Fyctia
12. Théodore
J'adresse un signe de tête à Marie, notre réceptionniste, et sans attendre, prends la direction de mon bureau. La porte claque derrière moi et je me dirige vers le fond de la pièce. Ma veste s’échoue sur le dossier du fauteuil en cuir derrière la table en verre qui me sert de table de travail et mon attaché case aux pieds de mon bureau. Je retire ma cravate, défais les premiers boutons de ma chemise et ouvre le placard dans lequel je range toujours un costume de secours. Ma peau est moite et luisante, une douche ne serait pas du luxe, mais je n’ai pas le temps de courir à l’autre bout du bâtiment.
Ma chemise humide roulée en boule tombe à mes pieds. La main tendue vers le vêtement propre pendu à la porte de l'armoire je sursaute lorsqu'un raclement de gorge résonne dans mon dos. D'un bon je fais face à la l’entrée et fronce les sourcils. Cassandre et Prudence se tiennent devant moi. Qu’est-ce qu'elles foutent là ? Ma mâchoire se serre devant le regard sévère de ma frangine. Je connais cet air : elle a des reproches à me faire. Sachant que c’est elle qui m’a planté ce matin et qu'elle est en partie responsable de mon retard je la trouve gonflée sur ce coup-là !
— Qu’est-ce vous faites là ? j'attaque à bout de nerfs.
— Je fais visiter l’entreprise à Prudence et je voulais te parler, me répond ma sœur sur le même ton.
Je ricane, maintenant elle veut discuter !
— Le moins que l’on puisse dire c’est que je ne suis pas déçue de ce petit tour des locaux, votre entreprise regorge de surprises, ajoute Prudence avec un clin d’œil à mon attention.
Mordillant sa lèvre inférieure dans un geste suggestif, elle parcourt mon torse du regard, une lueur lubrique animant ses prunelles. Ma peau s’échauffe sous le poids de son attention. Je m'empresse d'enfiler ma chemise propre et tente autant que possible de l'ignorer.
Comment ose-t-elle agir de la sorte en présence de Cassandre !
Même si ma sœur ne semble rien remarquer, l'attitude de sa petite amie laisse peu de place à l’interprétation…Je visualise d’ici la crise de ma cadette si elle réalise que Prudence flirte avec moi. Je dois mettre un terme à cette entrevue le plus tôt possible.
Je ne suis pas encore prêt à une quelconque confrontation avec Prudence après ce que j’ai fait hier soir... Déjà mon corps, ce traitre, réagit à la tension sourde que son œillade crée en moi. Une attirance malsaine que je dois réfréner !
Margot. Margot. Margot.
Je dois penser à ma fiancée et me ressaisir au plus vite !
D’ailleurs qu’est-ce que Prudence fait ici ? Mon père va faire une attaque s’il apprend qu'elle est là...ou pire, s’il la croise !
— Je n’ai pas le temps, t'avais qu’à venir ce matin, je tranche en prenant place derrière mon bureau sans un regard dans leur direction bien décidé à les faire partir.
— Alors toi aussi tu es de leur côté ! Je te pensais plus intelligent que ça ! crache Cassandre d'un ton froid.
Mais de quoi parle-t-elle ?
Je pose mes coudes sur mon bureau et me masse les tempes.
— Écoute Cass, je ne sais pas ce que tu t'imagines, mais je n’ai rien contre toi j’ai juste beaucoup de travail, je lui désigne les piles de dossiers qui s’entassent sur la surface vitrée devant moi, et en plus je dois gérer les manifestants alors si tu veux bien on parlera de tout ça plus tard, je te rappelle que c’est moi qui t'aie attendu plus de vingt minutes ce matin pour discuter et tu n'es jamais venu !
— Mais de quoi parles-tu ? Je suis arrivée en avance à l’entreprise pour avoir le temps de faire le tour des locaux avec Prudence avant que tout le monde arrive.
Je fronce les sourcils. Je n’ai pas inventé son message tout de même ! Cassandre n’est pas une menteuse, jamais elle n’irait inventer un bobard pareil.
— Pourquoi n’as-tu pas répondu à mon message alors ? je lui demande suspect.
— J’ai oublié mon portable à l’appartement ce matin ! Bon si ton interrogatoire est terminé je vais raccompagner Prudence, je ne te remercie pas pour l’accueil chaleureux !
Cassandre claque la porte derrière elles sans que j’aie le temps d’ajouter quoi que ce soit. Elle devient insupportable ces derniers temps ! Elle pourtant si gentille et obéissante devient une vraie peste. Et je sais qui on doit remercier pour ça : Prudence !
D’ailleurs j’ai la désagréable sensation que c’est-elle qui m’a envoyé le message depuis le téléphone de ma sœur. Mais pourquoi ? Quel est son intérêt de me laisser poireauter comme un idiot ?
Je grommelle en plongeant le nez dans mes dossiers. Il faut que j’oublie la moue bravache de Prudence et ses prunelles vertes pétillantes.
Plus facile à dire qu’à faire. Son sourire carnassier me hante sans que je puisse l’oublier ! Elle réveille en moi une soif dangereuse...Une tentation risquée de faire disparaitre cet air fanfaron de son visage !
Mais il est hors de question que je joue à son jeu malsain sans en connaitre les règles, les risques sont bien trop importants. Il y a bien trop de variables que je ne maitrise pas.
La porte s’ouvre avec fracas me faisant sursauter une énième fois. Décidément ce bureau est un vrai moulin ! C’est trop demandé de frapper avant d’entrer ? Je grogne en relevant le nez de mon travail et grimace en voyant mon père, les bras croisés se tenant sur le pas de la porte.
— C’est donc là que tu te caches !
— Je ne me cache pas, je travaille, je soupire exaspéré.
— Il y a plus urgent, viens avec moi !
Il tourne les talons dans un bruit sec et s’éloigne dans le couloir. Le pas raide et les talonnettes de ses chaussures résonnant dans le corridor. Je souffle un bon coup avant de me relever et de lui emboiter le pas. Je hausse un sourcil quand je réalise qu’il m’entraine dans son bureau. Mais je comprends vite où il veut en venir quand dans un geste sec il ouvre les stores de la baie vitrée. J’aperçois l’entrée de l’entreprise et surtout le blocus. Sous mes yeux un cauchemar prend vie.
Les tracteurs en travers de la route bloquent la circulation, entourés de part et d’autre par des meules de foin et de fumier en flammes. Une quarantaine d’habitants, pancarte à la main scandent des slogans vers le bâtiment.
Autant je ne discerne pas avec précision ce qu’ils crient autant les messages en peinture rouge sont très clairs.
NON AU NUCLEAIRE !
NOUS NE SOMMES PAS UNE POUBELLE !
DÉCHARGE NUCLÉAIRE = MORT !
Putain on est dans la merde ! Si les investisseurs apprennent ça, on est foutu !
12 commentaires
Sand Canavaggia
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Il y a 6 ans
EmilyChain
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Il y a 6 ans
Manon Kaljar
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Il y a 6 ans
alexia340
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Il y a 6 ans
Manon Kaljar
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Il y a 6 ans
alexia340
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Il y a 6 ans
alexia340
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Il y a 6 ans
alexia340
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Il y a 6 ans
Petit nuage de bonheur
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Il y a 6 ans
Manon Kaljar
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Il y a 6 ans