de Kristian.

— Oui, si tu veux, sourit-il.

Le cœur de Jenna se serre à l’étouffer et elle leur adresse son éternel sourire.

— Je ne vais pas vous embêter plus longtemps, je vais y aller.

— Tu ne veux pas un autre apéro ? propose Kristian.

— Non, c’est gentil mais comme j’ai ses clefs, Marjo est à la rue donc il vaut mieux que je me dépêche. Passez une bonne soirée et merci pour tout, ajoute Jenna en faisant la bise à Kristian après en avoir fait de même avec Kimberly.

La voix de celle-ci, envisageant les restos possibles pour la soirée, poursuit Jenna tandis que Kristian la raccompagne à la porte.

— On s’appelle, lui glisse-t-il.

— Comme toujours…

Sur ces mots, Jenna s’en va sans se retourner. Elle a le cœur lourd à la perspective de la soirée romantique qui se profile pour Kristian et Kimberly et rumine ses sombres pensées tout au long de son trajet en métro.

***

— Je suis désolée, je dois vraiment finir mon truc sur excecel, explique Marjo en allumant son ordinateur portable. J’en ai pour une grosse heure et après je suis à toi, promis.

Encore sous le coup de sa journée et un peu déprimée par la réalité qui, comme toujours, la rattrape, Jenna sort son livre de son sac :

— T’inquiète, j’ai de quoi faire. Par contre, si tu veux que je nous prépare un truc à bouffer, n’hésite pas.

— Non non, je m’en occupe après, et on se prendra un apéro ! assure Marjo. Allez, je m’y mets, plus vite fait, plus vite quitte !

***

Marjo tient parole : un peu avant vingt heures trente, elle ferme son ordinateur.

— Ouf ! C’est bon ! Je m’excuse vraiment, Jen, mais je n’avais pas le choix.

— Non mais ne t’en fais pas, je comprends, assure Jenna en reposant son livre.

— Alors ? Comment ça s’est passé avec Kristian ?

Jenna hésite quelques secondes puis lui raconte son périple de la matinée. Marjo se tord de rire :

— Traverser tout Paris à poil sous son manteau, il faut le faire ! Là, tu m’épates !

— Je n’étais pas à poil, proteste Jenna. Bon OK, je n’avais pas mis la culotte mais mes seins étaient couverts !

— Rooo c’est tout comme ! Perso, je n’oserais jamais. Alors, qu’est-ce qu’il a dit ?

Jenna sourit :

— On dira qu’il a été super surpris… mais il a apprécié l’initiative !

— Tu m’étonnes… glousse Marjo. N’empêche, c’est couillu d’avoir fait ça. Qu’est-ce que tu aurais fait si pour une raison X ou Z, Kimberly avait été là ?

— J’aurais prétexté une envie de pipi hyper pressante et je me serais engouffrée dans les chiottes avec sac et manteau… Et je me serais habillée en vitesse.

Marjo rit tellement qu’elle en pleure :

— Punaise, j’imagine la scène. Non mais sérieux Jen, qu’est-ce qui t’es passé par la tête ?

— En vrai… un flash… j’avais envie de surprendre Kristian et comme il me reproche de ne jamais prendre l’initiative, je me suis dit que c’était l’occasion pour son anniversaire.

— Ah ça… tu n’as pas fait les choses à moitié ! Du coup, j’imagine que vous avez passé une super journée.

— Oui, confirme Jenna avant de rembrunir. Mais en attendant, ce soir il se fait un petit resto en amoureux avec l’autre… C’est clair qu’il ne la quittera jamais.

— Rooooo, ne désespère pas ma chérie.

Peu convaincue, Jenna lui adresse un sourire tremblant puis :

— Sinon et toi ? Des nouvelles de ton chaud lapin ?

— Non, soupire Marjo.

Elles passent le reste de la soirée à bavarder et se couchent peu avant minuit, conscientes que le réveil du lendemain se fera aux aurores : Marjo doit être au travail pour huit heures et Jenna a son train à sept heures trente.