Fyctia

Les apéros s’enchaînent et ils passent un moment agréable, entretenant une conversation légère ponctuée de nombreuses taquineries qu’ils poursuivent durant repas. lls rient tellement que Jenna manque de s’étouffer avec un grain de maïs. Suffocante, elle tousse bruyamment et Kristian lui tape vigoureusement dans le dos avant de lui servir un grand verre d’eau.

— Ça va ?

Le visage rougi et les yeux larmoyants, Jenna confirme après avoir vidé son eau.

— Le maïs est agressif, cette année, commente-t-elle.

— Si tu mettais plus de mayo, ça glisserait mieux, professe Kristian. C’est comme pour le reste, il faut bien lubrifier.

— Amis de la poésie, bonsoir… glousse Diana. J’ose à peine imaginer ce que vous faites quand vous n’êtes que tous les deux…

— Hem joker… toussote Jenna avant de changer de sujet, les joues de nouveau empourprées.

Ils en viennent sur le sujet de l’amitié. Kristian distingue les vrais amis et les simples potes.

— Cette habitude que tu as de tout compartimenter, grince Jenna.

— Bah oui, admet Kristian. Les potes, tu passes des bonnes soirées avec eux mais ça reste superficiel. Les amis, eux, sont présents dans les bons et les mauvais moments ! Même si les amitiés, ça vient et ça va. Prends Greg, on était super potes quand on était à la fac et maintenant, on ne se donne même plus de nouvelles. C’est comme ça, c’est la vie.

— Une relation, ça s’entretient dans les deux sens, riposte Jenna. Si un des deux a toujours l’impression de faire le premier pas, ça ne marche plus au bout d’un moment.

— Je suis bien d’accord avec toi, la miss. Parfois, c’est bien que ce ne soit pas toujours le même qui prenne l’initiative, lâche Kristian d’un ton nonchalant. Pour en revenir à Greg, peut-être qu’on n’était pas aussi amis que ça… Si je me retrouvais dans la merde, ce n’est pas à lui que je téléphonerais en premier.

— Pourtant, tu pourrais être surpris… il ne faut pas toujours rester sur ses certitudes.

— Ah ça ! ricane Diana.

Kristian s’autorise un petit sourire à sa réaction, puis :

— Tout à fait d’accord, mais j’en connais qui sont butées.

— Comme si ce n’était pas ton cas, rétorque Jenna. Je dis juste que, perso je ne quantifie pas le degré d’amitié que j’ai pour quelqu’un. On est amis ou on ne l’est pas.

— Mais tu es plus proche de certaines personnes que d’autres, argumente Kristian. Et il y a des relations privilégiées. Regarde le soir où tu m’as appelée en larmes parce que tu n’avais pas eu ton DESS. Si ça avait été Diana ou Marjo à ta place, j’aurais abrégé la conversation.

— C’est noté, s’amuse Diana. Si je queute ma soutenance, je me rappellerai de ne surtout pas chercher du réconfort auprès de toi.

Sans tenir compte de l’interruption, Kristian poursuit en fixant Jenna.

— Si c’est moi que tu as contacté, c’est parce que tu savais que je serais là pour toi.

Le cœur de Jenna se serre… Manière subtile de me remettre à ma place : je ne suis qu’une amie amicale, interprète-t-elle, fidèle à ses travers.

— Malheureusement, je ne pouvais rien faire pour t’aider et faire en sorte que tu l’ais. La seule chose que je pouvais faire c’était de t’écouter et d’essayer de te remonter le moral autant que possible, continue-t-il. Même si je n’ai pas été très bon…

— Si tu l’as été, rétorque Jenna. Tu m’as dit ce que j’avais besoin d’entendre : que ce n’était pas la fin du monde, que ma vie n’était pas foutue et que la meilleure chose à faire était de me prendre une bonne biture et de relativiser le lendemain.

Elle ne ment pas. Kristian l’ignore mais sans lui, elle aurait coulé à pic.

— J’étais dégoûté pour toi que tu n’aies pas eu ton diplôme, mais ça m’a fait plaisir que tu me téléphones ce soir-là et de pouvoir être là, ajoute Kristian.

Jenna lui adresse un regard surpris tandis que Diana sourit derrière ses cheveux. Échauffé par l’alcool, Kristian reprend :

— Quand je « n’ai pas eu » mon concours, Kimberly me l’a annoncé au téléphone. Le soir, quand je suis rentré après le boulot, elle m’a juste dit « alors, t’es déçu ? ». Beh oui, qu’est-ce qu’elle croyait ?! Vachement compréhensive Kimberly, commente-t-il avec un zeste d’amertume.

Jenna retient un sourire ironique. Cela fait belle lurette qu’elle s’est fait son opinion sur la « parfaite et si gentille Kimberly », toutefois la partager avec Kristian ne servira qu’à la faire passer pour une fille envieuse et aigrie aussi garde-t-elle le silence. Kristian soupire et ajoute :

— Mais bon elle aussi avait eu sa journée de boulot, elle avait autre chose à faire que de s’occuper de mes problèmes.

Jenna se mord la langue pour ne pas répliquer. Vous vivez ensemble et Kimberly ne cesse de vanter la solidité de votre amoooooour ! Bien sûr qu’elle aurait dû être là pour toi ! Un couple ce n’est pas qu’essayer H24 de se faire passer la bague au doigt, c’est aussi écouter l’autre et le consoler quand il le faut. Mais pour princesse Kimberly ça fonctionne visiblement en sens unique. Cette fille n’en a rien à foutre de ton bien-être, la seule personne qui l’intéresse c’est elle-même et de te mettre le grapin dessus une bonne fois pour toutes afin de pouvoir se faire mousser auprès des gens au sujet de sa soi-disant parfaite idylle. Si c’était si bien que ça entre vous, tu n’irais pas voir ailleurs…

— Ouais enfin quand même… lâche Diana d’un ton peu convaincu.

— D’un autre côté, reprend Kristian d’un ton pensif. C’est étonnant qu’elle se soit trompée pour mon admission à l’écrit ET à l’oral…

Non vraiment ? Avec un tel sens de la déduction, tu vas faire des étincelles à l’école de police, ironise Jenna qui se mord la langue pour ne pas exprimer ses pensées à voix haute. Non, parce que là, soit elle est complètement conne et doit retourner en primaire pour apprendre à lire correctement, soit c’est une grosse égoïste qui choisit ses intérêts au détriment de tes aspirations.

Spoiler alert : il faut reconnaître une chose à Kimberly. Elle semble si lisse et inoffensive qu’il ne viendrait à l’idée de personne de la soupçonner de duplicité.

Après un bref soupir, Jenna se tourne vers Kristian :

— L’important c’est que tu ais été reçu à ton concours et que tu fasses un boulot qui te plaît.