Fyctia

Malgré une gueule de bois prononcée, Phil et Jenna passent leur dimanche à faire des cartons. Phil récupère les clefs de son nouvel appartement le lendemain en début d’après-midi et ils s’attèlent à déménager les fameux cartons et le mobilier, aidés par Yannick et Gwen.

Jenna est occupée à faire le lit dans la chambre lorsque son portable sonne. C’est Dahu.

— Anaïs revient demain et nous avons quelques nouveaux prévus pour la fin de la semaine. J’aurais besoin que vous soyez présente pour aider Christine. Venez pour huit heures et demie afin de signer votre contrat et de vous arranger avec Christine pour la répartition des heures.

— D’accord, je serai là.

Chic, ça tombe bien ! Phil va devoir se débrouiller tout seul pour nettoyer son ancien appartement.

Diana lui téléphone dans la foulée, surexcitée :

— Devine quoi ! lance-t-elle à Jenna.

Pascal t’a appelée ? s’amuse-t-elle.

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Pascal m’a laissé un message hier ! Il veut qu’on se voie ! Je viens juste de l’avoir, vu que j’étais chez mes parents et que ça ne capte pas chez eux.

— Tiens donc… c’est surprenant…

— Tu lui as dit quelque chose, comprend Diana. J’espère que tu ne lui as pas répété ce que je t’ai confié.

— Bien sûr que non ! Pour qui tu me prends ? Mais il est vrai que je lui ai peut-être suggéré que ce serait bien que vous discutiez tous les deux… Maintenant, c’est toi qui vois ce que tu fais. Je vous ai donné un petit coup de pouce afin que vous repreniez contact mais pour la suite je ne m’en mêle plus.

— D’accord… je vais y réfléchir, merci Jen. Tu rentres quand ?

— Demain, Dahu vient de m’appeler pour me dire que je bosse le matin. Si tu es chez toi, je passerai te voir après.

— OK, cool !

***

— Ah… tu dois aller bosser, déplore Phil lorsque Jenna lui annonce la nouvelle. Je t’avoue que ça ne m’arrange pas, vu tous les cartons à défaire.

Bah oui, je suis bien placée pour savoir qu’il y en a beaucoup, attendu que c’est moi qui en fait la majorité.

— Je me doute mais je me voyais mal dire à Dahu que je ne pouvais pas venir parce que tu déménages.

— Non bien sûr, tu as eu raison, s’empresse d’affirmer Phil. C’est bien que tu travailles même si ça tombe mal.

Épuisés par cette journée de déménagement, Phil et Jenna se couchent tôt, non sans avoir au préalable sacrifié au rituel du « baptême » de la nouvelle chambre.

***

Levée aux aurores afin d’attraper le premier train, Jenna se rend au travail d’un pas traînant. Christine, déjà arrivée, l’accueille avec un grand sourire et lui indique que Dahu l’attend dans son bureau. Son CDI dûment signé, Jenna retourne dans la salle principale. En attendant l’arrivée d’Anaïs, Christine et Jenna font plus ample connaissance et parlent organisation.

— J’ai pour projet d’ouvrir un gîte rural, explique Christine. Avec mon copain, on a acheté une grande maison qu’on retape. Et je suis une formation pour obtenir l’homologation du réseau des chambres d’hôtes. C’est tous les premiers mardis du mois. Est-ce que tu pourras …

— Oui, je les prendrai si on doit bosser, assure Jenna. De mon côté, je me suis inscrite à un Diplôme Universitaire sur les conduites addictives à la fac de médecine. J’ai cours tous les quinze jours, le mercredi après-midi.

— C’est noté. Pour les week-ends, je te propose qu’on en fasse un sur deux, sauf si on a vraiment un truc de prévu dans ce cas-là on s’arrange entre nous.

— Ça me va.

— Dahu a demandé qu’on soit en doublon aujourd’hui et demain. Je t’avoue que j’avais prévu des trucs sur la fin de la semaine, ce sera possible pour toi ?

— Oui si tu veux.

— Et…euhh… ça te dérangerait de prendre le samedi matin aussi ? Je sais qu’on a dit un week-end sur deux et que celui-ci devrait être pour moi vu que je ne suis pas là la semaine prochaine mais…

— Non mais ne t’inquiète pas, tu me revaudras ça un jour où j’aurais un truc de prévu, s’amuse Jenna.

Elles échangent un sourire et leurs numéros de téléphone avant l’arrivée d’Anaïs.

— Pâte à modeler ! hurle-t-elle après leur avoir fait un bisou pour leur dire bonjour.

Oh non … déglutit Jenna en se précipitant vers le bout de la pièce pour mettre les pots hors de portée de la gourmande.

— Tu pourras jouer quand tu auras fini ton travail, explique Christine tout lui mettant son casque. Et on ne mange pas la pâte à modeler, ce n’est pas bon !

— Siiiiiiii.

Christine et Jenna secouent la tête d’un air blasé. Une fois Anaïs sagement installée et occupée, elles reprennent leur bavardage.

— Au fait, tu habites où ? demande Christine.

— J’ai un appart dans la résidence universitaire Mozart, pas loin de la fac de lettres. Et toi ?

— J’habite dans un petit bled à trente kilomètres d’ici, soupire Christine. Avant, je vivais en ville mais avec le projet de gîte, on s’est installés à la campagne. Du coup, de nous deux tu es la plus proche. Ça t’ennuie si je demande à Dahu de t’appeler en priorité pour les dernières minutes ?

— Du tout, par contre je ne suis pas toujours chez moi. Je vais souvent chez mon copain pour quelques jours.

— OK, c’est noté. De toute manière l’important c’est qu’il y en ait toujours une de nous deux pour assurer les rendez-vous. Sachant que le gros de notre activité est pendant les vacances scolaires. Dans ces moments-là, il n’est pas rare qu’on doive être deux. En gros, dès qu’on a plus de cinq gamins en même temps, on bosse toutes les deux sauf les weekends pour qu’on ait quand même un peu de repos chacune notre tour. En période scolaire, c’est assez calme et on travaille plus le soir.

Hormis son étrange inclination pour la pâte à modeler et de gros retards d’apprentissage, Anaïs est une enfant calme qui ne demande pas beaucoup d’attention, ce qui permet à Christine et Jenna de continuer à lier connaissance.

—Dahu est plutôt cool, par contre c’est une vraie pince… Ne t’attends pas à être augmentée de sitôt. Ça fait cinq ans que je bosse ici et je ne suis qu’à sept euros quinze de l’heure, explique Christine. Sauf augmentation du SMIC, ça va te prendre un moment d’atteindre les sept euros…

— Euh… je suis à sept euros dix, l’informe Jenna.

Christine la fixe.

— Hein ?! Mais comment tu as fait ?

— J’ai négocié… et je ne me suis pas laissée démonter.

— Toi il va falloir que tu m’apprennes un truc ou deux parce que je me fais systématiquement avoir quand j’ai mon entretien ! s’amuse Christine.

Après cette matinée de travail aussi agréable que peu chargée, Jenna rentre chez elle.