Fyctia

Comme de juste, Phil peine à se lever le lendemain. En dépit des efforts de Jenna pour le presser, ils arrivent au baptême en retard.

— Jen a mis un temps fou à se préparer, justifie Phil auprès de ses parents.

Agacée, Jenna se laisse tomber sur le banc de l’église. La cérémonie est longue… la journée l’est encore plus. Ils rentrent à dix heures du soir.

— Je suis crevé, souffle Phil en s’allongeant. Putain, ça fait chier de se lever demain.

— On va dormir tout de suite, sourit Jenna, ravie de l’aubaine.

***

Jenna reprend sa chasse aux zombies pendant que Phil travaille. Marjo lui envoie un texto.

• Tu pourras me rapporter ma cafetière mercredi ? J’ai demandé à Paul de te la déposer demain. Merci.

***

Après une soirée passée avec Philippe qu’elle ne reverra pas avant une bonne semaine, attendu qu’elle va passer le week-end suivant chez ses parents, et que comme de coutume, il ne compte pas l’y accompagner, Jenna repart chez elle.

***

— Elle commence à me gaver, la frangine, déclare Paul en pénétrant dans le studio de Jenna.

— Ne cherche pas, il est en boucle depuis hier, prévient Magali en entrant à sa suite.

Après les avoir salués et mis la cafetière et les tasses de Marjo en lieu sûr, Jenna sert le café à ses invités. Paul est effectivement très en colère après sa sœur, comme Jenna s’en aperçoit rapidement.

— Depuis qu’elle est partie, elle ne m’a téléphoné que deux fois ! peste-t-il. Et encore, hier c’était pour m’ordonner de venir te déposer ses trucs, vu que toi tu as la chance d’être invitée à Paris !

— Techniquement, l’invitation vient de Kristian, rectifie Jenna.

Paul lui accorde ce point puis reprend sa diatribe rageuse.

— En plus, elle ne s’intéresse plus à rien hormis Hermès, les copines super sophistiquées qu’elle s’est faites là-bas, les cocktails et sa vie trépidante où tout le monde la trouve géniale !

Magali pose la main sur la cuisse de Paul pour l’inciter au calme tandis que Jenna le considère avec stupeur.

— Le week-end dernier, elle a même dit à maman qui — je vous le rappelle — travaille comme assistante administrative depuis plus de dix ans, que son job n’était que du « secrétariat » et qu’elle avait du bol que ce soit grand-père le président de l’asso car elle n’aurait aucune chance d’intégrer une autre entreprise et encore moins une boîte comme Hermès ! Non mais pour qui elle se prend ?! L’autre, elle bosse depuis un mois et elle croit déjà tout savoir. Je vous le dis, sa nouvelle vie parisienne lui monte à la tête ! En tous cas, elle a intérêt à se calmer très vite la Marjolaine, sinon c’est moi qui vais m’en charger.

— Paul… soupire Magali.

Il se tourne vers elle.

— Je n’y peux rien, elle m’énerve. Qu’elle se la pète… OK ! Mais elle n’a pas le droit de parler comme ça à maman ! Elle n’a rien dit mais j’ai bien vu que la manière dont Marjo l’a rabaissée lui a fait de la peine. Ah et puis cette manie de se poudrer le nez toutes les cinq secondes ! Je te jure Jen, elle est devenue imbuvable.

— Comme tu le vois, on baigne dans l’harmonie familiale, grince Magali. Ça promet pour le déjeuner d’anniversaire de Marjo chez le grand-père ce week-end… Sinon, tu fais quoi ce soir ?

— Bah pas grand-chose, j’ai mon train demain à sept heures du mat donc je vais devoir me lever tôt.

— Tu veux venir manger chez moi ? Mes parents sont partis en vacances et m’ont laissé l’appart. Il y aura Adé et toi. J’ai appelé Diana pour lui proposer mais elle m’a dit qu’elle passait la semaine chez ses parents.

Jenna accepte avec joie, ravie d’avoir de la compagnie pour la soirée et elles conviennent qu’Adélaïde passera la chercher en revenant de la fac.

Pendant que Paul et Magali terminent leurs cafés, Kristian appelle Jenna comme convenu.

— Salut la miss. Alors, tout va bien ? Toujours OK pour demain ?

— Oui, sourit Jenna. Sauf si tu as un empêchement de ton côté.

— Non tout va bien. J’ai eu un peu peur parce que Kimberly était malade hier mais elle continue à bosser donc c’est bon.

— Si elle n’est pas bien, elle n’a peut-être envie d’avoir du monde… observe Jenna. Je ne veux pas m’incruster.

— Mais non ! De toute manière c’est moi qui gère les repas et le reste, donc ça ne changera rien pour elle.

— Si tu le dis… soupire Jenna, peu convaincue.

— Ça me fait penser qu’il faudrait peut-être que je lui dise que tu viens, rit Kristian. Oh bah, je la préviendrai ce soir ou demain matin…

On parie que Kimberly va adorer la surprise… Décontenancée, Jenna se trouble :

— Euh… Kris tu es sûr que ça va le faire ? Je pensais que tu en avais parlé avec elle !

— Raaa arrête de t’inquiéter comme ça, je gère. Sinon, tu as mis de la lingerie affriolante dans ta petite valise ?

— Oui mais là, je suis avec Paul et Magali donc tu auras la surprise…

— J’adore la dentelle noire, rappelle Kristian.

— Comme je ne cesse de te le répéter, ce n’est pas beau de réclamer, s’amuse Jenna.

— Non mais je disais ça comme ça…

— Menteur ! Je te connais…

Kristian rit puis :

— Tu seras là à quelle heure demain ?

— Je vois Marjo avant de venir donc je pense être chez toi vers dix heures trente.

— Oh… tu arrives tard, déplore Kristian.

— Je sais mais je ne pouvais pas dire non à Marjo, se justifie Jenna.

— Oui je comprends la miss. C’est juste que j’ai trop hâte de te voir.

Les papillons s’envolent dans le ventre de Jenna à cette déclaration et elle sourit :

— Moi aussi… Plus que quelques heures à attendre.

— Oui. J’aurais bien continué à discuter mais vu que tu as de la compagnie je vais te laisser tranquille. Dis bonjour à Paul et Magali de ma part. À demain ma belle, je t’embrasse.

Les joues roses de plaisir, Jenna repose le téléphone sur la table.

— Vous avez le bonjour de Kristian.

Magali glousse.

— Vu ton sourire, on avait deviné que c’était lui.

Ils bavardent encore une bonne heure puis Paul et Magali s’en vont.

***

Putain… Paul ne mentait pas en disant que les parents de Magali sont blindés de fric, songe Jenna en découvrant l’immense appartement qu’ils occupent dans un immeuble cossu. Moulures au plafond, parquet vitrifié, écran géant et matériel dernier cri sont visibles partout. Pieds nus, Magali l’accueille avec un sourire.

— Et voilà, c’est chez moi !

Un peu intimidée, Jenna baisse les yeux sur ses pieds.

— Euh… je vais retirer mes chaussures, je n’ai pas envie de faire des traces sur le parquet.

— Comme tu veux, sinon on a des patins.

Des patins…Nous ne sommes pas du même monde, songe Jenna, stressée, tout en enlevant ses hauts talons.