Fyctia

Il est temps de donner une bonne leçon à cet idiot de Virgil !

Je vais me plaindre à Monsieur Samson que je suis harcelé par cet indélicat. Je ne suis pas un accusateur mais là y’a des limites. Il me cherche, il va me trouver.

Nous sommes dans l’attente devant la porte du Directeur. Aucun n’ose frapper. Nous n’en n’avons cependant pas le temps car celui-ci, déjà mis au courant de notre bagarre, nous ouvre la porte. Cette fois pas besoin de reconnaissance faciale ou que sais-je, celle-ci est béante et prête à nous recevoir.

Il nous fait signe de le suivre, nous n’y réfléchissons pas à deux fois. Il a l’air furax à la vue des rides sur son front qui se sont intensifiées. Il reste debout, ce qui nous oblige à faire de même.

Les deux mains derrière le dos, il nous toise en bombant le torse.

—Alors, comme ça on se bat en dehors du cours réglementaire ?

—Laissez-moi vous expliquer…commence par dire Virgil sûr de lui.

—Je ne vous ai pas donné la parole, Monsieur Damian.

Il se tourne vers moi.

—Vous, Monsieur Golden, vous vous êtes laissé emporter par votre colère ou est-ce volontaire ? m’adresse-t-il avec une dureté dans le regard.

Je me rends compte qu’il porte une petite cicatrice sur le menton, chose que je n’avais jamais pris le temps de remarquer auparavant.

Je n’ose pas répondre. Suis-je prêt à le dénoncer face à ce qu’il me fait subir dans ses propos médisants ? Monsieur Samson ne me fera pas de cadeau, parce que Virgil Damian est le fils de Monsieur Carl Damian.

—Je n'aurais pas dû Monsieur et je m’en excuse.

J’ai la tête baissée par la honte de devoir me justifier.

—Excusez-vous à Monsieur Damian, pas à moi.

Jamais je ne parviendrai à franchir ce cap. Et il est bien trop fier cet idiot de Virgil. Je le perçois souriant avec la face digne d’un être que l’on se doit de respecter. Je ne me tourne pas vers lui. Je ferme les yeux pour contenir ma colère et les rouvre en prenant un air détaché.

—Monsieur Damian n’est pas correct avec moi. Je ne peux pas rendre des excuses à quelqu’un qui ne me respecte pas.

Monsieur Samson semble atterré par mes propos et je perçois sa respiration lancinante qui ne cesse de m’obnubiler. J’ai réussi à dire ce que j’avais sur le cœur, c’est donc un grand pas pour moi.

C’est dans un sursaut bruyant que Virgil tente de se justifier par un mensonge.

—Monsieur Le Directeur, je ne comprends pas ce qu’il dit, je ne suis pas celui qu’il décrit !

Jamais je ne l’ai agressé que ce soit verbalement ou physiquement.

—Bien, mais cela exige une sanction Monsieur Golden, vous en êtes conscient ?

Virgil a gagné mais j’ai gardé ma fierté. Il est invité à sortir pendant que je reste enfermé attendant ce que Monsieur Samson me réserve.

—Vous allez aider nos agents d’entretien à nettoyer durant la nuit cette académie. J’espère que cela vous sera bénéfique à la réflexion.

Le reste de la journée est entrecoupée par des cours plus ou moins intéressant. J’ai la tête ailleurs, à penser que je vais devoir passer la nuit à récurer les toilettes ! C’est de ma faute après tout mais pour la sanction j’aurai aimé quand même avoir pu aller jusqu’au bout, c’est-à-dire lui flanquer une bonne correction à Virgil. Celui-ci m’a évité mais cela ne l’a pas empêché d’être odieux avec le reste de l’équipe et notamment avec Arielle. Il n’a pas dû digérer leur combat.

—Ce type est un déchet, il ne faut pas s’en occuper.

Le conseil de mon amie ne me convainc pas. En effet, en plus de la journée, c’est un compagnon de chambre donc difficile de l’éviter.

Je me prépare donc à passer une partie de la nuit à suer corps et âme. J’ai la surprise de constater lors de mon attente devant les locaux ménagers que je vais avoir une compagne de travaux très attractive.

—Kanes ! C’est donc toi le malheureux sanctionné ?

Marissa me scrute et passé la surprise, je distingue un petit sourire en coin. Se moque- t-elle de moi ? Jusqu’à ce que le sérieux de la situation lui indique d’être une bonne professionnelle et qu'elle se place à distance.

D’autant plus que notre passé commun est tout de même gênant de bien des manières.

Elle m’invite à enfiler une combinaison aux normes ainsi que des gants avant de commencer.

—Dans un premier temps, il faut surveiller Darius qui est programmé pour nettoyer tous les couloirs.

—Darius ?

—C’est le nom que je lui ai donné…

Elle me désigne une grosse machine roulante, spécialisé dans l’hygiène et l’entretien.

Cela va être plus facile et moins pénible que je ne le pensais. Toutefois lorsqu’elle me tend une brosse et tout un tas d’ustensiles, je me questionne.

—C’est pour les sanitaires, m'informe Marissa.

—Darius ne le fait pas ?

—Il pourrait mais ça ne serait pas marrant !

Je la vois sourire à nouveau et je la retrouve comme il y a un an, lorsque nous étions complices.

—Mais t’inquiètes je t’accompagne pour t’expliquer le boulot.

J’ai envie de savoir pourquoi elle travaille ici, qu’est-ce qui a fait qu’elle soit obligée de trimer pour gagner de l’argent au lieu de penser à son avenir. Elle avait pourtant des projets. Nous en avions discuté le peu de temps que nous nous sommes connus.

—Tu as laissé tomber tes rêves de créatrice de jeux vidéo ?

Elle cesse ses gestes et lâche ce qu’elle tient dans les mains, en l’occurrence la fameuse brosse.

Elle m’a l’air embarrassée, alors je reste pantois à la regarder.

—On n'est pas là pour parler, allez au boulot ! me dit-elle en se penchant pour ramasser l’objet indélicat.

Je passe bien trois heures dans les toilettes et les douches à m’acharner sur la crasse de mes camarades. Si je peux les appeler ainsi après mes durs travaux. Marissa vient ensuite inspecter les travaux.

—Tu t’en sors pas mal, Kanes.

J’ai toujours des tas d’interrogations en tête la concernant alors j’en remets une couche.

—Tu sais pour ce qui s’est passé entre nous…je sais c’est dur de faire l’impasse mais …Je bafouille et je me sens penaud de devoir lui parler de ça.

Elle m’arrête en levant la main.

—C’est du passé. Maintenant j’ai d’autres priorités.

Elle se tait quelques minutes et je lis dans ses yeux qu’elle a besoin de me dire quelque chose d’important. Cependant elle n’ose pas.

—Je suis là si t’as besoin de parler. Je sais que je ne suis peut-être pas le mieux placé mais…

—En effet, m’interrompt-elle.

Puis elle s'attèle à son travail. Je n'en saurai pas plus.