Fyctia

—Comment ça une « incohérence » ? s’étonne Virgil qui à mes côtés prend un air perplexe.

—Je crois que quelqu’un de très doué ici, dans cette école est capable et peut s’avérer être l’auteur de ce méfait.

—Mais rien n’indique que c’est le cas ? continue mon voisin implacable.

—Je n’en suis pas si sûr…

Arielle prend à son tour la parole afin d’en savoir un peu plus sur ces accusations.

—Vous pensez qu’il est ici ? demande-t-elle dans un murmure contrôlé.

—Pourquoi pas ? enchaîne Monsieur Anderson sur le même ton.

Nous n'avons pas le temps d'en apprendre plus qu'un coup est donné sur la porte de la salle de cours. Celle-ci s'ouvre dans la foulée sur un Directeur paniqué et accompagné de deux hommes en tenue d'agents de police en service.

Monsieur Samson ne prend pas la peine de nous saluer, il s'adresse directement à notre professeur.

—Nous allons devoir interroger quelques élèves à propos de ce qui s'est passé ce matin. Vous les avez mis au courant ?

Son timbre de voix est tremblotant, il n'a pas l'air à l'aise dans son rôle de responsable. Cette mise à l'épreuve est pour lui une pression supplémentaire. Je ressens une telle tension dans son attitude. Il n'a pas dû être confronté à ce genre d'affaire auparavant.

—Oui, nous étions justement en train d'en parler. Monsieur Anderson est direct et sa nature sereine en toute circonstance tranquillise ce pauvre Directeur qui se tourne vers nous.

—Bien, vous n'êtes pas sans savoir que des méfaits ont eu lieu dans cette école. Ces messieurs sont ici pour enquêter.

Les deux hommes ont le regard figé sur nous tous et c'est avec minutie qu'ils étudient chaque geste de l'assemblée.

—N'ayez crainte, ils veulent simplement vous interroger à tour de rôle, annonce-t-il ensuite face à l'agitation ambiante.

Je ne me fais pas de mouron mais je reste soucieux tout de même lorsque mon nom est nommé en premier. Le trouble qui sommeille en moi me fait douter de mon aptitude à répondre correctement aux questions.

Les deux policiers m’escortent dans une petite salle prévue pour l’occasion. Elle a été aménagée pour servir d’interrogatoire. Petite, confinée et sans fenêtre, elle sert d’habitude à entreposer du matériel informatique servant à archiver du contenu numérique.

Je me sens oppressé et je crains de dire n’importe quoi sous le coup de l’émotion. Le premier qui me dit de m’asseoir est perturbé parce qu’il me dit: — J'ai bien connu ton père, petit.

Son acolyte, un grand baraqué, s'aperçoit de mon embarras et il le lui fait savoir.

Je me focalise sur le crâne chauve de celui qui ne cesse de me parler de "Jacob Golden" comme un grand héros. J'essaye de pas craquer. Me compare-t-il à lui?

Il appose son doigt sur sa mini tablette flexible servant à enregistrer ce qui va se dire.

—Bon, nous t’écoutons, Kanes. Que s’est-il réellement passé ?

—Vous êtes ici pour un simple piratage ? lui réponds-je.

—En quelque sorte, nous sommes spécialisés dans la cybercriminalité et ce genre de méfaits est assez courant, m’indique le deuxième.

—Ici nous avons le professeur Anderson qui est également calé dans ce domaine, leur relate-je.

—Peut-être mais nous avons été appelés afin d’observer plus en détail de quoi il retourne afin de trouver un indice sur le ou les coupables.

—Les Hydra Sélector ? Ce sont eux ?

—Tu m’as l’air bien au courant, remarque le chauve en se grattant le menton.

Son collègue me scrute avec intérêt et c'est d’un calme absolu qu'il m'incite à tout leur raconter, ce que je fais en détail sans omettre la fameuse machine temporelle du Professeur Norton.

—Ce qui est étrange, c’est que je sais que le coupable est ici au sein d'Alpha Victory…leur avoue-je.

Ils ne semblent pas convaincus alors je vais les laisser se débrouiller pour le découvrir eux-mêmes. Mais s’ils sont dans cette école c’est bien que leurs soupçons cheminent sur l’un des élèves ou pourquoi pas un professeur ?

Cette attaque était-elle destinée à me tendre un piège ?

Serais-je parano ?

Si celui qui me protège dans sa cachette voulait me faire passer un message ? Toutes ces interrogations ne me mènent à rien. Je suis dans le flou total. Parce qu’il se pourrait aussi que cela n'a rien à voir avec moi…et que les Hydra Sélector sont à la recherche de quelque chose qui loge ici-même.

La fameuse machine ?

Pourquoi n’auraient-ils pas un complice qui se dissimule au sein d’Alpha Victory.

Je ne relate pas toutes les suppositions qui me trottent dans la tête aux deux policiers. Je les garde pour moi.

Il faut que je reste vigilant et que je trouve un indice.

Les deux hommes ont tous les deux les yeux rivés sur leur appareil afin de vérifier que mes dires sont réelles ou non.

Tout est passé au crible et il est difficile de déjouer ce genre de machine qui capte au timbre de votre voix, la moindre faiblesse émotionnelle. Le mensonge est leur pire ennemi.

Rien ne se passe à l'analyse de mes paroles. Jusqu'à cette faille où un bip retentit.

—On dirait que tu ne nous as pas tout dit, petit ...

L'embarras qui se lit sur mon visage ne m'aide pas. Je ne peux pas leur parler de cette montre, ni du message qu'elle m'a transmis. Ce danger prédit autour de moi a dû faire ressortir une inquiétude involontaire. C'est dur de se cacher...

— Je n'ai rien d'autres à vous dire.

J'ai très chaud tout à coup. Je sens une goutte sur mon front perlée et je déglutis machinalement de façon bruyante.

Mon cœur tambourine et je ne sais plus quoi faire pour masquer ma gêne. Il faut que je me reprenne. Je hausse mon buste afin de me donner du courage.

—Je sais juste que celui qui est derrière tout ça m'en veut également mais je ne sais pas pourquoi. Je ne peux rien vous dire de plus.

Ils semblent satisfaits de ma réponse.

—Bien, nous allons tenter d'éclaircir tout ça. Tu restes à notre disposition.

Je rejoins ma salle de classe avec un poids au creux de mon estomac. Je ne suis pas infaillible.

La preuve, c'est ce mystère qui plane au-dessus de moi, qui me rend vulnérable.