Fyctia

Jenna fronce les sourcils devant l'emportement de Kristian.

— Absolument pas ! D’une, je n’ai jamais dit que j’allais vivre avec Phil. Pour ton information, si je me suis réinscrite à la fac ici, c’est pour pouvoir garder mon studio ! De deux, quand j’ai parlé avec le mec du CROUS, il m’a dit que refaire une maîtrise n’apporterait rien à mes candidatures et que ce serait mieux de bosser dans le domaine. J’y ai réfléchi pendant des heures ! Ici, j’ai déjà l’appart et le boulot alors que je ne suis pas certaine de trouver un truc abordable et un taf équivalent à Paris. Qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? Tout lâcher pour partir à l’aventure à Paris dans l’espoir que les choses se passent bien ? Je ne sais pas si tu as remarqué, mais je suis plutôt poissarde en règle générale. Qu’est-ce qui se serait passé si je n’avais rien trouvé à Paris ?

— Tu parles… tu n’as même pas essayé de chercher.

— Le directeur du centre voulait une réponse rapide… de plus la rentrée universitaire étant la semaine prochaine, je n’aurais plus pu m’inscrire après cette date et j’aurais perdu mon studio. J’ai dû me décider dans l’urgence. Qu’est-ce que tu crois ? Moi aussi j’avais envie de venir mais tout était trop aléatoire pour que je prenne le risque. Surtout sachant que tu peux recevoir ta convocation à l’école demain et partir je ne sais où du jour au lendemain.

— En clair pour toi ça ne valait pas le coup, grince Kristian. Bon, écoute, il faut que j’y aille là, j’ai un truc de prévu. Salut.

Le cœur de Jenna se brise tandis qu’il raccroche sèchement. Anéantie, elle se pelotonne dans son canapé, luttant contre ses larmes. Elle était loin de s’attendre à une telle réaction de la part de Kristian, d’autant qu’il vit avec Kimberly ! Alors qu’elle étouffe un sanglot, son portable sonne. C’est Kristian. Après avoir pris une profonde inspiration pour calmer son émotion, Jenna décroche :

— Pardon la miss, j’ai réagi comme un vrai con, s’excuse Kristian. C’est juste que je suis super déçu que tu ne viennes pas parce que j’avais imaginé un tas de trucs pour nous. Je te l’ai dit, je suis égoïste. Mais avec le recul, je te comprends… Tu dois faire ce qu’il y a de mieux pour toi. Et c’est bien que tu aies trouvé un taf en lien avec tes études et que tu ne laisses pas tomber l’idée d’avoir ton diplôme.

— Crois-moi, je n’ai pas choisi de gaieté de cœur de rester ici, soupire Jenna. Mais financièrement, ce n’est pas jouable pour moi de m’installer à Paris sans être certaine d’avoir une rentrée d’argent. Mes parents veulent bien m’aider mais ils sont limités en terme de budget et je ne peux pas leur demander de se serrer la ceinture pour moi.

Kristian soupire en écho et ajoute :

— J’espère que tu viendras souvent voir Marjo… Je suis désolé la miss, mais j’ai vraiment un rendez-vous et je vais devoir y aller. Je voulais juste m’excuser de m’être énervé et de t’avoir parlé comme je l’ai fait. Je te rappelle dans la semaine si tu as du temps.

— Oui, je suis dispo jusqu’à mercredi. Après, je serai chez Phil pour l’aider à faire ses cartons vu qu’il déménage dans un appart plus grand.

— Ah… OK. Dans le pire des cas je te téléphone la semaine prochaine, je t’embrasse la miss.

Apaisée par le mea culpa de Kristian, Jenna laisse échapper un gros soupir de soulagement avant de se souvenir brusquement que la responsable de la résidence lui a demandé de passer en début d’après-midi pour signer son renouvellement de location. Merde, merde, merde ! s’affole-t-elle en voyant qu’il sera bientôt quinze heures. En chaussons, elle dévale les deux étages jusqu’au bureau de la responsable et frappe à la porte.

— Entrez !

— Excusez-moi, je sais que j’aurais dû venir plus tôt mais j’avais un appel important à passer.

— Vous avez de la chance, j’allais partir.

— Désolée, répète Jenna tandis qu’elle lui tend le contrat.

Après l’avoir paraphé avec enthousiasme, Jenna la remercie et remonte dans son appartement.

***

Jenna passe sa soirée en compagnie de Diana. Les deux amies échangent des nouvelles fraîches. Jen lui raconte sa conversation téléphonique avec Kristian.

— Ah ouais… il avait vraiment envie que tu viennes à Paris, commente Diana. Sinon, vous avez fait quoi ce week-end avec Phil ?

Traduction : tu as vu Pascal ? Il t’a parlé de moi ?

Jenna lui répond qu’ils n’ont pas fait grand-chose et n’ont vu personne. Une moue déçue échappe à Diana puis :

— Tu crois que Pascal regrette vraiment d’avoir cassé avec moi ?

— Je ne vois pas pourquoi il mentirait là-dessus… De toute manière, qu’est-ce que ça peut faire ? Tu as fait une croix sur lui.

— Euh… bah en fait… je t’avoue que je suis toujours amoureuse de lui… c’est pour ça que je me dis que j’aimerais bien qu’on se revoit pour parler, rien que tous les deux.

— Pourquoi tu ne l’appelles pas pour lui proposer ?

— Je… je n’ose pas. Et vu comment ça s’est passé entre nous, je veux que ça vienne de lui. Si je lui manque, c’est à lui de faire le premier pas, explique Diana.

Elles passent toute la soirée à parler de Pascal, Diana étant en boucle sur le sujet. La journée du lendemain est à l’avenant tant et si bien que Jenna est presque soulagée de retourner chez Phil pour l’aider à faire ses cartons.

***

Rentrée dès le mercredi après-midi chez Phil, Jenna commence à empaqueter ses affaires personnelles — principalement des livres et des vêtements. Lorsque Phil rentre du travail le soir, il se dandine nerveusement.

— Ah tu as commencé les cartons, c’est bien.

Jenna lui adresse un sourire machinal tandis qu’il déglutit.

— En fait… ça m’arrange que tu sois là, parce que j’ai deux grosses réunions qui viennent de tomber demain et vendredi, du coup j’ai été obligé d’annuler mes congés. Donc tu vas devoir faire les cartons sans moi.

J’hallucine ! grince Jenna. C’est lui qui déménage et c’est moi qui dois se taper les cartons ! Et si je dis quelque chose, je vais encore me faire traiter d’égoïste ou de je ne sais quoi.

— Je t’en ai préparé plein dans la chambre et je t’en ramènerai demain, explique Phil.

— Heureusement que le centre n’a pas besoin de moi, persifle-t-elle.

— Hein ?! Ah oui ton petit job… Tu as signé ton contrat ?

— Pas encore, ce sera pour la semaine prochaine normalement.

— Euh… tu te rappelles que je récupère les clefs du nouvel appart lundi et que je dois rendre celui-ci mercredi prochain ?

— Oui et ? rétorque Jenna. Je vais me taper deux jours de cartons toute seule pour t’aider donc j’estime que je participe déjà beaucoup. De rien, hein.

— Pfffff, soupire Philippe. On ne peut vraiment rien te demander.

— La preuve que si, grince Jenna.

Phil soupire puis ajoute :

— Bref, sinon mes parents viennent manger vendredi soir.

— Au milieu des cartons ?! Non mais tu es sérieux là ?

— Bah mon père va m’aider à démonter les meubles. Tu n’auras qu’à préparer un truc simple, genre une quiche.

Punaise, et en plus il faut se taper ses parents !