Fyctia

Lorsqu’ils arrivent devant l’entreprise où travaille Kimberly celle-ci patiente sur le trottoir, la mine hautement contrariée.

— Fais chier… marmonne Kristian en se garant.

Les yeux clairs de Kimberly se posent sur Jenna avec une hostilité à peine dissimulée :

— Tiens… Jenna. Tu es encore là, déclare-t-elle en mettant légèrement l’accent sur le « encore ».

Eh oui Princesse Kimberly… si tu crois que tu vas te débarrasser de moi d’un claquement de doigts ou en tapant du pied, tu rêves éveillée ! Un sourire doucereux et hypocrite aux lèvres, Jenna répond tout en sortant de la voiture :

— Je n’allais pas partir sans te faire un petit coucou ! Tiens, je te rends ta place, susurre-t-elle en passant à l’arrière.

Le visage empourpré d’une rage qu’elle contient difficilement, Kimberly se tourne vers Kristian :

— Ça fait dix minutes que je t’attends !

— Ouais… désolé, on discutait en buvant l’apéro et on a loupé l’heure, se justifie-t-il d’un ton négligent.

Ils font le trajet retour dans un silence pesant. Une fois dans l’appartement, Kristian se tourne vers Kimberly.

— Je te sers un truc ?

— Oui va… vu que je ne suis toujours pas enceinte, je peux boire, grince-t-elle avec rancœur.

— Raaa ! s’agace Kristian. Tu ne vas pas recommencer avec ça.

— Quoi ?! rétorque Kimberly. C’est quand même normal que j’aie envie qu’on ait un enfant ! On est ensemble depuis des années et ça fait deux ans qu’on habite tous les deux ! J’ai vingt-sept ans, Kristian ! Et je n’ai pas envie d’attendre encore des années que tu sois prêt !

Ouch… en effet, elle est remontée…

— Et moi, je te dis qu’avec l’école de police et le reste, ce n’est pas le moment, lui assène Kristian.

Kimberly lui adresse un regard furibond.

— Allez, on arrête de se prendre la tête et on trinque ! lance Kristian d’un ton joyeux, afin de détendre l’ambiance.

Leurs verres s’entrechoquent et Jenna déglutit en buvant une gorgée du sien. L’atmosphère est irrespirable en dépit des efforts de Kristian pour changer de sujet conversation. Une boule dans la gorge, Jenna joue le jeu et se répand sur les réponses qu’elle attend tandis que Kimberly arbore une moue maussade.

— Appelle-moi dès que tu sais, lui rappelle Kristian.

Désireuse de s’en aller au plus vite, Jenna repose son verre vide sur la table et amorce un mouvement.

— Je te ressers la miss, déclare Kristian, joignant le geste à la parole.

Jenna roule des yeux vers lui et il lui adresse un petit sourire en coin.

Raaa ce que tu m’agaces quand tu fais ça ! J’ai bien compris que tu n’as aucune envie de te retrouver seul avec elle mais ce n’est pas une raison pour se servir de moi afin de faire tampon. Envoie-la chier une bonne fois si elle t’énerve tant que ça ! Et laisse-moi en dehors de vos conneries ! grince Jenna en s’efforçant de garder le sourire.

— Le dernier, après il va falloir que j’y aille, précise-t-elle.

— Raaa tu as le temps, proteste Kristian. Tu m’as dit que Marjo quittait toujours hyper tard.

Espèce de sale petit…

— Ma collègue Cindy est enceinte, intervient Kimberly. Elle nous l’a annoncé cet après-midi. Elle n’a que vingt-quatre ans et ça fait deux ans qu’elle est avec son copain. Il est en intérim donc son boulot est précaire mais il est ravi !

Kristian réprime un soupir et adresse un bref regard las à Jenna.

— Tant mieux pour eux…

— En fait, personne ne comprend pourquoi on n’a pas encore d’enfants ! lui reproche Kimberly avec hargne. Quand on est allés voir tes parents le week-end dernier, ta mère m’a demandé pourquoi je n’étais toujours pas enceinte et m’a demandé si on avait des soucis ! Alors que le seul problème, c’est toi !

Les traits tendus, Kristian s’allume une cigarette.

— Je te l’ai dit et redit. Ce n’est pas le bon moment ! J’ai mon école de police à faire et je ne sais pas où ils vont m’envoyer. Je ne veux pas avoir un bébé en n’étant pas sûr d’être présent pour lui.

— Pfff ! peste Kimberly en se levant pour aller dans la cuisine afin de prendre des glaçons.

Profitant de son absence, Kristian adresse un clin d’œil à Jenna. Elle lui répond avec un sourire crispé. Même si elle se réjouit sans réserve de leur mésentente manifeste, en être témoin la met mal à l’aise.

— Jenna, comment tu le prendrais si Philippe refusait de te faire un bébé alors que ça fait des années que vous êtes en couple ? reprend Kimberly lorsqu’elle revient dans la pièce.

— Euh… la question ne se pose pas, attendu que, perso, je ne suis pas pressée d’avoir un bébé, bredouille Jenna.

— Mais si tu voulais, comment tu le prendrais ? insiste Kimberly, visiblement décidée à la faire prendre parti.

— Tout dépend… s’il a des projets professionnels à réaliser avant, ça peut se comprendre qu’il souhaite attendre, répond Jenna, de plus en plus mal à l’aise. Je veux dire… il n’y a pas d’urgence. On a le temps pour ça. Et avoir un enfant n’est pas une fin en soi.

Kristian lui adresse un regard approbateur tandis que Kimberly se crispe :

— Quand on est en couple, c’est la suite logique.

Ouhhhhh putain j’en ai marre là… J’ai bien compris qu’elle est frustrée mais ce n’est pas mon problème ! Si Kris ne veut pas l’engrosser, c’est qu’il a ses raisons. Faisant mine de consulter son téléphone, Jenna lâche :

— Je suis désolée mais je vais devoir vous laisser, Marjo m’attend.

Sur ces mots, elle vide son verre d’un trait. Kristian lui sourit :

— Dès que tu as une réponse de la fac, tu me dis, lui rappelle-t-il.

— Oui, enfin je te rappelle que demain on est pris toute la journée, crache Kimberly. Tu te souviens ?

Kristian prend une brève inspiration.

— Oui, vu que tu me le rappelles depuis une semaine, j’ai capté.

L’électricité monte encore d’un cran dans la pièce et Jenna attrape son sac à main.

— Allez, je vous laisse. Bonne soirée.

— Tu m’appelles pour me dire ? lui demande à nouveau Kristian en lui faisant la bise.

— Je t’appelle plus tard, promet Jenna. Sûrement lundi.

Après avoir rapidement salué Kimberly, elle s’en va. Une fois dans la rue, elle pousse un soupir de soulagement. Putain… quel plan pourri ! En tout cas, je le plains, vu comment elle est remontée il va passer une soirée voire un week-end de merde ! Enfin, il l’a choisie hein.