Fyctia

Marjo téléphone à Jenna le lendemain pendant que Phil est une fois de plus au cyber-café.

— Saluuuuut ! Alors c’était bien les vacances ?

Jenna lui répond avec le même laconisme qu’elle a usé avec Diana et attend que Marjo relance la conversation. La raison de son appel est rapidement évidente.

— Euh… en fait, je n’arriverai que mardi après-midi. Juju part en vacances et elle a son train mardi matin. Du coup, comme je ne bosse pas, je lui ai proposé de venir pour le week-end.

Pourquoi je ne suis pas étonnée ?

— OK. Tu restes jusqu’à vendredi comme prévu ou tu repars plus tôt ? l’interroge Jenna d’un ton indifférent.

Marjo toussote.

— Je… hem… Vivi m’a invitée à aller la voir, elle fait le pont et ne bosse pas vendredi donc c’est l’occasion.

— Ah… et donc tu y vas quand ? Mercredi ?

— Non, jeudi, assure Marjo.

Heureusement qu’on devait bloquer notre semaine complète pour qu’on la passe toutes les trois, blablabla…

— Ça marche, répond-elle toujours aussi indifférente.

À l’autre bout de la ligne, Marjo déglutit.

— Au fait, j’ai reçu ta carte. Merci.

— Pas de quoi, c’est normal, se contente de répondre Jenna.

— Euh… à part ça Chouchou m’a téléphoné, il sera là aussi.

Moi je veux dire, trop de la balle, voilà quoi !

— Ah ? Il dort où ? Parce que moi j’héberge déjà Elsa, elle m’a envoyé un texto hier pour me le demander.

— Je… il va voir avec Tom, je pense. Il devait l’appeler. Dans le pire des cas, on s’arrangera avec Paul.

Jenna sourit en percevant le malaise grandissant de Marjo. C’est moins marrant hein quand je ne me montre pas aussi conciliante que d’habitude ?!

— Sinon, il paraît que tu as invité Hélène…

— Je vois que les nouvelles vont vite, persifle Jenna. Oui, elle m’a envoyé un message pendant mes vacances pour prendre de mes nouvelles, du coup je l’ai rappelée, on a bien discuté et, de fil en aiguille, je lui ai proposé de passer la semaine prochaine.

Un bref silence lui répond puis Marjo coasse.

— Je ne suis pas super ravie de la revoir mais bon… tu fais ce que tu veux.

— T’inquiète, statistiquement c’est peu probable qu’elle vienne sur l’un des deux soirs où tu seras là. Sinon, c’est chouette que Tom vienne. On sera presque tous là.

— Oui, j’en ai parlé à Kimberly quand on s’est vues mais ils ne pourront pas être là parce qu’ils partent en vacances.

Trop chou, tu as invité ta nouvelle amie pour la vie à venir faire la chouille chez moi sans même me demander mon avis.

— Grand bien leur fasse !

— Ah, ça me fait penser… Kris a eu son concours finalement, figure-toi que Kim s’est encore plantée dans les résultats. C’est dingue, non ?

Hallucinant ! Une personne atteinte de jalousie paranoïaque dirait sans doute que ce n’est pas un hasard. Raison pour laquelle je ne le dirai pas.

— Bref, c’est cool pour lui qu’elle se soit trompée dans ce sens-là, tente Marjo devant son absence de réaction.

— Oui, en effet.

— Tu n’as pas l’air surprise. Tu le savais déjà ?

— Bah non. Comment je pourrais être au courant ? Après tout, comme tout le monde le sait, je n’ai pas plus que ça de relations avec Kristian, ironise Jenna d’une voix glaciale. Mais en tout cas, ça me fait super plaisir pour lui, il faudra que je pense à le féliciter à l’occasion. À part ça, quoi de neuf au taf ?

Semblant totalement déconcertée, Marjo répond mécaniquement avant d’annoncer :

— Par contre, je suis désolée… mais je vais devoir te laisser. Le train de Juju ne va pas tarder à arriver et je dois aller la chercher à la gare.

— Oui bien sûr, ce serait dommage de la faire attendre, plussoie Jenna d’un ton onctueux. Je ne vais pas te retarder plus longtemps. On se dit à mardi, sauf si tu as un empêchement de dernière minute ou que le conducteur du train oublie de desservir la gare de l’Est. Bises.

— Euh … bises, répond Marjo d’un ton nettement moins enjoué qu’au début de son appel.

Satisfaite, Jenna s’autorise un sourire et pose son portable sur le canapé. Ah bah oui ma petite Marjo, je suis bien gentille, mais comme on dit chez moi : tu me chies dans les bottes une fois, pas deux. Bon, je me vais me faire un petit thé, tiens. Et me fumer une clope avant que l’autre ne rentre.

Fun fact : certaines personnes prétendent que Jenna est rancunière. Une affirmation dont notre héroïne n’a jamais compris la raison.

***

Phil et Jenna s’offrent un week-end tranquille à la maison. L’un et l’autre ont assez vus la bande de copains de Phil même si celui-ci l’admet du bout des lèvres. Au menu : films, balades et câlins.

— Vous ne serez qu’entre filles la semaine prochaine ? demande Phil à Jenna le dimanche soir.

— Non, il y aura Chouchou et Tom, pourquoi ?

— Bah vu que le jeudi est férié et que tu vas passer le week-end chez tes parents, je me disais que je pourrais te rejoindre le mercredi soir et faire la fête avec vous…

Génial… bon en même temps, vu le peu que j’ai à dire à Diana et Marjo…

— Si tu veux. Après, tu peux aussi m’accompagner chez mes parents, souligne Jenna.

— Euh… j’ai prévu un truc avec les Bretons vu qu’ils rentrent de vacances.

Mais bien sûr… songe Jenna qui n’insiste pas.

***

Diana appelle Jenna alors que celle-ci est dans le train la ramenant chez elle.

— Salut Jen ! Je suis désolée mais je suis coincée chez mes parents. Leur voiture est en panne et je n’arriverai que demain. Je le suis arrangée avec Elsa pour faire la route avec elle. Je voulais te prévenir avant que tu partes.

Bah voyons… ricane Jenna.

— Trop tard, je suis dans le train.

— Mince…

— Ce n’est pas grave, assure Jenna. J’ai des trucs à faire chez moi de toute façon.

Après s’être excusée deux ou trois fois de plus, Diana raccroche finalement.

***

De retour chez elle, Jenna tue le temps en faisant du ménage, du rangement et en classant ses photos dans des albums. Une fois ces tâches terminées, elle se laisse tomber sur le canapé. Il n’y a rien à la télé et elle s’ennuie ferme. Seule avec ses pensées, elle remâche les paroles de Marjo et Diana, son amertume grandissant au fil des heures. Elles n’y comprennent rien, grince-t-elle.

De guerre lasse, elle se couche vers vingt-deux heures. Au moins, je serai en forme pour demain, se console-t-elle.