Fyctia
10. Prudence
Je vérifie une dernière fois que Cassandre dort profondément et je me libère de ses bras. Je me glisse hors du lit en silence et rejoins le salon sur la pointe des pieds. Il est grand temps de mettre en route la seconde partie de mon plan.
J’ouvre mon sac de voyage — celui-là même qui a failli éborgner Théodore plus tôt dans la journée — et récupère les dossiers qui concernent l’entreprise des Lambert.
J’enfile en vitesse un jean et un sweet large aux tons foncés et cache mes cheveux colorés sous un bonnet avant de fermer avec discrétion la porte de l’appartement derrière moi, mes précieux dossiers sous le bras.
La rue est calme et plongée dans la pénombre à cette heure tardive. Je ne m’attarde pas et déverrouille la voiture de Cassandre. J’entre le point de rendez-vous dans mon GPS et prends la direction indiquée.
Il me suffit de quelques minutes pour rejoindre une aire de repos à la sortie du village. Seule la pleine lune éclaire les lieux et donne une ambiance sinistre aux environs. Une légère brise anime les arbres et leurs ombres, tels des fantômes, déambulent sur le bitume dans une danse macabre. J’aime cette atmosphère glaçante digne d’un film d’horreur. Dans ces moments-là, une poussée d’adrénaline s’empare de mon corps et me donne l’impression d’être belle et bien vivante !
Une autre voiture est déjà stationnée, tous feux éteins. Je me gare à côté et à mon tour coupe le moteur. Je sors de l’habitacle, laissant le hululement d’une chouette et le bruissement des feuilles bercées par le vent m’accueillir. Les dossiers sous un bras, je sors une cigarette et l’allume en plongeant mon regard vers le ciel étoilé. Les environs semblent déserts. Je patiente en tapant du pied. Il doit s’écouler une dizaine de minutes avant qu’une silhouette sorte de derrière un arbre et s’approche de moi d’une démarche claudicante.
J’écrase mon mégot et plante mon regard dans celui de l’homme vouté qui s’approche. Lorsqu’il est assez près, je tends dans sa direction les dossiers de l’entreprise sans un mot. D’une main ferme il s’en empare. Il prend le temps de feuilleter les documents sous un rayon de lune avant de relever la tête dans ma direction.
— Où avez-vous trouvé ça ?
Sa voix rocailleuse résonne dans le silence qui nous entoure. Ses yeux se plantent dans les miens et je le sens me dévisager. Je hausse les épaules.
— Vous n’avez pas besoin de le savoir, je réponds avec nonchalance.
Son regard passe des dossiers entre ses mains à mon visage plusieurs fois. Je le sens hésitant.
— Pourquoi nous les donner ? demande-t-il suspicieux.
— Parce qu’on a le même but : stopper les Lambert !
Je discerne ses yeux se plisser et une grimace tordre ses lèvres.
— Notre objectif c’est de protéger notre région et nos terres pas de lancer une vendetta contre les Lambert, nous ne sommes pas là pour effectuer votre sale boulot.
D’un geste sec il tend les dossiers dans la direction. Je souffle d’exaspération et lève les yeux au ciel.
— Vos motivations m’importent peu, seuls les résultats comptent. Gardez ces dossiers comme preuve de ma bonne foi, faites en ce que vous voulez ça m’est égal, de toute façon j’en ai une copie. Mais si vous voulez mon avis vous feriez mieux de vous en servir si vous voulez une chance de gagner face à Gérard, car lui ne reculera devant rien pour obtenir ce qu’il désire !
— Qu’est-ce qu’il vous a fait ?
Il sort un paquet de cigarettes de son blouson, en glisse une entre ses lèvres et me le tend pour m’en offrir une. J’accepte le stick de nicotine, l’allume et après avoir expiré la première bouffée dans la nuit, je me décide à lui répondre.
— C’est personnel, disons juste que je suis la main de la justice... je marmonne en tirant une nouvelle fois sur la clope.
— Vous comptez le tuer ? s’inquiète-t-il. Il est hors de question qu’on soit mêlé à un meurtre !
Son air sérieux et la manière dont il fronce les sourcils me font pouffer. Tellement basique... Pourquoi les gens associent-ils toujours l’idée de vengeance à la mort ? Il y a tant de façons différentes de faire souffrir une personne sans avoir à mettre un terme à sa vie. Des manières bien plus insidieuses et dont ils pâtiront tout le restant de leur existence !
— Je ne suis pas une tueuse et même si l’idée est tentante je ne m’abaisserai pas à son niveau, je vais juste me contenter de détruire sa vie et de le voir en ramasser chaque petit fragment !
Un sourire carnassier m’échappe à cette perspective. Le quinquagénaire me lance un regard abasourdi, fronce les sourcils et pince les lèvres.
— Vous êtes aussi malade que lui !
Il fait un pas en arrière et jette les dossiers à mes pieds avant de s’éloigner vers sa voiture.
— Si j’étais vous, je réfléchirais à deux fois avant de refuser mon aide...
Mon ton sec l’interpelle. Il s’arrête et fait quelques pas vers moi. Je souris devant ses poings qui se crispent et sa mâchoire serrée. S’il croit me faire peur, il se met le doigt dans l’œil.
— Tu me menaces petite ?
J’adore comment les gens perdent le vouvoiement en même temps que leur calme, ça m’a toujours impressionné la manière dont les conventions volent en éclat lorsque la colère entre en jeu.
— Non c’est juste une constatation, sans mon aide et ces documents votre petite cause n’aboutira jamais et vous le savez très bien ! C’est bien pour cela que vous êtes venus. Il m’a juste fallu vous envoyer un message pour que vous mordiez à l’hameçon tant vous êtes désespéré de trouver un moyen d’enrayer leur projet ! Alors, maintenant arrêtez de jouer les hypocrites. J’ai les ressources nécessaires pour vous venir en aide, tout ce que je souhaite en retour c’est que votre organisation soit sur le terrain pour me rapporter ce qu’il s’y passe.
— Qui nous dit que vous n’allez pas nous faire porter le chapeau de votre petite vendetta personnelle ?
— Oh pour ça n’ayez aucune crainte, ça fait dix ans que je rêve de voir son visage quand il saura qui a réduit sa vie en miettes alors je ne vous laisserai pas cet honneur !
— Et si vous échouez ?
— Aucun risque j’ai pensé à tout ! Le moindre détails a été étudié pour que mon plan soit un succès !
— Vous savez qu’ils ont le soutien de l’état tout de même ? Jamais vous n’y arriverez !
— L’opinion publique a plus de poids que vous ne le pensez, et j’ai plus d’un tour dans mon sac.
Il se recule, se gratte le menton et m’observe en silence. Je sens sa volonté devenir hésitante. Plus qu’un coup à jouer et il me mangera dans la main !
— Vous ne croyez même pas à notre cause, pourquoi devrais-je vous faire confiance ? persifle-t-il.
— Mes convictions et mes combats ne regardent que moi, mais comme ça semble vous tenir à cœur, sachez que j’ai récupéré ces dossiers à Greenpeace... et que j’ai déjà apporté mon aide à d’autres projets tels que le vôtre ! Je sais comment le système fonctionne et les failles qui nous assureront le succès !
Une lueur de surprise traverse son regard. Je l’ai attrapé dans mes filets !
Prépare toi Gérard Lambert, ta fin est proche !
7 commentaires
Sand Canavaggia
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Il y a 5 ans
alexia340
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Il y a 5 ans
Manon Kaljar
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Il y a 6 ans
Maloria
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Il y a 6 ans
MICHEL DELARCHE
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Il y a 6 ans
Manon Kaljar
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Il y a 6 ans
Estelle Miccoli
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Il y a 6 ans