Fyctia

La matinée — déjà bien entamée — s’écoule paisiblement. Son café bu, Jenna file sous la douche pendant que Kristian range le matelas. Tandis qu’il va à son tour se préparer, Jenna boit un autre café et répond à Magali qui lui a envoyé un texto pour lui demander comment s’est passée la nuit.

Jenna est tellement barbouillée qu’ils ne prennent pas l’apéro. Lorsque Kimberly rentre déjeuner, ils parlent nourriture durant une partie du repas avant d’évoquer les projets de l’après-midi.

— Je dois passer au taf pour récupérer une télé, annonce Kristian. Après on ira voir la tower, ça te va, Jen ?

— Je te suis, sourit-elle.

Kimberly soupire et adresse un regard languide vers la fenêtre. Il fait un soleil éclatant et les températures sont clémentes.

— Vous avez de la chance… j’irai bien me balader aussi au lieu d’aller bosser. J’aurais dû demander mon après-midi.

Pitié non ! songe Jenna qui l’a assez vue comme ça.

— OK, donc on te dépose au taf, on va chercher la télé, on rentre à l’appart puis on ira sur Paris en métro, décide Kristian.

— Pourquoi vous n’y allez pas en voiture ? s’étonne Kimberly.

— On ira plus vite en métro, je n’ai pas envie de rester coincé des heures dans les embouteillages, rétorque Kristian.

— Mais non, un jeudi en début d’après-midi, il n’y aura personne, ça roulera bien, affirme Kimberly.

Là-dessus, après avoir débarrassé la table, ils se lèvent d’un même mouvement. Une fois devant la voiture, Kimberly lance à Jenna.

— Monte devant.

Surprise, Jenna obtempère. Ils bavardent tous les trois durant les dix minutes de trajet puis Kimberly sort de la voiture à regret.

— Bon… bah à bientôt, Jen. Amusez-vous bien cet après-midi. Mon amour, tu passes me prendre à dix-huit heures ?

Après le lui avoir assuré et un smack, Kristian démarre. Il se tourne vers Jenna et lui adresse un sourire.

— On y va la miss.

***

Lunettes de soleil sur le nez, Jenna suit Kristian jusqu’à l’entrée. Là, elle salue Kévin qu’elle a rencontré lors de sa dernière visite et Kristian lui désigne le second.

— C’est Rudy.

Celui-ci lance à Kristian :

— C’est ta petite sœur ?

Jenna et Kristian gloussent à cette supposition et Kristian le corrige :

— Non, c’est une copine de la fac, c’est Jen.

— Ah… c’est elle, la fameuse Jen… lance Rudy en la détaillant avec attention.

Interloquée, Jenna se tourne vers Kristian. Fameuse ? Pourquoi fameuse ? Qu’est-ce qu’il a raconté à ses collègues ? Et pourquoi il leur parle de moi ?

Kristian adresse un regard noir à Rudy puis déclare.

— Bon, je vais voir Mohammed pour la télé. Vous surveillez la miss, elle a tendance à ne faire que des conneries.

— Raaa ! s’agace Jenna, le faisant rire.

Kristian absent, Jenna se tourne vers Kévin et Rudy. S’allumant une cigarette d’un air détaché, elle demande :

— Qu’est-ce que Kris vous a raconté sur moi au juste ?

Rudy et Kévin échangent un regard et Rudy répond.

— Rien, rien, juste que tu étais plus ou moins célibataire.

— Euh… vu que ça fait cinq ans que je suis avec mon mec, c’est plutôt moins que plus, rectifie Jenna.

Mais qu’est-ce que cet idiot est allé leur dire ?

— Cinq ans ?! relève Kévin. C’est le grand amour alors !

Une moue cynique échappe à Jenna.

— Je ne crois pas au grand amour, ça n’existe pas, ment-elle.

— Mais tu as déjà été amoureuse… rétorque Rudy.

— Oui, mais ça s’est avéré décevant. Les sentiments, c’est rarement réciproque.

— Je comprends mieux le « plus ou moins célibataire », s’amuse Rudy.

— Je tiens beaucoup à mon copain, se défend Jenna. C’est juste que les grandes déclarations d’amour, le bonheur éternel, le romantisme débridé et tout le reste, cela n’existe que dans les livres. Dans la vraie vie, ce n’est pas aussi idyllique.

Comment j’ai pu me laisser entraîner dans cette conversation ?

Kristian, chargé du téléviseur, revient à cet instant.

— Ça va ? Elle a été sage ? demande-t-il en riant à ses collègues.

Rudy se tourne vers lui et lui adresse un clin d’œil.

— Oui, on a bavardé…

Kristian fronce les sourcils et, après avoir déposé le poste dans son coffre, il les rejoint et passe machinalement son bras autour de la taille de Jenna.

— On y va ? Avant que tu ne dises plus de bêtises…

— Pfff, venant de toi, c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Parfois, je me demande comment je fais pour te supporter.

— Vous voyez, elle se plaint tout le temps, prend Kristian à témoin ses collègues. La vraie Cosette.

— Je t’en foutrai moi des Cosette, grince Jenna, les faisant rire.

Toutefois, elle sourit et emboîte le pas à Kristian après un signe d’adieu à ses collègues.

***

— Putain ! rage Kristian. « Un jeudi en début d’après-midi, il n’y aura personne, ça roulera bien », singe-t-il Kimberly. Tu parles ! On aurait dû suivre ma première idée et y aller en métro, si on l’avait fait, on y serait déjà.

Assise à côté de lui, Jenna lui jette un regard en coin.

— Allez, ce n’est pas grave. On a le temps, il est à peine trois heures.

— Ton train est à quelle heure déjà ?

— Dix-neuf heures, tu vois on est large.

Kristian reprend son calme puis :

— J’ai eu mon cousin il n’y a pas longtemps. Il est à Dijon maintenant mais il m’a dit qu’il avait envie de venir faire la fête avec nous. On envisage de monter dans quinze jours. Tu seras dispo ?

Même si elle ne s’est jamais très bien entendue avec Laurent — c’est le moins que l’on puisse dire — Jenna l’assure immédiatement de sa présence. Hors de question de laisser passer une occasion de passer du temps avec Kristian !

— Laurent va voir s’il peut squatter chez un de ses potes mais si ça ne le fait pas, ça t’embêterait de l’héberger aussi ?

— Non, pas de souci. C’est ton cousin donc il est le bienvenu, assure Jenna.

— Merci la miss, c’est gentil.

Après s’être garés, ils s’offrent une petite balade sur l’esplanade du Champ de Mars. Sa bonne humeur revenue, Kristian propose à Jenna :

— On monte sur la tower ?

— C’est parti !

Arrivés au pied de la Tour Eiffel, ils échangent un regard malheureux. Les touristes sont au rendez-vous et une longue file d’attente s’étend devant eux.

— Ah ouais… soupire Jenna.

— Si on fait la Tour Eiffel, on n’aura pas le temps de repasser chez moi si tu veux avoir ton train, grimace Kristian. Qu’est-ce que tu préfères la miss ? On attend pour monter ou on se rentre pour que je prenne ma revanche au poker autour d’un café ?

Jenna n’hésite pas une seconde. Elle choisit l’intimité de l’appartement de Kristian.

— Tu es sûre ? Je ne veux pas que tu te forces pour moi, insiste Kristian. Si tu as envie de monter, on fait la queue.

Leurs yeux se nouent et elle sourit.

— Non ça ira, en plus j’ai des talons alors les escaliers...

Kristian passe son bras autour de ses épaules et ils font demi-tour.