Fyctia

— C’est super beau ici, lance Jenna à Magali. J’adore le parquet et les moulures.

— Mouais, un peu trop vieillot pour moi, mais je ne vais pas me plaindre. Il y a de la place.

Jenna rejoint Adélaïde qui s’est vautrée dans le canapé dès son arrivée. Il y a beaucoup de bibelots et elle craint de casser quelque chose ou de renverser son verre, peu habituée à ce genre d’environnement.

— Je nous prépare des cocktails ? propose Magali. Gin fizz, ça va pour tout le monde ?

La question étant purement rhétorique, elles trinquent dix minutes plus tard.

— J’ai pensé qu’on pourrait commander des pizzas, poursuit Magali. Il y a un super traiteur italien au coin de la rue et mes parents m’ont laissé largement de quoi en prendre une chacune.

L’alcool et la simplicité de l’accueil de Magali ont bien vite raison de la timidité de Jenna et les trois filles se retrouvent rapidement à glousser en faisant des plans sur la comète.

— Je n’en reviens pas que Kristian ose te faire venir chez lui comme ça, s’esclaffe Magali. Je t’imagine en train de dormir dans la même pièce que Kimberly et lui, c’est trop drôle.

Le sourire de Jenna se fane.

— Arrête, j’en suis malade d’avance. Ça va être atroce…

— Franchement, je te tire mon chapeau de t’infliger ça, rebondit Adélaïde. Supporter de voir la personne qu’on aime se coucher à côté d’une autre, je ne suis pas sûre que j’en serais capable.

Une moue triste échappe à Jenna.

— C’est le prix à payer pour passer un peu plus de temps avec lui. Et puis, ce n’est pas comme si j’ignorais qu’il est avec elle. Ce ne sera qu’un mauvais moment à passer, se force-t-elle à positiver.

Elles évoquent ensuite les inquiétudes de Magali. Comme le quart de siècle de Marjo tombe ce dimanche, Paul a saisi l’occasion de la présenter officiellement à sa famille. À commencer par le redoutable grand-père…

— Tu l’as déjà rencontré, Jen ?

— Je l’ai croisé une ou deux fois, confirme Jenna. Je ne vais pas te mentir, il est assez impressionnant.

— Tu crois que je vais lui plaire ? s’inquiète Magali.

— Tu t’en fous du grand-père, soupire Adélaïde. De toute façon, tu te fais du souci pour rien, tout le monde t’adore !

Magali tique légèrement devant le regard dont Adélaïde l’enveloppe et se tourne vers Jenna, attendant visiblement sa réponse.

— Je suis sûre qu’il va t’apprécier, assure Jenna. Évite juste de lui raconter que tu as roté dans la bouche de Paul, c’est le genre de truc qui passe moyen avec lui. Il est hyper à cheval sur la politesse et la bienséance. Surtout met ton portable en silencieux et pour le reste, sois toi-même.

Le reste de la soirée se déroule sur une note légère et après avoir dévoré jusqu’à la dernière part de pizza, Adélaïde et Jenna s’en vont.

***

Le matin de son départ pour Paris, Jenna se réveille à cinq heures et demie, survoltée. Elle vérifie quatre fois le contenu de son sac de voyage et y glisse une nuisette banale. Surtout rien de trop sexy afin de ne pas éveiller des doutes chez Kimberly. En revanche pour ses sous-vêtements…

Jenna sourit à son reflet. L’ensemble noir en dentelle lui va à ravir et elle trouve le petit nœud à l’arrière de son string trop mignon. J’espère que Kris va aimer, songe-t-elle tout en attrapant son pull bleu ciel qu’elle enfile au-dessus d’une jupe longue dans les mêmes couleurs. Rien de trop sexy, se rappelle Jenna en pliant soigneusement la jupe fleurie lui arrivant au genou qu’elle a prévu de porter le lendemain. Toutefois, elle gaine lentement ses jambes de bas de nylon avant de peaufiner son maquillage.

Une fois prête et après avoir avalé un café, elle décolle. Elle ne veut surtout pas prendre le risque de louper son train ! Dès qu’elle est installée dans le bus, elle consulte son portable. Chouchou lui a envoyé un texto à trois heures du matin :

• Je suis dans un flou total, les gens sont pour la plupart des égoïstes, j’ai besoin de vraies amies et j’ai confiance en vous.

Il est bien placé pour parler d’égoïsme celui-là, grince Jenna. Qu’est-ce qui lui arrive encore ? Pfff… bah il attendra, je ne vais pas me pourrir mon séjour chez Kris avec ses états d’âme.

Reposant son portable dans son sac, Jenna attrape le roman policier qu’elle a acheté pour le voyage.

Elle arrive à la gare avec une bonne demi-heure d’avance et s’offre un petit café en attendant l’arrivée de son train.

***

Marjo est toute pimpante lorsque Jenna la rejoint sur le quai de la gare. Brushing, manucure et tailleur pantalon, elle fait la bise à Jenna.

— Oups, je t’ai fait une trace de rouge à lèvres, s’excuse-t-elle en essuyant la joue de Jen. On y va ?

Jenna la suit dans le métro et Marjo explique :

— Mon appart n’est qu’à trois stations.

***

Soufflant, Jenna suit Marjo dans les escaliers menant à son logement. Cinq étages sans ascenseur… Toujours aussi radieuse, Marjo ouvre la porte de son palace à Jenna.

— Et voilà !

Le studio, situé sous les combles, est petit mais bien agencé. Un petit coin cuisine, une salle d’eau avec douche et un canapé convertible faisant office de lit. Après s’être déchaussée, Jenna tend à Marjo le sac contenant sa précieuse cafetière italienne et ses tasses.

— Ah cool enfin de quoi faire du café ! Je vais nous en faire un, annonce Marjo.