BluexArcher Always believe in yourself Chapitre 14 - Théodore

Chapitre 14 - Théodore

Cela fait presque une semaine que je suis enfermé chez moi, incapable de faire face au monde extérieur après ce qu’il s’est passé avec Enaé. Chaque jour, je me lève avec la même lourdeur dans le cœur, comme si le temps s’était figé, me forçant à revivre cette journée encore et encore. Mais cette semaine, ce n’est pas uniquement à cause d’elle. La coïncidence est cruelle : c’est précisément l’anniversaire de la disparition brutale de ma sœur.


Chaque année, c’est pareil. Je ne sors pas les jours qui précèdent et qui suivent cette date fatidique. Je pose systématiquement une semaine de congé, et Caël le sait. Il sait aussi qu’il est inutile d’essayer de me joindre. Il respecte mon silence, ce qui m’arrange, car je ne serais de toute façon pas capable d’articuler quoi que ce soit de sensé.


Toute la journée, je passe en boucle les vidéos de notre enfance. Chaque image me ramène à elle, me renvoie à des souvenirs si doux qu’ils en deviennent presque insupportables. Maureen, avec son sourire éclatant qui illumine l’écran, sa voix douce et enjouée, ses éclats de rire que je ne peux plus entendre que dans ces fragments de notre passé.


Je ne veux pas oublier. Je ne peux pas oublier. Mais il y a des choses qui m’échappent, malgré moi. L’odeur de sa peau, de ses cheveux, m’a quitté depuis longtemps. C’est un détail, mais il m’obsède. J’essaie, je me concentre, je fouille dans ma mémoire, mais rien. Ce vide me ronge, comme si le dernier fil qui me reliait à elle s’effilochait un peu plus chaque année.


Le 18 arrive bien trop vite à mon goût, comme toujours. Je déteste cette date. Elle s’accompagne d’un poids écrasant dans ma poitrine, d’un mal de cœur persistant, et de sanglots qui refusent de se libérer. Tout reste coincé, bloqué, formant une boule douloureuse qui m’empêche presque de respirer. Pourtant, je fais ce que je fais chaque année. Je me lève, je m’habille mécaniquement, et je me rends au cimetière.


Le gravier craque sous mes pas tandis que je traverse les allées familières. La pluie s’abat lourdement, mais je n’y prête pas attention. Elle semble refléter mon humeur, une mélancolie froide et persistante.


En revanche, ce que je n’avais pas anticipé, c’est de trouver quelqu’un devant la pierre tombale de Maureen. Enaé est là, assise sous la pluie, ses cheveux trempés collant à son visage. Elle parle doucement, mais je n’entends pas ce qu’elle dit. La scène me fige un instant.


Lentement, je m’approche, veillant à ne pas faire de bruit pour ne pas la troubler. Je ne veux pas briser ce moment. Sans un mot, je déploie mon parapluie au-dessus de nous deux.


Elle relève la tête, ses yeux ambrés accrochant les miens. Ses lèvres tremblent légèrement, mais je ne sais pas si c’est à cause du froid ou d’autre chose. Je lis la gêne dans son regard. Elle se prépare à partir, mais je l’arrête d’un geste.


— Tu peux rester, murmuré-je presque, d’une voix rauque.


Elle hésite. Son regard oscille entre la pierre tombale et moi, comme si elle cherchait une permission silencieuse.


— Elle était ma sœur, mais elle était aussi ta meilleure amie, ajouté-je.


Elle finit par hocher la tête, mais je sens qu’elle n’est pas à l’aise. Je ne peux pas lui en vouloir. Je fais de mon mieux pour ne pas la mettre davantage mal à l’aise, mais ma propre douleur me rend maladroit.


Après quelques minutes de silence, elle murmure qu’elle va partir. Je ne la retiens pas, bien que cela ne me plaise pas de la voir rentrer dans cet état. Elle est trempée de la tête aux pieds, et je n’arrive pas à chasser l’image de ses épaules tremblantes.


Je reste encore un moment, seul avec la tombe de Maureen. Je me laisse envahir par une vague de souvenirs, par ce mélange étrange de chaleur et de douleur qu’ils provoquent. Je ferme les yeux et murmure quelques mots à ma sœur, comme si elle pouvait encore m’entendre.


Le froid finit par m’arracher à mes pensées. Je retourne à ma voiture, mais je n’ai pas roulé bien loin avant de repérer Enaé, marchant sur le trottoir. Elle avance lentement, ses bras serrés autour d’elle-même comme si cela pouvait la protéger du froid.


Je ne réfléchis pas une seconde avant de m’arrêter sur le bas-côté.


Je baisse la vitre lorsqu’elle arrive à ma hauteur.


— Monte, je te ramène, dis-je simplement.


Elle obéit sans hésiter. Quelques secondes plus tard, elle est assise à mes côtés. Le silence s’installe tandis que je redémarre. Je jette un coup d’œil vers elle. Elle grelotte, ses mains recroquevillées dans les manches trempées de son pull. Leur teinte inhabituelle, un mélange de rouge et de bleu, attire mon attention. Je sais que le froid aggrave sa maladie. Sans un mot, j’augmente le chauffage.


Arrêté à un feu rouge, je laisse mon regard se poser sur elle. Elle fixe la route devant nous, mais son corps entier est tendu, comme si elle essayait de se fondre dans le siège.


— Tu es toujours chez ton frère ? je demande finalement.


Elle semble surprise, ses yeux ambrés se tournant vers moi. Leur intensité me happe, comme toujours.


— Oui, je… je n’arrive pas à me retrouver seule, répond-elle après un court silence.


— Ce n’est pas un jugement, je précise rapidement. C’est juste pour savoir où je dois te ramener.


Elle hoche la tête, mais je ne peux m’empêcher de remarquer quelque chose dans son regard. Une fragilité, une vulnérabilité que je n’avais pas encore vue chez elle. Cette pensée me serre le cœur.

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3 commentaires

Alyssa Well

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Il y a 2 mois

Bonne année ! 🎊🎆

Aline Puricelli

-

Il y a 2 mois

A jour<3

Scriptosunny

-

Il y a 2 mois

:)
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