Fyctia

La visite de Aix déçoit Jenna. Elle ne trouve aucun charme particulier à la ville et, en dépit de son nouveau chapeau, elle souffre atrocement de la chaleur. Ses compagnons sont tout aussi peu emballés qu’elle.

— On bouge sur Marseille ? propose Candice vers quatorze heures.

— Pffff avec les bouchons, on en a au moins pour une heure, gémit Phil. Je serais plus d’avis qu’on se rentre et qu’on se rafraîchisse dans la piscine.

Sa suggestion remporte la majorité des suffrages.

— J’aurais bien voulu voir Marseille, tente timidement Jenna.

Phil lui adresse un regard noir.

— Bah voyons, ça se voit que ce n’est pas toi qui dois se taper toute la route en plein cagnard.

Candice lui lance un regard compatissant et Jenna grimace.

— Non mais c’est bon… renonce-t-elle à regret. On ira une autre fois.

Judicieuse décision, d’autant que Ben et Isabel semblent décidés à battre le record de la mésentente jusqu’à présent détenu par Jen et Phil. Entre eux, tout est prétexte au conflit et même Jenna s’en amuse.

***

Tandis qu’Isabel et Candice préparent une salade et que Phil et Georges s’activent pour démarrer le barbecue, Ben se laisse tomber à côté de Jenna qui s’offre une cigarette avec son rosé.

— Ma chère Jen… j’ai une question hyper importante à te poser, commence-t-il, un melon dans les mains.

Pfff mais qu’est-ce qu’il veut encore celui-là ?

— Oui ?

— Est-ce que tu suces pour un melon ?

Un rire aussi incontrôlable que nerveux secoue Jenna en l’entendant. Non mais sérieux… il me fait la blague des pommes avec des melons ? Vraiment ? À moi ? Savourant le moment, elle réplique :

— Alors mon cher Benoît, on va abréger de suite… Que ce soit pour dix, vingt ou zéro melon. Je ne suce pas tout court. Point final.

Benoît sourit :

— Ce n’est pas ce que Phil nous a dit… il s’est même vanté que tu avalais… et que tu étais une vraie gourmande. C’est vrai ou pas ? Parce que je t’avoue que moi, ça me fait fantasmer…

Mais quels connards !

— Ça va Ben, je ne vous dérange pas ?! intervient Phil, les faisant sursauter.

— Euhhh… bredouille Ben. Isa m’appelle.

Après cette débandade, Jenna grince des dents :

— C’est bon, tu te fais bien mousser auprès de tes potes ?

— Pff tu sais comment c’est… on picole et on discute.

— Mais oui… j’adore passer pour la folle du sexe.

— Raaaa c’est bon, je suis sûr que tu en dis autant à tes copines, argue Phil.

Oh bah oui, je leur raconte à quel point tu es un mauvais coup et que tu n’arrives pas à me faire jouir. Il y a vraiment de quoi se vanter, youhouuuu…grimace Jenna.

Devant le regard noir de Jenna, Phil baisse la tête.

— Je… je suis désolé, on avait bien picolé la semaine dernière… Ben a dit qu’Isabel refusait d’avaler alors… Je n’aurais pas dû. Mais je ne pensais pas que Ben allait t’en parler.

Jenna lève les yeux au ciel.

— Comme s’il allait laisser passer cette occasion ! Sérieux des fois, je me demande à quoi tu penses.

Philippe grimace.

— C’est bon, j’ai eu tort je sais, mais ce n’est pas la peine d’en faire une maladie.

— Le melon est servi ! lance Candice, interrompant ainsi la dispute naissante.

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Jenna emboîte le pas à Philippe. Encore du melon… soupire-t-elle. Comme tous les jours. Sérieux on est obligé d’en bouffer à tous les repas ?

Maussade, elle picore son assiette pendant que Phil, Ben et Georges s’occupent des grillades. Du coin de l’œil, elle observe Ben et Phil dont la conversation semble houleuse. Au bout d’un moment, Ben hausse les épaules tandis que Phil s’éloigne à grands pas, visiblement contrarié. Jenna s’autorise un petit sourire et se sert un nouveau verre de rosé. On dirait que Ben commence à descendre de son piédestal.

La soirée progressant et le niveau des bouteilles baissant, la bonne humeur revient. Le repas terminé, Phil propose :

— On se fait un Risk ? Je l’ai pris avec moi.

Hein ?! Mais quand il a fait ça ?

Candice et Jenna échangent un regard las tandis que les autres accueillent la nouvelle avec joie.

— On y joue comment ? demande Isabel.

En dépit des insistances de Phil et Georges, Jen et Candice décline l’invitation à jouer, préférant aller se coucher.

***

Comme il fallait s’y attendre, Candice et Jenna prennent leur petit déjeuner en tête à tête le lendemain matin. À dix heures du matin, elles sont encore les seules à être réveillées. Candice se tourne vers Jenna.

— Ça te tente d’aller faire un tour ?

Jenna accepte avec joie.

— J’en profiterai pour acheter mes cartes postales, décide-t-elle.

— Et on va prendre quelques provisions sur le marché, décide Candice.

***

Lorsqu’elles rentrent vers midi, les autres viennent de se lever. Phil pose un regard ensommeillé sur Jenna.

— Vous étiez où ?

— On est allées faire un tour au marché du village d’à côté. On en avait marre de rester ici à ne rien faire.

— Pfff mais quelle idée de se lever aussi tôt ! On est en vacances…

Jenna lève les yeux au ciel.

— Bah justement, il faut en profiter pour visiter.

***

Les joueurs de Risk ayant la gueule de bois, ils décident de passer la journée à profiter de la piscine. Candice et Jenna échangent un regard. Hors de question de rester encore des heures à ne rien faire…

— On va se balader au village ? propose Jenna.

— Bonne idée !

Elles demandent à la cantonade qui veut les accompagner mais comme de jute se retrouvent en duo.

***

Candice étant aussi lasse du melon que Jenna, elles ont acheté des concombres pour le repas. Isabel les rejoint dans la cuisine alors qu’elles s’apprêtent à préparer la salade du soir.

— Oh… surtout n’oubliez pas de les épépiner !

— Hein ?! Depuis quand on épépine les concombres ? réagit Jenna.

— Bah moi je le fais, rétorque Isabel. Les pépins me donnent des aigreurs d’estomac. Il suffit de retirer tout le cœur des concombres.

La moutarde monte au nez de Jenna.

— Ah oui ? Bah tu sais quoi ? Tu n’as qu’à le faire toi-même ! lance-t-elle. Moi, j’ai des cartes postales à écrire.

Isabel hausse les épaules.

— Si tu veux.

Agacée, Jenna rejoint l’une des chaises longues et commence à rédiger ses cartes. Il faut dire qu’elle en a beaucoup à envoyer : ses parents, son oncle, Marjo, Diana, Elsa, Chouchou, Thomas et Kristian… Phil la rejoint et s’empare d’une des cartes.

— Ah bonne idée, je vais faire les miennes.

— Hein ? Je suis désolée mais j’en ai juste assez pour moi.

— Raaa tu aurais pu m’en acheter aussi ! Ce n’est pas possible d’être aussi égoïste, peste Phil. Bon, j’en prends trois, tu n’auras qu’à en racheter demain. En plus, je ne comprends pas pourquoi tu as besoin d’autant de cartes.

Mâchoires serrées, Jenna prend sur elle tandis que Phil s’empare des cartes postales. Ce n’est pas grave, se rappelle-t-elle. Tu en rachèteras demain, ne te dispute pas pour ça.