Fyctia

Maintenant qu’elle est lancée sur le sujet du sexe, Jenna embraye :

— En fait, le truc c’est qu’avec Phil… je n’ai jamais réussi à jouir. Je me suis demandé si ça venait de moi, si j’étais… tu sais, frigide ou un truc comme ça… C’est ce qu’il pense en tout cas.

Kristian manque de s’étrangler avec le contenu son verre.

— Hein ?! La miss, sauf si tu es une super simulatrice, tu n’es pas du tout frigide ! Excuse-moi de te dire ça, mais si tu ne jouis pas c’est parce qu’il s’y prend comme un manche ! Après, je sais que tout le monde ne peut pas être aussi doué que moi mais quand même…

Jenna sourit brièvement devant cette petite vantardise somme toute justifiée et reprend après une autre lampée de whisky.

— Phil était mon premier… et, au début, c’était agréable le sexe avec lui mais ce n’était pas… tu vois, le bouleversement qu’on lit dans les livres…

Kristian s’esclaffe à cette déclaration aussi franche que naïve et leur sert un autre whisky avant de lui proposer une cigarette. Tirant sur le tube de nicotine, Jenna poursuit :

— En fait… c’est aussi pour ça que j’ai couché avec Chouchou — outre le fait que j’étais vraiment bourrée ce soir-là. Je voulais savoir si le problème venait de moi. Ça faisait un moment que ça me taraudait. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de le faire avec Greg mais à l’époque, j’avais des valeurs.

Un rictus aux lèvres, Kristian grince :

— C’est clair que Greg aurait été tout disposé à te rendre ce service… et ce n’est pas le seul.

Ignorant son intervention, Jenna explique :

— Tu vois, plus le temps passait, plus je me posais des questions… Je ne comprenais pas ce qui clochait chez moi. Chouchou est arrivé à point nommé… J’étais saoule et j’ai cédé. Juste pour voir si j’étais capable d’avoir un orgasme. Et surtout, j’avais envie d’une relation purement physique, rien de sentimental.

— Avec Chouchou ?!

De plus en plus enivrée, Jenna glousse.

— Oui… je reconnais que le choix n’était pas des plus judicieux mais comme je te l’ai dit, j’étais vraiment cartonnée, se justifie-t-elle. Bref, toujours est-il que ça a été un ratage total : c’était correct mais pas transcendant même si j’ai éprouvé un peu plus de plaisir qu’avec Phil. Mais je n’ai pas joui, ce qui fait que je me suis dit que Phil avait raison et que j’étais vraiment frigide. Et je passe sur le fait que Chouchou s’est mis à prier Dieu de le pardonner après.

— Hein ?! Tu ne me l’avais jamais raconté, ça !

— Non ? Je croyais.

Amusée, Jenna lui narre les remords de Chouchou et sa crise mystique avec moults détails. Tout en s’esclaffant de bon cœur, Kristian leur sert un autre whisky. L’ambiance est détendue et Jenna un peu saoule… Elle lâche :

— Il y a un truc qui m’a toujours surpris…

— Dis-moi, l’encourage Kristian.

— À ma connaissance, quand tu étais avec Hélène, tu ne l’as jamais trompée. Alors que Kimberly si…

Il faut admettre qu’elle se pose la question depuis un moment… Si Kimberly est son amour éternel ainsi qu’elle le clame à qui veut — ou pas— l’entendre pourquoi la trompe-t-il ?

Kristian grimace.

— Même si tu ne le crois pas, j’ai changé. Si je n’ai pas trompé Hélène, c’est parce que j’ai mûri.

Un sourire moqueur se matérialise sur les lèvres de Jenna et Kristian ajoute :

— Et j’avais une autre fille en vue…

— Mais oui, ironise Jenna. On y croit tous. Donc ? Pourquoi tu trompes Kimberly à tour de bras ?

Le regard de Kristian s’assombrit et elle mitige à la hâte :

— Je parle des premières années…

Cette fois, c’est au tour de Kristian de prendre une longue gorgée de whisky :

— Les deux premières années où on était ensemble, je n’ai rien fait. Mais on avait beaucoup de problèmes et elle ne faisait rien pour arranger la situation. Sa mère — Jocelyne—, précise-t-il avec une grimace, elle se mêlait de tout et ça me rendait fou que Kimberly ne prenne jamais mon parti face à elle. La première fois que je l’ai trompée, je le lui ai avoué parce que j’attendais une réaction de sa part. Mais elle n’a rien fait. Et moi… je n’ai jamais eu le courage de la quitter. Que ce soit elle ou une autre, je ne sais pas rompre.

Spoiler alert : c’est bien là leur problème à tous les deux… Ni Kristian, ni Jenna ne sait mettre fin à une relation. Ils ne veulent pas blesser ceux qui tiennent à eux et se montrent aussi lâche l’un que l’autre lorsqu’ils se retrouvent dans ce cas de figure…

De fil en aiguille, ils évoquent leur rencontre, presque sept ans plus tôt.

— La grosse erreur que tu as faite à l’époque, c’est de ne pas dire aux filles avec qui tu sortais que tu avais déjà une copine, soupire Jenna. Parce que forcément, elles s’attachent à toi.

Un demi aveu de la part de Jenna mais pour une fois elle a décidé de jouer cartes sur table. Enfin… dans les limites du raisonnable.

— Je ne voulais pas qu’on sache que j’avais quelqu’un parce que j’aimais l’image du mec qui change de copine toutes les semaines, admet Kristian.

— Donc en fait, tout cela n’était qu’une question de vanité, réalise Jenna. Mais avec tes conneries, tu as fait du mal Kris. Pour moi, ça aurait tout changé de savoir que tu étais en couple ! Quand je suis arrivée à la fac, j’avais des principes ! Et puis, je t’ai rencontré…

Sans la quitter des yeux, Kristian la ressert.

— Continue la miss, l’incite-t-il.

Un petit sourire échappe à Jenna tandis qu’elle replonge dans le passé.

— Le soir où on s’est rencontré, je t’ai trouvé super beau… trop pour moi. Mais il n’y avait pas que ça. Quand on a parlé, je t’ai trouvé intéressant. J’ai complètement craqué pour toi mais j’étais certaine qu’une fille comme moi ne pourrait jamais te séduire. En plus, j’étais sûre que je ne te reverrai jamais. Mais ça n’a pas été le cas. C’est toi qui es venu vers moi et qui m’a cherchée, l’accuse-t-elle à demi.

Les yeux dans les siens, Kristian avoue :

— Oui. Tu me plaisais de dingue. Je te trouvais mignonne, amusante et pas conne. J’avais hyper envie de sortir avec toi… Si j’ai hésité au début, c’est parce que tu étais très jeune mais j’ai fini par craquer.

Après avoir pris une gorgée de whisky, Jenna poursuit :

— Si j’avais su que tu étais avec quelqu’un, je ne serais jamais sortie avec toi. Ou peut-être que si, mais au moins j’aurais su où je mettais les pieds. Quand je pense que quand on est sortis ensemble la première fois, tu m’as dit que tu n’étais jamais tombé amoureux alors que tu étais depuis quatre ans avec Kimberly… lâche-t-elle d’un ton dégoûté.

— C’était vrai ! se défend immédiatement Kristian. J’avais des sentiments pour elle mais je n’étais pas amoureux !