Fyctia
6. Théodore
Insolente.
Impertinente.
Irrespectueuse.
La colère me fait serrer les poings, mais j’ignore autant que possible la provocation de Prudence. Me comparer à mon père est un coup bas auquel je ne répondrai pas.
Depuis que ses cheveux roses et ses yeux pétillants sont apparus sur le pas de la porte, je n’ai pas arrêté de me questionner sur ses véritables motivations. La coïncidence me semble trop grosse pour en être vraiment une...
Je ne crois pas au hasard et encore moins quand cette mystérieuse prédatrice est en cause. Quand on y réfléchit, les chances d’avoir des sièges dans le même wagon sont déjà minces, mais alors qu’ils soient sur la même rangée ça devient improbable ! Alors soit elle a des pouvoirs magiques, soit — et même si ça semble invraisemblable — c’est un coup monté.
J’ai attendu toute la soirée qu’elle aborde le sujet brulant de ce qu’il s’est passé entre nous dans le train. Ou devrais-je plutôt dire, de la manière dont elle m’a sauté dessus et profité de ma galanterie. Mais rien. Elle n’a même pas évoqué le sujet et ça me rassure autant que ça m’inquiète.
Savoir qu’en quelques mots Prudence a le pouvoir de faire de ma vie un enfer me retourne l’estomac. Elle pourrait ruiner ma relation avec Cassandre, mes projets de mariages avec Margot ou même pire, l’avenir de l’entreprise... Qui sait quel but elle a en tête ! Je me fais l’effet d’un démineur en sursis. À n’importe quel moment elle peut me faire exploser la bombe au visage et je serais bien incapable de m’en protéger.
Je dois trouver un moyen de lui faire garder le silence et de reprendre le contrôle ! Récupérer la main et le pouvoir sur ce jeu qu’elle semble jouer à notre insu. Sauf que rien ne semble l’atteindre. Toujours avec une répartie bien placée, une nonchalance irritante et l’air de se foutre de tout.
L’air de se foutre de nous.
J’ai tenté de la décrypter pendant le repas, sans succès. C’est la première fois que je suis incapable d’analyser avec certitude les intentions d’une personne et ça me met en rogne. Elle n’est que moquerie, indifférence et arrogance. Pendant un instant, il m’a semblé apercevoir de la colère, mais impossible de dire si c’est ce qui l’anime ou si c’était passager.
Une chose est certaine je ne l’apprécie pas et je ne lui fais pas confiance. Même si je dois reconnaitre qu’une part de moi l’admire pour son courage et sa confiance en elle. La manière dont elle a tenu tête à mon père m’a bluffé. En revanche son attitude avec ma sœur me hérisse.
Une dernière volute de fumée s’échappe d’entre ses lèvres pulpeuses et elle écrase son mégot contre le pneu de ma voiture. Je grince des dents.
— Tu sais où est Cassandre ? je l’arrête quand elle passe à côté de moi.
— Non, d’ailleurs tu ne trouves pas ça fou comme coïncidence ? Moi qui pensais ne jamais te revoir…tu te retrouves être le frère de ma copine !
Elle me lance un clin d’œil qui me donne la chair de poule. Je relâche son bras avec précipitation. Cette fois, j’ai très bien perçu la menace dans sa voix.
— À quoi joues-tu ? je gronde. Que cherches-tu ?
— Je te l’ai dit, j’aime profiter de la vie. De nouvelles opportunités s’offrent à moi alors je les saisis au vol, c’est tout aussi simple ! D’ailleurs si tu changes d’avis par rapport à ce qu’il ne s’est pas passé dans ce train... tu sais où me trouver ! Même si je suis certaine qu’on se reverra d’ici peu.
Elle me lance un baiser imaginaire et s’éloigne vers la maison d’une démarche chaloupée. La colère enfle en moi sans que je ne puisse la contrôler.
— Si tu lui fais du mal je te jure que je te retrouverai et que je te le ferai payer ! je l’interpelle d’un ton sec !
— Viens, je n’attends que ça ! glousse-t-elle sans se retourner.
J’ai les nerfs à fleurs de peau et la désagréable envie de frapper le premier truc qui me tombe sous la main ! Je fais quelques pas vers ma voiture pour essayer de me calmer ! Imaginer cette croqueuse d’hommes — et de femmes à priori — seule avec ma sœur m’angoisse plus que de raison. Cassandre n’est plus une gamine, mais elle est fragile et bien trop sensible pour résister à l’ouragan qui lui sert de copine !
Fébrile, je déverrouille la portière passagère et fouille dans la boîte à gant jusqu’à trouver un vieux paquet de cigarettes abandonné. Presque un an que je n’ai pas touché à cette merde, mais ce soir, après cette journée épuisante je ne peux pas résister.
La première bouffée me fait tousser, la tête me tourne et mon estomac se contracte sous l’effet de la nicotine. Ignoble ! Je jette le stick à peine consumé au sol et m’éloigne dans l’allée.
Je repense à la manière dont Prudence a défié mes parents, dont elle s’est moquée de moi, dont elle se sert de ma sœur. Elle cache quelque chose s’est certain et il me faut découvrir quoi !
Si elle cherche la guerre, elle va l’avoir !
Elle ne s’est pas attaquée à la bonne famille, d’ailleurs je suis certain que mon père est déjà en train de monter un plan de bataille pour l’éloigner au plus vite de Cassandre.
Une atmosphère oppressante me prend à la gorge dès que je pénètre dans le hall.
Les yeux rougis et avec un reniflement tout sauf glamour, ma sœur enfile sa veste avec des gestes nerveux. Prudence se tient en silence derrière elle et lance un regard goguenard à mes parents un peu plus loin.
— Mais enfin Cassandre pourquoi tu nous fais ça ? Pourquoi elle ? se lamente ma mère en s’accrochant au bras de mon père.
Je hausse les sourcils. Vraiment maman c’est tout ce que tu trouves à dire ? Ce n’est pas comme ça que Cassandre s’éloignera de la vipère qui lui sert de petite-amie !
— C’est ce que je suis maman ! Qui je suis ! Si tu n’es pas capable de l’accepter je n’ai plus rien à faire dans cette maison ! réplique ma sœur la voix tremblante.
Ces mots sont signés Prudence, j’en mettrai ma main à couper ! En temps normal jamais Cass ne tiendrait tête de la sorte à nos parents. Même si elle n’a pas tort sur le fond... J’ai beau les adoré, parfois nos géniteurs sont d’un conservatisme affligeant et devraient apprendre à faire preuve d’ouverture d’esprit.
Je ne sais pas ce que Prudence a raconté à ma sœur, mais elle nous lance à tous un regard noir avant de passer la porte et de s’enfuir.
— À bientôt j’espère, c’était un plaisir de rencontrer votre si charmante famille, ricane l’intrigante avant de s’éclipser.
Le battant s’est à peine refermé qu’un bibelot vient s’y écraser dans un bruit tonitruant. Mon père en rage fait les cent pas dans le hall.
— C’est une honte ! Qu’est-ce qui a bien pu lui passer par la tête nom de Dieu ? On a pourtant toujours été des parents aimants ! rugit mon paternel.
— Gérard qu’est-ce que l’on va faire ? Que vont penser les gens s’ils apprennent que Cassandre sort avec une fille ? Avec cette saltimbanque mal élevée ? s’apitoie ma mère dans un sanglot.
Je roule des yeux. Focalisés sur le fait que ma sœur n’est pas du bond bord, ils en oublient le principal problème : Prudence.
10 commentaires
Sand Canavaggia
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MICHEL DELARCHE
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Manon Kaljar
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Aliena
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Kriss F Gardaz
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Il y a 6 ans