Fyctia

J’ai très peu ou mal dormi le reste de la nuit. Je n’ai cessé de penser à elle. Et Marissa en devient une véritable obsession. Notre passé commun qui s’est terminé en tragédie y est pour quelque chose. C’est dur pour moi de replonger dans mes souvenirs, pas si lointain que ça en fait.

Je revois mon père, ce soir-là…Jamais je n’aurai soupçonné que ce soit la dernière fois. C'était deux mois avant mon entrée à l'Académie. Devenir agent de police me tient donc à cœur.

Quelqu’un frappe à la porte. Je suis dans ma chambre en pleine discussion virtuelle avec Aurora, ma partenaire de jeu. C’est un hologramme de ce qui a de plus banal, agréable physiquement et sans défaut. Elle est issue de l’Intelligence Artificielle qui régit les lois de l’attraction vidéo. Elle a été mise en place pour nous aider à combattre le plus d'ennemis possible. Je suis parvenu à l'extraire volontairement de l'un des programmes. En gros, disons que j'ai un peu piraté un système payant...Mes parents ne sont pas au courant de mes magouilles, alors je fais attention. Je prends mes précautions et je débranche tout avant d'être surpris. La porte s'ouvre sur mon père qui reste sur le pas de ma porte.

—Kanes, tu étais avec quelqu’un ? J'ai entendu une autre voix.

Il furète d’un regard méticuleux le contenu de ma chambre.

—Je jouais en réseau, lui annonce-je d'un air innocent.

—Quand parviendras-tu à t'intéresser à autre chose ? se lamente-t-il.

Il ne me laisse pas le temps de répliquer qu'il me lance à la dérobée que quelqu'un est là pour moi.

Je le suis jusqu'à notre porte d'entrée et constate en effet que celle-ci est ouverte dévoilant un homme patientant sous le portique. Pourquoi mon père ne l'a pas invité à rentrer ? Quand je m'approche un peu plus de lui, je le reconnais. C'est le père de Marissa. J’en suis troublé et une peur m’envahit. Elle me prend aux tripes et j'ai un mauvais présentiment.

L’homme ne tient pas en place. Sa nervosité est évidente. Son visage vitreux s'accorde à ses yeux globuleux. Il est vêtu dans une tenue sombre, de sa veste à son pantalon. Il a les mains dans les poches de son veston. Sans me départir de ma peur naissante, je lui offre un sourire crispé après un bonsoir de connivence.

Je ne l'ai pas revu depuis cette fameuse nuit où il nous a surpris il y a de cela quelques mois. La violence qui l'a habité m'a toujours mis sur mes gardes à l'avenir. Je pensais qu'il était passé au-dessus de ça. Vu que je n'ai plus jamais eu de lien avec Marissa par la suite.

Ce qui n'est pas le cas apparemment, s'il est là c'est pour une bonne raison. Pourquoi revenir maintenant ?

Mon père à mes côtés, attend que cet homme dise quelque chose.

—Kanes, apparemment ce monsieur veut te voir, c'est cela ? lui demande- t-il.

L'homme nerveux, commence à perdre patience en s'agitant. Son regard change du tout au tout lorsqu'il pose les yeux sur moi. Une colère empreinte d'amertume l'habite. Il fait un pas, prêt à fouler l'entrée mais mon père l'en empêche. A-t-il senti lui aussi le danger ?

Parce que c'est évident, il ne vient pas en ami. J'aperçois alors sa main droite s'agiter et il la met à découvert. Il pointe une arme. Aussi minuscule soit-elle, elle m'effraie immédiatement. Désormais, les deux mains sur sa crosse, il me vise. Je suis dans sa ligne de mire.

Mon père, malheureusement en habit de civil, n'a donc pas son arme de service avec lui. Et quel regret ! C'est avec courage qu'il se place devant moi en m'agrippant fortement, me forçant à me placer derrière lui.

—Petit, tu n'aurais pas dû la toucher...Sa voix est gutturale et je comprends que sa menace violente qui m'est destinée est brutale.

—Lâchez cette arme, on va discuter...tente de le calmer mon père.

Il a déjà eu affaire à ce genre de cas et ce ne sera pas la première fois qu’une arme est braquée sur lui. Mais je sens dans sa voix tremblante que la maîtrise de la situation sera plus compliquée. Le père de Marissa ne semble pas dans un état normal. Serait-il sous l’emprise de la drogue ? Son bras tendu me désigne. Il tente de faire un pas cherchant à s’approcher de moi.

—Toi, petit, pas la peine de te cacher ! Je t’aurais, pour ce que tu as fait !

Je transpire et cesse de respirer. Je sais qu’il va tirer. Son attitude est tellement imprévisible.

Je ferme les yeux et m'accroche à la chemise de mon père. Je devrais agir mais j'en suis incapable. Je suis totalement paralysé par la peur.

Et le coup part. J'ai toujours les mains qui tentent de soutenir le corps de mon père.

Mais celui-ci vacille vers l’avant et dans un élan, il se jette sur son agresseur qui multiplie les tirs. Je ne parviens même plus à compter tellement le choc est violent. Je suis dans un autre monde, je suis en enfer. Encore plus bas que dans les bas fond d’Alpha. Après avoir vu mon père s’écrouler au sol, le tireur n’en a pas fini. Il pointe son arsenal sur moi. Allongé sur le corps de mon père, j’attends la sentence. Un cliquetis se fait entendre et il me crie déçu :

—Plus de munition, la chance est de ton côté, mais j’aurais ta peau, un jour…

Mon père s'est pris deux balles dans le thorax et une dans la tête. Il a servi de bouclier. Il est mort à ma place. Le père de Marissa, n’est pas allé bien loin, une patrouille avait été avertie de cette agression. Il a été emprisonné et je n’ai plus jamais entendu parler de Marissa, jusqu'à mon entrée ici.

C’est dire que cette situation est délicate. Comment pourrai-je être serein après avoir vécu ça ! J’ai vu mon père mourir sous mes yeux par ma faute. Je ressors ému et fatigué de toute cette réminiscence. Marissa fait ressurgir le mal qui est enfoui en moi et dont je n’arrive pas à me défaire.

Il s’accroche à moi avec sa puissance et ça me bouffe de devoir me rendre à l’évidence. Nous ne pouvons plus être complices comme avant. En attendant, je me jette sur mes ressources mentales. Je garde l’espoir que tout ne sera qu’un jour que du passé. Je veux changer les choses et le temps est un ami précieux.

Le professeur Norton et son groupe Temporis, sont la solution. Je vais m’y inscrire et j’atteindrais un niveau supplémentaire dans mes connaissances.

Il est possible pour moi, de le défier ce temps, j’en reste persuadé.