Fyctia

Les vacances de Phil sont presque terminées et il s’offre une après-midi de jeux en réseau au cyber café. Jenna profite de son absence pour téléphoner à Hélène. Celle-ci répond immédiatement et elles débutent leur discussion en restant prudemment sur le sujet professionnel. Hélène est toujours aussi agacée par son chef de service et elle a décidé de postuler ailleurs.

— Et je pense que je vais essayer d’intégrer un DEA en pathologies du vieillissement, termine Hélène. Et toi ? Tu en es où ?

Jenna lui résume les démarches effectuées.

— C’est chaud de rentrer à Nanterre, commente Hélène. Ils ne prennent pratiquement que des étudiants qui ont fait leur cursus chez eux.

— Je sais… soupire Jenna. Mais il est hors de question de retourner pleurer auprès de Criquet et compagnie.

— Tu sais quoi ? Si tu n’es pas prise cette fois-ci, inscris-toi à Nanterre pour une seconde maîtrise, conseille Hélène. Genre, psycho sociale ou du développement. Avec une année chez eux et un double Bac +4, ils te prendront à coup sûr l’année prochaine !

— Ce n’est pas bête… admet Jenna. Sinon à part ça, quoi de neuf dans ta vie ?

La perche est lancée et Hélène la saisit sans hésiter :

— Alan a abordé l’idée qu’on se marie mais je t’avoue que j’ai botté en touche, confie-t-elle à Jenna.

— Ah bon ? Pourquoi ?

— Déjà, je me trouve trop jeune pour ça. Et puis, il n’est qu’en intérim et même s’il travaille régulièrement en ce moment, je n’ai pas envie de me retrouver liée à quelqu’un qui a une situation professionnelle instable…

— Et ? l’incite Jenna qui sent que ce n’est pas tout.

— Raaa, d’accord… Je suis amoureuse d’Alan, mais je ne suis pas certaine que ce sera le cas toute ma vie. Je sais que tu n’es pas fan du mariage mais pour moi ça représente un engagement sacré et je ne tiens pas à épouser le premier venu sur un coup de tête.

— En fait, pour le coup je suis plutôt d’accord avec toi, affirme Jenna. Vu l’importance que ça a à tes yeux, je trouve ça bien que tu prennes ton temps et que tu pèses ta décision.

— Et surtout, tu n’aimes pas Alan, rit Hélène.

— J’admets… je ne comprendrai jamais ce que tu lui trouves mais tous les goûts sont dans la nature.

— En parlant de ça, et toi alors ? Tu es toujours avec Phil ou tu t’es enfin mise avec Kristian ?

Jenna soupire.

— Toujours avec Phil…

— Oh… et Kristian, tu le vois encore ?

— Oui, on se voit régulièrement.

— Il est toujours avec l’autre ?

— Pfff hélas… déplore Jenna.

— Mince, j’espérais que ça aurait un peu bougé entre vous. Je suis sincère, assure Hélène.

Jenna se mord les lèvres, hésitante, puis…

— En fait, il m’a présenté ses parents.

Ce n’est ni prudent, ni très gentil mais Hélène l’a fait bisquer tellement de fois lorsqu’elle sortait avec Kristian que Jenna ne peut résister à la tentation de lui rendre la monnaie de sa pièce. D’autant qu’elle est bien placée pour savoir qu’Hélène en était malade de n’avoir jamais été invitée.

— Il t’a emmenée chez lui ? souffle-t-elle, incrédule.

— Oui.

— OK… donc ça confirme ce que je pense : il n’a jamais été réellement amoureux de moi et il m’a utilisée pour se rapprocher de toi parce que tu l’as envoyé balader quand il est revenu, lâche Hélène. Enfin, ce n’est pas grave. Au moins maintenant, j’en ai la preuve et ça me conforte dans l’idée que je n’ai rien perdu en le quittant. En fait, le seul truc que je regrette dans cette histoire, c’est qu’à cause de lui, on s’est éloignées.

— Ce n’est pas uniquement sa faute…

— Oui, mais admets que ça l’est en grande partie, soupire Hélène. En tout cas, je t’avoue que nos petites soirées filles me manquent. Diana aussi… bon, je n’irai pas jusqu’à en dire autant sur Marjo mais tu vois l’idée.

Jenna s’esclaffe.

— Tout à fait !

Elle hésite brièvement puis ajoute :

— Tu sais, je passe la semaine prochaine dans mon appart, on a prévu de se voir avec les filles. Si tu veux te joindre à nous, tu es la bienvenue en ce qui me concerne.

— Vraiment ? Je bosse mais je vais essayer de m’arranger. Je t’appelle si je peux venir.

— On fait comme ça.

Là-dessus, elles parlent encore quelques minutes avant de se quitter.

Après avoir fini sa discussion avec Hélène, Jenna hésite brièvement puis envoie un texto à Kristian. Après tout, il lui a demandé de le contacter à son retour de vacances.

• Salut le plus beau ! Je suis assez bien rentrée de vacances. Et j’ai eu des nouvelles d’Hélène…

Le téléphone de Jenna sonne dans la minute suivant la réception du texto par Kristian. Bah voyons… des nouvelles de sa chère Hélène, c’était sûr qu’il ne résisterait pas, grince Jenna en décrochant.

— Salut la miss ! Comment ça « assez bien rentrée » ? Il y a quelque chose qui ne va pas ?

Jenna lui explique ses déboires bucco-dentaires.

— Aïe ! Je te plains la miss ! Perso, je déteste les dentistes, rien que le bruit de la roulette me fait froid dans le dos alors l’idée de devoir passer sur le billard pour me faire arracher des dents… j’en ai des sueurs froides.

— Tu as peur du dentiste ? Un grand garçon comme toi ? le taquine Jenna.

— Ahahaha… et toi tu as des dents de sagesse ? Pourtant, il ne me semble pas que tu sois si sage que ça… Si je me souviens bien, c’est même plutôt le contraire.

— Très drôle, Kris… Sinon, j’ai eu des nouvelles d’Hélène…

—Elle n’est pas encore morte, elle ? Oh non, je plaisante ! J’espère pour elle qu’elle va bien. En tout cas, c’est sympa qu’elle t’ait appelée, énonce Kristian d’un ton indifférent.

— Oui, écoute ça a l’air d’aller… Sauf que son taf la gave et qu’elle cherche ailleurs, explique Jenna. En tout cas, elle avait l’air en forme. Elle va peut être passer à la maison la semaine prochaine.

— Ah ? Bah tant mieux pour toi, même si je ne suis pas si sûr que ce soit une bonne nouvelle, s’esclaffe Kristian. Pour son taf, par contre, c'est dommage.

Jenna ouvre la bouche pour répondre mais Kristian reprend tout à trac :

— Je suis super content que tu m’aies envoyé un message. . J’avais trop hâte que tu rentres de vacances ! J’ai un truc à t’annoncer.

Le cœur de Jenna loupe un battement et elle déglutit. Ça y est… Kimberly a réussi. Ils sont fiancés ou alors elle est enceinte, imagine-t-elle avec désarroi.

— Je t’écoute… coasse-t-elle en s’efforçant de se blinder.