Fyctia

Je plonge dans un monde où toutes les faiblesses sont étudiées. A chaque pas que je fais la machine qui est en route me scanne de haut en bas. Elle ne laisse rien passer, à l’affût de la moindre trace de malhonnêteté. Il est impossible de mentir, elle sait tout. Je détecte cependant une faille dans son système. Cette toute petite programmation sur laquelle je suis passé à côté et qui demande une attention particulière. Sans jamais me départir de mon savoir, je tente de percer le mystère de cette zone invisible. Je manipule dans tous les sens les données à ma disposition. Elles s’imbriquent et s’animent devant mes yeux ébahis.

Un long cheminement de chiffres et de symboles inconnus s’entrelace sur mon écran. Je ne peux malheureusement rien n’y faire, les dégâts sont trop importants.

La matrice se fissure et je suis désorienté. Il est impossible de déceler le point central sans être découvert. Je termine de pianoter mon message, de l’envoyer et d’effacer la moindre trace de mon passage. Je suis un espion dans cet univers mais il y a un danger encore plus féroce qui rôde. J’ai donc décidé d’introduire un indice volontaire à mon protégé afin qu’il puisse mêler son savoir au mien. Une partie est vraie tandis que l’autre est inventée de toute pièce. Je ne dois cependant pas jouer avec le flux temporel. J’ai beau connaître les nouvelles théories découvertes dans le futur, je ne dois pas interférer avec ce qui est déjà arrivé.

—Qu’est-ce que vous faites ici ? entend-je.

Je suis surpris mais je ne dois pas me montrer nerveux car tout serait perdu.

—J’ai perçu un bruit bizarre comme un déclanchement impromptu alors j’ai décidé de venir voir.

Mon interlocuteur qui a les yeux rivés sur mes lèvres, semble perdu.

—Vous pensez que je vais vous croire ? Vous n’avez rien à faire ici ! lance t-il dans le vague.

Je devrais aider cet homme, je sais qu’il va mourir bientôt mais je ne peux pas aller contre le destin. Il n’attend pas que je réponde.

—Et comment êtes-vous parvenu à accéder à cette salle ? J’ai pourtant vérifié, vous ne pouvez pas…

Il se tait et me regarde d’un air impassible. Son changement d’attitude ne me dit rien qui vaille.

—C’est vous, n’est-ce pas ? J’aurai dû m’en douter, me fait-il.

—Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.

Je ne peux plus bouger, pris dans un étau malsain d’une angoisse grandissante. Tout est perdu s’il me découvre. Il faut ruser et ne pas se laisser approcher. J’ai peu de temps avant que mon masque ne se libère de son sort et qu’il ne perçoit mon véritable visage. Tout est minuté et je n’ai plus beaucoup de temps.

—Je dois partir, mais ne craignez rien, tout est sous contrôle.

Alors j’enclenche mon commutateur, celui qui vient de mon époque afin de glisser une alerte qui le fera reculer. Cela me permettra de gagner un peu de temps. Je ne suis pas censé être ici et encore moins qu’il comprenne mes intentions. Cela ne fait pas parti du déroulement de l’histoire.

Il n’a pas le temps de dire quoi que ce soit et un éclair passe immédiatement de mon appareil à ses yeux béants. Il les ferme, ébloui ensuite par toute cette luminosité inconnue. Les bras en avant comme pour se protéger. Mais c’est trop tard, le mal est fait.

—Je ne vous veux aucun mal, mais je n’ai pas le choix…

Il se rue sur moi mais ne parvenant pas à avancer car aveuglé, il tombe les deux genoux à terre. Toujours les mains en l’air, il tente de se toucher le visage. Comprenant qu’il n’est pas blessé, mais déconnecté de la réalité, il halète.

—Mais ? Qui êtes-vous ? Pourquoi ?

Après quelques secondes de questionnement, il s’écroule au sol. Je lui viens en aide afin de le relever mais il est inconscient. Je crois que j’ai été un peu fort avec l’option de mon commutateur de mémoire. Je le perçois respirer, il est vivant, c’est toujours ça !

Il va dormir comme un gros bébé quelques heures après il devrait avoir tout oublié.

Du moins, je l’espère…Parce que ce n’est pas aujourd’hui qu’il doit mourir.