Fyctia

Kristian pose son front contre le dos de Jenna dont le cœur peine à reprendre son calme. Les jambes tremblantes et un peu partie, Jenna sent les bras de Kristian l’enlacer pour la redresser.

— Pardon, je suis venu trop vite, je n’ai pas réussi à me retenir… s’excuse Kristian.

Même si elle reste sur sa faim, Jenna fond sous sa contrition évidente. Sourire aux lèvres, elle se tourne vers lui et le regarde.

— Ce n’est rien, c’était très bien quand même, assure-t-elle avant de lui faire un smack.

— Oui mais c’est mieux quand on prend tous les deux notre pied, rétorque Kristian.

— Ne t’en fais pas pour ça, j’ai aimé aussi, répète Jenna avant de revenir à des considérations plus terre à terre. Par contre, tu aurais un bout de sopalin ou quelque chose ? Parce que là, j’ai beau serrer les cuisses…

— Je te donne ça tout de suite, la miss.

En dépit des efforts de Jenna, le sol est tâché. Rouge d’embarras, elle s’excuse. Kristian rit tout en essuyant :

— Tsss, et en plus tu ne gardes pas ce que je te donne…

— Ahahaha, très drôle ! Deviens une fille et on en reparle, rétorque Jenna tout en enfilant son string à la hâte et en ramassant son soutien-gorge. J’arrive, je dois passer aux toilettes.

Lorsqu’elle revient, toute trace de leur étreinte a disparu et Kristian est en train d’enfiler son jean. Jenna récupère sa jupe et son pull sur le sol. Ils échangent un sourire et Kristian propose :

— Une petite clope ?

Leurs corps assouvis, ils reprennent leur conversation. Lorsque Kimberly rentre du travail, suivie de peu par Marjo, ils sont tous les deux sagement assis l’un en face de l’autre. Après quelques instants de discussion, Kristian grimace en regardant son paquet de cigarettes.

— Mince, je n’ai plus de clopes.

— Moi non plus, réalise Jenna.

Kristian se tourne vers Kimberly.

— Tu ne voudrais pas aller en chercher au PMU du coin ? Pendant ce temps-là, je vais servir l’apéro.

Alors qu’elle pourrait fort justement faire remarquer à Kristian qu’ils ont eu toute la journée pour s’y rendre, Kimberly hoche la tête.

— Je viens avec toi, lui lance Marjo.

Pendant leur absence, Kristian se tourne vers Jenna.

— Tu veux bien sortir les verres, la miss ? Ils sont là-bas.

***

L’apéritif est enjoué. Kimberly reste un peu en retrait tandis que Kristian, Marjo et Jenna évoquent leurs folles soirées. Enfin, il va sans dire qu’ils évitent de mentionner certains détails. Au cours de la soirée, Kimberly tend son répertoire à Jenna.

— Tu pourrais me donner ton adresse ? Comme ça on t’enverra une carte postale quand on partira en vacances. Marjo, mets la tienne aussi.

Jenna s’exécute. Soit elle est vraiment idiote, soit c’est la plus hypocrite de nous tous, songe-t-elle en inscrivant son adresse.

***

Pour le repas, Kristian emmène tout le monde sur Paris. Au menu : kebab et frites. Jenna qui commence à angoisser en perspective de la nuit ne parvient pas à finir son plat tandis que Kimberly attend scrupuleusement que son plat soit froid. Toutefois, ils arrosent le repas tout en entretenant une conversation légère.

Ils terminent la soirée dans un bar autour d’un verre. Kimberly ne cesse de prendre la main de Kristian et l’appelle « mon amour » à tout bout de champ. Dans le ventre de Jenna, les papillons en crèvent littéralement et elle est soulagée de la présence de Marjo qui ne cesse de relancer la conversation. Marjo et Jenna évoquent les nombreux militaires croisés durant leur première année à la fac. Kristian, un brin acide, se tourne vers Kimberly.

— C’est comme toi et ton légionnaire.

Tiens, tiens, Princesse Kimberly aurait-elle fauté ? Parce que vu que selon elle, ils filent le parfait amour depuis dix ans, elle aurait commencé jeune, songe Jenna.

Marjo reprend :

— Jen, tu te rappelles du coup où tu as payé la course en emballant le bidasse qui nous avait ramenées ? Comment il s’appelait déjà ?

Jenna se fend d’un sourire :

— Yves. J’étais jeune en ce temps-là, ça remonte…

— Tsss les conneries que tu as pu faire, s’amuse Kristian.

Toi, tu as de la chance qu’il serait malvenu de parler des tiennes…

— Ah bah, on est jeunes, on s’amuse, comme dirait Greg, rétorque Jenna.

Ils se quittent vers vingt-trois heures, Kristian déposant Marjo non loin d’une bouche de métro. Au vu de l’heure tardive, Jenna s’inquiète et Marjo promet d’envoyer un texto une fois en sécurité chez elle.

***

De retour chez Kristian et Kimberly, ceux-ci préparent le lit de Jenna. C’est encore pire que tout ce que j’avais imaginé, songe-t-elle en continuant à afficher son éternel sourire. Attendu que leur lit est en mezzanine, elle va dormir juste en dessous.

Après avoir encore un peu bavardé, fait un passage à la salle de bain et fumé une cigarette pour Kristian et Jenna, ils procèdent à l’extinction des feux vers minuit.

***

Comme on pouvait s’y attendre, Jenna peine à trouver le sommeil. Le kebab lui reste sur l’estomac et elle a atrocement mal au ventre — à moins que ses crampes ne soient causées par l’aigreur de la jalousie… Elle se tourne et se retourne, d’autant plus qu’elle remarque pour la première fois la présence d’une horloge dans la pièce. Elle serre les dents en entendant le tic-tac régulier qui amplifie encore ses douleurs gastriques et son stress. Elle ne supporte pas ce bruit depuis l’enfance et fait une fixette dessus. Comment quelqu’un de normal peut-il dormir avec un truc pareil dans la pièce ? s’agace-t-elle en rabattant la couette sur sa tête.

Épuisée et à bout de nerfs, Jenna s’endort finalement peu après trois heures du matin en se représentant l’image réconfortante de cette foutue horloge en miettes !

***

Lorsque Kimberly se lève vers sept heures et demi du matin, Jenna est déjà réveillée depuis dix bonnes minutes. Elle se sent toujours barbouillée et a vraiment du mal à digérer le kebab de la veille… entre autres choses.

Après s’être préparée en s’efforçant de faire le moins de bruit possible, Kimberly part travailler et Jenna réussit enfin à s’endormir, ses crampes d’estomac soulagées.

Elle émerge vers dix heures trente, tout comme Kristian.

— Ça va la miss ? Bien dormi ? l’interroge-t-il en descendant de la mezzanine.

Vu sa mine de papier mâché et le nombre de fois où elle s’est retournée sur le matelas durant la nuit, Jenna peut difficilement mentir.

— Bof, pas terrible. J’ai eu un peu de mal avec le tic-tac de l’horloge, déclare-t-elle en gratifiant l’objet incriminé d’un regard noir.

— Raaa tu aurais dû le dire ! Je l’aurais mise dans la cuisine.

— Non je n’allais pas vous déranger pour ça, soupire Jenna. De toute façon, je n’aurais pas mieux dormi, j’ai eu super mal au bide jusqu’à trois heures du matin. Je crois qu’il y a un truc qui n’est pas passé dans le kebab.

Kristian baisse brièvement les yeux tandis que Jenna déglutit. Raa mais pourquoi je lui ai dit ça ?

— Tu veux un petit café ? propose Kristian.

— Oui merci, ça va me réveiller !