Fyctia

Philippe rentre au moment où Jen raccroche.

— C’était qui ?

— Pascal. Il est super content : il a été pris à l’école du travail social.

— Et il t’appelle toi pour nous l’annoncer ? Là, je ne capte pas. À la base c’est mon pote, pas le tien !

— Roooo tu ne vas pas en faire un caca nerveux, s’amuse Jenna. Tu sais bien qu’on parle souvent de taf avec Pascal vu qu’on est tous les deux dans le social.

— Mouais… sinon avec Ben, Thierry et Mike, on a prévu de se faire des petites vacances entre mecs cet été…

— Ah oui ? C’est cool !

Yes ! Vacances pour Jenna aussi ! Visiblement soulagé par sa réaction, Philippe poursuit :

— On a prévu de partir du 13 au 23 juillet…

Ouhhhhh dix jours de tranquillité ? Trop bien !

— OK. Vous savez déjà où vous allez aller ?

— Euh… peut-être au Mont Saint-Michel ou à la Dune du Pilat, j’ai envie de voir la mer.

— Super, vous allez bien vous éclater, sourit Jenna.

Sans doute un peu décontenancé par sa réaction, Phil reprend :

— Et sinon, tu as fait quoi aujourd’hui ?

— Bof, pas grand-chose. J’ai regardé la télé et j’ai écrit, explique Jenna, passant sous silence la chasse aux zombies à laquelle elle s’est adonnée toute la matinée.

— En d’autres termes, tu n’as encore rien fait ! Franchement, tu ne te bouges pas assez ! Tu passes ton temps à jouer à la console ou à écrire dans ton stupide journal. Tu devrais sortir un peu plus !

— Et pour quoi faire ? Déambuler dans les rues sans but ? Je ne sais pas si tu as remarqué, mais c’est mort ici ! Hormis Yves Rocher, il n’y a pas le moindre magasin où se balader pour tuer le temps.

— Raaa il y a plein de coins super sympas à faire ! Tu pourrais faire les escaliers, ça ne te ferait pas de mal et ça t’aiderait peut-être à faire maigrir ton gros cul.

— Mais oui… répond Jenna qui a lancé sa chanson imaginaire dans sa tête à l’instant où Phil a émis sa première critique.

— Pfff, tu ne fais vraiment aucun effort, soupire Philippe.

— Eh oui, c’est tout à fait ça ! confirme joyeusement Jenna. Sinon, on mange ? J’ai prévu des crudités pour ton régime.

Le sifflet coupé, Phil la fixe tandis qu’elle dispose les salades sur la table. Alors qu’il s’installe, il admet :

— C’est vrai qu’il n’y a pas grand-chose à faire ici… Je comprends que tu t’ennuies pendant que je suis au boulot et que tu aies envie de voir du monde. Ça te fera du bien de voir tes copines la semaine prochaine.

C’est surtout de voir Kristian qui me fera du bien. Et sur tous les plans, songe cyniquement Jenna tout en souriant avec douceur.

Après cette manifestation de bonne volonté de Phil, ils passent une soirée apaisée qu’ils ponctuent au lit. Une fois Phil assouvi et après qu’il ait roulé de son côté du lit, Jenna sourit dans la pénombre.

Ouf… c’est fini ! Vivement la semaine prochaine, même si c’est nul vis-à-vis de ce pauvre Phil, s’avoue-t-elle, le cœur serré de culpabilité anticipée.

Toutefois, comme Kristian le dit souvent, mieux avoir des remords que des regrets. Sur cette pensée, Jenna s’endort.

***

Le reste de la semaine s’écoule tranquillement. Phil allant dîner en ville avec des collègues — dont l’incontournable Yannick— le vendredi soir, Jen invite Gwen à venir manger avec elle. Les deux copines passent un bon moment et s’amusent bien tout en arrosant largement leur repas et en fumant cigarette sur cigarette.

— Ah ça fait du bien de pouvoir se lâcher un peu ! souffle Gwen entre deux rigolades.

Elles évoquent leur premier amour et Jenna glousse en apprenant que celui de Gwen avait vingt ans de plus qu’elle.

— Et toi ? l’interroge Gwen. Je ne parle pas du premier baiser mais du premier mec dont tu es vraiment tombée amoureuse.

Jenna soupire :

— C’est Kristian, avoue-t-elle.

— Ton meilleur ami ?

— Oui. J’étais vraiment folle de lui, lâche Jenna avant de changer de sujet.

Yannick et Phil les appellent vers minuit. Ils sont dans un bar avec Pascal et leur proposent de les rejoindre pour finir la soirée. Bien éméchées, Gwen et Jen les retrouvent en ville et ils finissent la soirée à quatre heures du matin. Lorsqu’ils se couchent, Phil s’écroule sur le lit, totalement ivre.

— On s’est bien marré, balbutie-t-il.

— Oui, oui, répond nonchalamment Jenna.

***

Le mariage de Greg et Alice est une réussite. Un soleil éclatant brille dans le ciel, la robe d’Alice est une merveille toute en dentelle et Greg est radieux. Lorsqu’ils échangent leurs vœux, la voix de Greg se fêle sous l’effet de l’émotion. La gorge étranglée, Jenna sourit en voyant Alice prendre brièvement la main de Greg afin de l’aider à se reprendre.

Ça, c’est vraiment de l’amour… songe-t-elle avec une pointe d’envie.

La cérémonie terminée, ils se retrouvent dans un grand jardin pour le vin d’honneur. Phil n’est pas long à déserter Jenna au profit d’un vieux copain de collège et elle reste seule avec Chouchou. Ils en profitent pour régler leurs comptes.

— Moi je veux dire, tu aurais pu envoyer un texto pour me remercier pour ton cadeau d’anniversaire, reproche Chouchou.

— Pardon ? Je ne vois pas pourquoi je l’aurais fait, vu que tu n’as pas mis.

— Bien sûr que si ! se défend Chouchou. J’avoue que j’avais oublié sur le coup mais j’ai donné ma part à Marjo quand on s’est vus cette semaine.

— Oh… souffle Jenna. Je… désolée, je croyais que tu n’avais pas participé.

Un serveur les interrompt et, leurs verres de nouveau remplis, ils reprennent leur conversation.

— Je suis surprise que Marjo ne soit pas venue, soupire Jenna. Elle m’avait dit qu’elle n’était pas sûre d’être là mais je pensais qu’elle ferait quand même le déplacement.

Chouchou toussote, mal à l’aise.

— Euh… moi, je veux dire, c’est peut-être un peu à cause de moi. Elle était sensée m’accompagner mais il s’est passé un truc cette semaine avec elle. Je reconnais qu’elle m’en veut et que c’est entièrement ma faute.

Jenna tressaille et se tourne vers lui, prise d’un affreux soupçon.

— C’est-à-dire ? Qu’est-ce que tu as fait au juste ?

— Je… rien de grave, je te promets mais Marjo est furax après moi, soupire Chouchou.

Greg, un grand sourire aux lèvres, les rejoint à cet instant et Chouchou glisse à Jenna :

— Je te raconterais plus tard.