Fyctia

Jenna est extrêmement déprimée lorsqu’elle rentre chez elle le lendemain. Même si elle a passé un excellent moment avec Kristian, il est de plus en plus évident qu’en dépit de ses griefs à l’encontre de Kimberly, il ne la quittera jamais. Cette réalité et ce qu’elle implique lui mine le moral, même si elle s’avoue qu’elle n’a pas non plus le courage de rompre avec Phil. Plus le temps passe, plus Jenna se sent engluée dans cette situation et coupée en deux. Elle aime Kristian avec passion mais elle ne peut pas être pleinement avec lui comme elle le désire du plus profond de son être… Quant à Phil, elle a énormément d’affection pour lui et elle culpabilise de ne pas partager ses sentiments. Le cœur gros, Jenna se laisse tomber sur son canapé. Moins de cinq minutes après son retour, Diana frappe à sa porte.

— Pfffff, soupire Jenna qui n’a même pas eu le temps de défaire son sac de voyage.

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, elle va ouvrir à Diana.

— Salut… lance Diana d’un ton morne.

Oh pitié… qu’est-ce qui ne va pas ? Je ne suis pas d’humeur là…

— Je suis dégoûtée, annonce Diana devant son manque de réaction. J’ai la gerbe depuis ce matin, si ça se trouve je couve une gastro et je vais être malade pour samedi.

— Moi, je pense plutôt que tu somatises parce que tu angoisses à l’idée de rencontrer les parents de Pascal, réplique Jenna avec rudesse.

Désolée Di mais là, je ne suis pas d’humeur…

— Oui, il faut admettre que ça me stresse, tu comprends, j’ai peur qu’ils ne m’apprécient pas et puis, je ne sais pas quoi mettre… Tu pourrais m’aider ?

— Si tu veux, soupire Jenna, toujours aussi déprimée.

Diana passe en revue les tenues possibles et Jenna l’écoute d’une oreille distraite. Au bout d’un moment, elle s’avise du silence prolongé de Jenna.

— Si je te saoule, dis-le, hein ?! s’agace-t-elle.

— Ce n’est pas ça… au passage, puisque tu le demandes, ça s’est bien passé avec Kris.

— Vu la gueule que tu tires, on ne dirait pas.

— Laisse tomber, grogne Jenna. Tu reveux un thé ?

Diana accepte et elles reprennent la revue des différentes tenues possibles.

— Et ma petite jupe rouge ? tente Diana.

— Un peu courte… pourquoi pas la longue effet patchwork ? Elle te va bien et elle est féminine sans en faire trop.

— Oui sans doute… je te jure, je suis hyper stressée, soupire Diana. Et j’ai toujours autant de nausées.

Jenna jette un regard à son réveil et réalise avec soulagement qu’il sera bientôt l’heure d’aller au centre.

— Désolée Di, mais je vais devoir me préparer pour aller bosser.

— Ah ? Flûte ! Tu passes chez moi ce soir ? Comme ça on fera des essayages.

Réprimant un soupir, Jenna le lui confirme.

***

Le travail n’a pas amélioré le moral de Jenna et elle assiste aux essayages de Diana d’un air morne. Vers vingt-deux heures, elle prétexte la fatigue et annonce qu’elle rentre se coucher.

— Tu es certaine que ça va ? tente Diana. Je te trouve hyper silencieuse.

Comme si ça t’intéressait vraiment… songe Jenna qui n’a de toute manière aucune envie de s’épancher. Si c’est pour t’entendre me dire encore une fois que ce qu’on fait n’est pas cool pour Phil et Kimberly, non merci. De toute manière personne ne comprend ce que je ressens alors autant m’épargner une leçon de morale. Je culpabilise déjà assez comme ça.

— Je suis juste crevée, assure Jenna. Allez, bonne nuit.

Une fois chez elle, Jenna ferme les volets et s’installe sous la couette avec cigarettes et thé après avoir allumé la télé.

— Ahhhhhh, se réjouit-elle alors que le générique de début de son film d’horreur préféré, La malédiction, s’affiche à l’écran. Ça, ça va vraiment me changer les idées !

***

Le lendemain, Jenna se sent toujours aussi déprimée. Après un passage éclair chez Diana, elle part travailler avant de rentrer chez Phil. Leurs retrouvailles sont semblables à leur routine habituelle, tout comme le programme de leur week-end.

Pascal et Diana les rejoignent chez Phil le samedi soir et ils prennent un apéro tous les quatre avant d’aller chez les Bretons. Le premier contact de Diana avec les parents de Pascal s’est bien déroulé mais elle appréhende beaucoup le déjeuner familial du dimanche.

— Je ne les ai pas vu très longtemps, mon train avait du retard, explique-t-elle à Jenna pendant que Pascal et Phil bavardent de leur côté. Du coup, on est resté que vingt minutes chez eux, donc difficile de faire connaissance.

Phil donne le signal du départ et ils se rendent chez Gwen et Yannick. Sur place, Jenna s’ennuie ferme… Diana et Gwen font étalage de politesses même s’il est évident qu’elles ne s’apprécient pas. Lasse des avis précieux que Yannick distille sur tous les sujets abordés, elle laisse son esprit dériver et pense à Kristian. Qu’est-ce que je ne donnerais pas pour être avec lui en ce moment plutôt qu’ici…

— Mais enfin Yannick, je sais quand même ce que je dis ! s’agace Diana, sortant Jenna de son fantasme. J’ai vécu à Naples pendant un an, donc j’ai une assez bonne idée du mode de vie en Italie.

— Oui, mais c’était dans le cadre d’un échange universitaire, rien à voir avec la vraie vie, professe Yannick. Moi j’ai lu tout un article sur l’Italie et ce n’est pas du tout comme tu le décris.

Diana lève les yeux au ciel, puis :

— Tu es déjà allé en Italie ?

— Bah non, rétorque Yannick.

Putain, ce qu’il est con… songe Jenna avant de reprendre sa rêverie sur Kristian.

Dans une telle ambiance, la soirée est poussive et les convives se séparent un peu avant deux heures du matin.

***

Le dimanche se déroule calmement, Phil et Jenna vont faire une balade avec les Bretons — même si le froid est piquant en ce début de février et que Jen aurait préféré rester au chaud— d’autant que Gwen et Yannick marchent à l’allure d’escargots.

De retour chez Phil, ils s’installent devant un chocolat chaud puis ils reçoivent la visite de Pascal qui vient de déposer Diana à la gare.

— Alors ? lui demande Jenna. Tout s’est bien passé ?

— Ouais, ça a été impec, confirme Pascal. Au début, Diana était un peu timide mais mes parents l’ont bien aimée.

Ouf, tant mieux, songe Jenna.

***

Jenna travaillant le lundi, elle passe le début de semaine chez elle et en profite pour voir Diana. Celle-ci se montre beaucoup moins positive que Pascal sur sa rencontre avec ses parents.

— Je suis sûre qu’ils m’ont détestée, en plus j’étais tellement stressée que j’ai failli renverser mon verre.

— Mais non… la rassure Jenna. Pascal est passé nous voir hier après t’avoir déposée à la gare et il nous a dit que ses parents t’ont bien aimée.

— Mouais… ça j’en doute…

Levant les yeux au ciel, Jenna reprend :

— Arrête de psychoter comme ça, à moins que tu les aies insultés ou que tu aies roulé sous la table après le repas, il n’y a aucune raison pour qu’ils ne t’apprécient pas.